Amnésie

Chapitre 32

Théo s'endormit très rapidement, exténué par la nuit agitée qu'il avait eue.

Harry l'observa quelques instants, le cœur serré, osant se demander comment il avait pu tomber amoureux si vite, lui, l'éternel solitaire.

Contrairement à Théo, Harry voulait espérer un avenir possible entre eux, mais ce qui l'inquiétait n'était pas le fait qu'ils vivent dans deux mondes séparés. Ce qui l'inquiétait était plutôt la réaction de Théo lorsqu'il apprendrait que Harry avait menti depuis le début.

Bien sûr, Harry pourrait lui expliquer qu'il avait été sincère sur ses sentiments, qu'il avait juste dissimulé une partie de la vérité. Cependant, il avait l'impression d'abuser de la confiance de ses nouveaux amis en prétendant être amnésique.

Harry soupira et déposa un baiser sur le front de Théo, avant de murmurer, le cœur serré.

— J'espère vraiment que tu me pardonneras.

Il se blottit un peu plus contre Théo, prenant garde de ne pas le réveiller avant de se laisser aller au sommeil, encore fatigué après sa nuit écourtée.

Lorsque Harry s'éveilla, il était toujours blotti contre Théo, et ce dernier le serrait dans ses bras, profondément endormi.

N'osant pas bouger, Harry se laissa aller à rêver, décidant que s'il pouvait se réveiller tous les matins comme ça, il serait définitivement heureux.

Il refusait de se résigner et d'abandonner Théo derrière lui. En passant du temps avec Théo, il avait eu l'impression d'ouvrir les yeux et de recommencer à vivre pour la toute première fois depuis la fin de la guerre. Il avait envie de plus qu'être un auror dévoué...

Harry repoussa toutes ses pensées quand Théo cligna des yeux et commença à s'agiter, se réveillant. Encore ensommeillé, le jeune homme lui sourit et le cœur de Harry manqua un battement, alors qu'il prenait conscience de la profondeur de son attachement envers lui.

Il chuchota, avec un sourire timide.

— Hey, bonjour ! Bien dormi ?

Théo bâilla en attirant Harry plus près de lui avant de marmonner, dans un soupir.

— Comme une marmotte. Tu es une vraie bouillotte, tu sais ?

Harry gloussa, se sentant stupidement heureux. Il leva la tête vers Théo et ce dernier le regarda intensément quelques secondes avant de l'embrasser doucement. Harry répondit à son baiser avec un gémissement satisfait.

Lorsque Théo s'écarta de lui, il murmura, avec un sourire en coin.

— Tu es un démon. Je pensais pouvoir te tenir à l'écart, mais tu t'es glissé dans ma vie et... bon sang, Harry, je sais que tout pourrait être terminé demain, que c'est impossible... mais je n'arrive pas à te repousser.

La gorge nouée, Harry le fixa avec sérieux.

— Quoi qu'il arrive, Théo, je veux que tu saches que je suis sincère. Que je ferais n'importe quoi pour qu'on se retrouve. D'accord ? Je ne veux pas te blesser ou te faire souffrir, loin de là. Je tiens à toi plus que tout...

Théo hocha la tête.

— D'accord. J'ai confiance en toi, tu sais ?

Harry ne répondit pas, la gorge serrée, déposant juste un baiser sur les lèvres de Théo et profitant de son étreinte.

Toute la journée, Harry resta près de Théo, ne manquant jamais une occasion de le toucher, comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. S'il en avait eu le pouvoir, il aurait aimé pouvoir inverser la course du temps, ou au moins la suspendre... parce que le moment où la vérité allait éclater sur son imposture se rapprochait à une vitesse effrayante.

Il voulait expliquer à Théo, mais les mots restaient bloqués dans sa gorge alors qu'il imaginait le pire : Théo le repoussant, puis le détestant.

Il se rendait compte que tout son courage de Gryffondor ne suffisait pas, pas quand il avait l'impression que tout son bonheur à venir était en jeu.

Théo lui lançait parfois un regard pensif, comme s'il se doutait que Harry lui cachait quelque chose d'importance. Cependant, il profitait lui aussi de ces moments volés avec bonne volonté, ayant cessé de lutter contre leur attirance.

Le seul moment où Harry s'éloigna de Théo, ce fut pour aller préparer le repas. Lorsqu'il sortit de la cuisine, il surprit une conversation entre Théo et Drago et son cœur se serra.

— ... tu es un idiot, Théo, tu vas avoir le cœur brisé.

Lorsque Théo répondit, sa voix était douce, mais pleine de douleur.

— Je sais. Mais je suppose que ça en vaut la peine. Je me dis qu'il va retrouver la mémoire, bien sûr, mais ça sera toujours lui, n'est-ce pas ?

Drago sembla hésiter, puis il finit par répondre.

— Il ne semble pas avoir changé et il n'a jamais été cruel volontairement. Mais il va partir, Théo. Tu sais très bien que loin de l'Allée, il reprendra sa vie et finira par passer à autre chose.

Harry serra les poings, prêt à intervenir, mais la réponse de Théo l'arrêta et le figea.

— Je sais. Je l'attendrais, même s'il ne revient pas. Et tu sais quoi ? Même si ça s'arrête là, je ne pourrais pas me plaindre, parce que je ne pensais pas que j'aurais autant de chance un jour.

Harry ferma les yeux, alors que des larmes brûlaient ses paupières, et il se jura qu'il démolirait le monde magique pièce par pièce s'il le fallait pour qu'il puisse retrouver Théo.

Il avait toujours imaginé que l'Allée était à portée de tout le monde, qu'il suffisait de s'engouffrer dans la rue étroite et malodorante qui donnait sur le chemin de Traverse pour y pénétrer.

Lorsqu'il s'y était retrouvé enfant, il avait vu un endroit dangereux, mais fréquenté par des sorciers ordinaires aussi bien que par des créatures plus sombres.

Les mises en garde de Kingsley ne l'avaient pas vraiment détrompé. Il savait qu'il avait encore des ennemis — la fin de la guerre n'était pas si ancienne après tout — et que certains d'entre eux pourraient vouloir lui faire du mal pour se venger. Il avait vaguement compris que l'Allée des Embrumes était plus qu'une simple ruelle sinueuse en étudiant la carte qu'il avait tirée du dossier sur les meurtres, mais il n'avait pas compris ce que c'était avant d'y entrer et d'y plonger profondément...

L'Allée des Embrumes était tout ce qu'il avait imaginé, bien sûr. Commerces, créatures et sorciers noirs. C'était dangereux. Sans aucun doute.

Mais surtout... l'allée des Embrumes était un autre monde, bien loin du monde magique.