Chapitre 1 La femme de DaCosta

431 18 2
                                    


Elisabeth

- Vous vous ennuyez madame ?

Je sursaute et me retourne. Un jeune homme, propre sur lui, comme la plupart des gens dans cette cours, me sourit. Il est très beau, je n'ose pas le regarder. Je n'en ai pas vraiment le droit à vrai dire. Je me risque un regard vers Victor qui est en train de commenter énergiquement le match de polo avec ses richissimes amis. Puis je souris timidement au jeune inconnu et lui répond sans pour autant le regarder dans les yeux.

- Ce n'est pas vraiment le genre d'activité qui m'intéresse. Dis-je.

- Et quel genre d'activité vous intéresse madame ?

- Élisabeth DaCosta. J'aime beaucoup lire.

- Oh, vous êtes la femme de Victor ! Je m'appelle Emmet Jackson, je suis le fils de Charles Jackson, un ami de votre mari ! S'enthousiasme Emmet en lui tendant la main.

Je l'accepte et gémis quand il déposa un baiser sur le dos de ma main. Complètement affolée, je lève les yeux et rencontre le regard froid de Victor. Mon sang ne fait qu'un tour, il ne laisse rien paraître, mais croyez moi, il est en train de bouillir de l'intérieur. Je prétexte une envie de me rafraîchir et quitte Emmet sans un regard en arrière.

J'avais la boule au ventre, je savais ce qui allait arriver. Je n'aurais jamais dû lui répondre et mettre fin tout de suite à la conversation. Avec chance, Victor ne me suivit pas. Il ne s'énerve jamais en public. Je rentre au Country Club et fonce aux toilettes en répondant timidement aux adhérents qui me reconnaissent et me saluent. Je devais toujours être brève et limiter les regards.

Une fois à l'intérieur des toilettes, je me sens plus en sécurité. Pour l'instant. Je lève les yeux vers la femme qui me regarde dans le miroir. Des cheveux blonds, très long remontés en chignon, un maquillage simple et pas trop voyant. Je ne me reconnais plus. Je ne sais pas qui je suis, je ne sais plus. Plus depuis ce fameux soir où Victor a fait de moi sa femme.

Je n'étais qu'une étudiante en lettres à Oxford quand je l'ai rencontré. Mon professeur de lettre moderne nous avait emmené boire un verre pour fêter la fin de l'année. J'avais 23 ans et lui 37. Il était au assis au fond de la salle avec deux de ses amis, brun ténébreux avec une petite moustache et des fossettes qui m'avaient fait craquer à l'époque. Aujourd'hui, je les détestais. Il m'avait offert un verre et m'avait parlé en français, ma langue maternelle. Son accent british m'avait beaucoup séduite.

On s'est revus à plusieurs reprises. Je ne lui ai pas cédé tout de suite, il me faisait la cour et j'adorais ça. La petite jeunette et l'homme le vrai. Il m'offrait des cadeaux que j'acceptais en souriant poliment, car je ne voulais pas le blesser. Je n'étais pas une profiteuse, même si c'était l'étiquette que l'on m'avait collée dans le dos. La croqueuse de diamants. La petite fille qui a attrapé le richissime DaCosta dans ses filets.

S'ils savaient.

Je sors des toilettes et me dirige vers le bar du Country club commander une limonade, light. Je n'avais pas le droit de boire de l'alcool, pas le droit de fumer, de manger gras. Je devais toujours sourire et le suivre partout comme une petite chienne. C'est ce qu'il me répétait sans cesse.

- Madame DaCosta ?

Je sursaute pour la deuxième fois dans l'heure et me retourne. Une jeune serveuse me salue poliment et m'annonce que mon mari m'attendait au restaurant. Je la suis jusqu'à la table où Victor riait avec ses amis douteux. Un rire de façade, bien évidemment. Quand il m'aperçoit, une lueur malsaine traverse ses pupilles bleus presque blanc. J'en ai la chair de poule. Il se lève et me sourit. Un autre de ses sourires de façade qui cache quelque chose bien plus sombre.

- Te voilà ma chérie. Où étais-tu ? Me demande-t-il en passant sa main en bas de mon dos.

- J'étais aux toilettes. Je lui réponds.

- Assis toi.

Son ton est sec, son sourire faux. J'ai envie de mourir et de ne jamais rentrer à la maison.

Le déjeuner est interminable. Il boit, comme presque tous les jours. Je déteste quand il s'enivre, ça le rend plus détestable. Plus violent. Quand vient le temps où nous devons rentrer, mon cœur s'emballe. Je suis Victor comme un zombie jusqu'à notre voiture où mon chauffeur, Miguel nous attends. Je déchante très rapidement, cela voulait dire que nous faisions la route ensemble.

Miguel nous ouvre la porte et s'incline respectueusement devant nous. Sans me regarder, car il en avait l'interdiction. Victor fut silencieux tout le long du trajet. Il ne me regarda pas, ni me toucha. Pas encore.

Arrivée au port, Miguel gare sa voiture sur une barque qui traverse la Manche afin de rejoindre notre maison en plein milieu de la mer. Il en avait fait exprès, car il savait que j'avais une peur bleue de l'eau. J'ai failli me noyer une fois et depuis voir toute cette eau me rendait nerveuse.

Mon chauffeur se gare dans l'allée et nous fait descendre. Je haïssais cette maison. Des carrés empilés sur des carrés, avec de grandes baies vitrés partout pour que j'aie une vue dégagée de cette mer qui m'effraie. Victor ouvre la porte d'entrée et s'efface afin de me laisser entrer.

J'enlève mes escarpins et les range soigneusement dans le placard à chaussure. Il détestait le désordre et me le rappelait chaque jour à coup de pied dans le derrière.

- Tu connais Emmet depuis quand ? Me demande soudain Victor.

- Je ne le connaissais pas avant aujourd'hui, je te le jure. Lui répondis-je en déboutonnant mon manteau.

Ses mains baguées attrapent mes épaules. Je ferme les yeux, les mains crispées sur le revers de mon manteau. Il m'aide à l'enlever et le range soigneusement sur un ceintre dans le placard de l'entrée.

Puis avant que je n'ai le temps de faire deux pas, il m'attrape par la nuque et me jette contre le mur.

- Tu n'es qu'une petite traînée ! Je t'avais interdit de parler à qui que se soit! Sale pute ! Cris Victor en m'écrasant la joue contre le mur.

- Je ne lui ai pas parlé ! Je te le jure Victor !

- Sale menteuse !

Il me jette sur le sol. Je me recroqueville sur moi-même alors qu'il est en train de me tabasser à coups de pied dans les côtes. J'ai appris depuis toutes ces années à tendre mon corps de sorte à ce que ses coups soient moins douloureux. Mais il avait bu et il était encore plus violent, alcoolisé.

- Je travaille dur pendant que tu glandes toute la journée ! Je t'emmène avec moi et toi du drague tout ce qui bouge putain ! Hurle Victor.

Je ne réponds pas, ça ne servirait à rien sauf l'énerver encore plus. Il m'attrape par les cheveux et me traîne jusque dans la chambre. Je hurle malgré moi, mes épingles me rentraient dans le cuir chevelu, mon corps se percutait contre les recoins de la maison.

Je savais ce qui allait se passer. Il allait me le faire payer comme la première fois lors de notre lune de miel. Juste après notre mariage. C'est là que j'ai vu son vrai visage. Il y a six ans.

Il me jette sur le lit. Ma tête percute le mur, je suis à moitié sonnée quand son corps imposant grimpe sur moi.

- Je vais te traiter comme la petite pute que tu es. Grogne t-il au creux de mon oreille.

Je ne me débat pas et ferme les yeux. 

Délivre moi du MalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant