Chapitre 9

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Lorsque Harry entra dans le « Dragon qui fume », personne ne sembla lui prêter attention. L'endroit était enfumé et le bruit des conversations était assourdissant.

Le jeune homme plissa le nez à l'odeur d'alcool entêtante et de crasse, et il avança avec confiance jusqu'au comptoir.

Le barman le fixa avec méfiance, les yeux plissés, et Harry se félicita de s'être jeté un léger sort de métamorphose pour ne pas être reconnu.

L'homme grogna, aussi accueillant que l'île d'Azkaban.

— Qu'est-ce que vous voulez ?

Harry commanda une bièraubeurre après une légère hésitation et il ne manqua pas l'expression méprisante de l'homme.

— On sert pas d'la boisson de fillette ici. Z'avez qu'à aller au Chaudron baveur.

Avec un soupir, Harry marmonna finalement.

— Un pur feu alors.

Le barman se tourna pour préparer son verre, non sans avoir roulé des yeux, lui signifiant sans aucun doute qu'il n'était pas le bienvenu. Harry se tourna pour jeter un coup d'œil sur la clientèle, essayant de ne pas montrer la moindre émotion.

S'il avait trouvé l'établissement d'Alberforth Dumbledore mal fréquenté lorsqu'il était adolescent, il devait avouer que le Dragon qui fume était d'un autre niveau. En temps normal, jamais il ne se serait aventuré à cet endroit seul, et encore moins à la nuit tombée.

Harry sursauta légèrement quand un verre claqua sur le comptoir et il se retourna rapidement en croisant le regard narquois du barman. Il hocha la tête sèchement et il lâcha une poignée de mornilles pour payer sa consommation. Puis il prit le verre et il partit s'installer à une table libre, choisissant celle qui était la plus à l'écart des consommateurs déjà présents.

Il s'assit dos au mur — un peu de paranoïa ne ferait pas de mal - et il fit semblant de fixer les flammes bleues qui dansaient à la surface de son whisky alors qu'il observait en réalité les autres clients.

Toute la misère humaine semblait rassemblée à cet endroit, noyant son désespoir dans de l'alcool bon marché. Un vieil homme était avachi sur sa table, entourée d'un certain nombre de verres vides, et Harry se demanda brièvement s'il était encore en vie, avant qu'il éructe violemment, le rassurant.

Un groupe d'hommes jouaient aux cartes en se disputant, tous à des degrés divers d'ivresse. Harry paria que d'ici peu ils en viendraient aux mains, et ce serait l'occasion pour lui de s'interposer pour prendre un coup ou deux et avoir l'air légèrement amoché.

Harry s'interrogea brièvement sur sa santé mentale alors qu'il planifiait de se mêler à une bagarre d'ivrognes pour ressembler à quelqu'un qui venait de se faire agresser. Il se dit qu'il ne parlerait jamais de ce moment à personne, car si Hermione en entendait parler, elle serait folle de rage... Et il préférait ne pas énerver davantage son amie.

Harry secoua la tête et but une gorgée de son verre, grimaçant à la brûlure de l'alcool. Il ignora le reste des clients qui buvaient seuls ou en groupes, puisqu'ils semblaient plutôt calmes et à des lieues de s'emporter, contrairement aux joueurs de cartes.

Le barman semblait ne pas se soucier de la table bruyante, leur envoyant de temps à autre d'un geste de baguette adroit de nouveaux verres pleins et ramenant à lui ceux qui étaient vides.

Harry prit une autre gorgée avec un soupir, commençant à douter de ses idées stupides. Il aurait peut-être dû demander à Hermione de le frapper pour qu'elle puisse décharger sa colère ? Lorsque cette pensée l'effleura, Harry dut se mordre la lèvre pour ne pas se mettre à rire stupidement et attirer l'attention.

Les joueurs de cartes étaient toujours bruyants, ils buvaient des quantités alarmantes d'alcool, mais ils ne semblaient pas décidés à en venir aux mains.

Alors qu'il songeait sérieusement à abandonner et à quitter le bar, un bruit de verre brisé attira l'attention de Harry à l'autre bout de l'établissement.

Le remue-ménage passait presque inaperçu puisque les deux hommes avaient choisi une table dans l'ombre, devenant presque invisible pour le reste des clients. Intéressé, Harry tendit l'oreille et surprit les échos d'une dispute virulente.

L'un des hommes accusait l'autre de vol et le menaçait de lui donner une correction s'il ne payait pas ses dettes. L'autre homme bégayait et tentait de se défendre, assurant qu'il n'avait rien fait.

Un regard sur les joueurs de cartes décida Harry. Les quatre ivrognes bruyants ne se battraient pas, ils ne feraient rien de plus que hurler et chahuter. Par contre, les deux hommes dans l'ombre étaient sur le point d'en venir aux mains. Ou plus exactement, l'un des deux s'apprêtait à molester l'autre.

Harry finit son verre d'une gorgée, son attention toujours dirigée sur la dispute en cours. Puis, il se leva, emportant son verre comme s'il le ramenait au comptoir. Plutôt que de traverser la salle comme il l'avait fait à son arrivée, il en fit le tour afin de passer près de la scène qui avait attiré son attention.

Le pas d'Harry ralentit légèrement, alors qu'il se préparait à faire quelque chose de totalement stupide. C'était probablement le plan le plus idiot qu'il ait jamais eu, et il crispa les doigts sur son verre.

Lorsqu'il arriva à la hauteur de l'homme qui menaçait l'autre, Harry fit un léger pas de côté pour bousculer l'homme. Immédiatement, ce dernier réagit en se tournant, le poing levé.

Harry eut juste le temps de noter qu'il s'agissait d'un colosse brun au visage déformé par la rage, avant de recevoir un uppercut qui le sonna légèrement.

Du coin de l'œil, il vit l'autre homme — un rouquin maigre et terriblement pâle — en profiter pour prendre ses jambes à son cou, mais il ne fit pas la moindre remarque, décidant que ce serait sa bonne action de la soirée.

Il cligna des yeux, avec une expression aussi neutre que possible, et le colosse grogna, furieux.

— Qu'est-ce que tu veux, toi ?

Harry leva son verre avec un sourire stupide, son autre main plaquée sur sa joue à l'endroit où il avait été frappé.

— Désolé. J'voulais pas... désolé, m'sieur.

Il s'assura d'avoir la voix pâteuse, comme s'il avait bu une bouteille de tord-boyaux au lieu d'un seul verre. Il espérait que son haleine serait suffisamment imprégnée d'alcool pour qu'il ait l'air convaincant.

Le colosse le fixa un instant, puis il grogna une fois de plus — comme s'il ne connaissait pas d'autre mode d'expression — et il se retourna pour reprendre là où il en était resté. Cependant, Harry n'eut pas le temps de s'éloigner alors qu'il laissait échapper un cri colérique en constatant que sa victime s'était envolée.

Attrapant le bras de Harry, il le projeta contre le mur, ce qui coupa le souffle du jeune homme. Puis il se pencha vers lui, le fixant de ses yeux noirs, enragé.

— T'es son complice ? Tu crois qu'il va s'en tirer comme ça ?

Le cœur battant, Harry essaya d'afficher une expression stupide, mais le colosse le frappa encore, distribuant les coups sans que Harry puisse s'échapper.

Désormais un peu effrayé puisque la situation échappait à tout contrôle, Harry s'apprêtait à sortir sa baguette pour se défendre, conscient que s'il se battait avec, il risquait de se dévoiler...

Sa fidèle baguette était après tout bien connue du monde magique...

AmnésieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant