Le commissariat paraissait petit à côté de ce que je m'étais imaginé. Mur blanc, grand escalier en pierre, vitre teintée noire. Je suivis Steven, la boule au ventre. J'allais être interrogée, ça pouvait durer des heures et ressasser tout ce qu'il s'est passé durant ces années de calvaires aux côtés de Victor ne m'enchantait pas.
J'allais être interrogé par Richard et Steven qui étaient affectés à cette affaire. Ce qui était rassurant pour moi. Mais me souvenir de tout les signes qui fait de Victor un grand trafiquant mondial allait être plus difficile. Je n'ai vu que des signes, des petites choses par-ci par-là. Mais ce n'est pas ça qui intéressait la police. C'était l'endroit où nous vivions, où nous allions en vacances.
Je m'installe dans une pièce en face de Steven et de Richard qui m'apporta un thé et des croissants.
- Tu es ici en tant que témoin protégé. Nous allons devoir tout reprendre depuis le début, prends tout le temps que tu voudras. Me dit-il en posant un magnétophone devant moi.
- Tout depuis quand ? Je demande en entourant ma tasse de mes mains tremblantes.
- Votre rencontre à aujourd'hui. Me répond Steven.
- Oh, je vois. Je marmonne.
- Prends ton temps, et n'omets aucun détail.
Il appuie sur le bouton play.
- Nom, prénom et date de naissance. Me demande-t-il.
- Élisabeth DaCosta, j'aurai 29 ans le 11 août 1995 à Paris, en France.
- Votre nom de jeune fille ?
- Arnaud.
- Quand avez-vous rencontré Victor DaCosta?
- Je l'ai rencontré dans un bar, en Angleterre il y a neuf ans. Nous avions une connaissance en commun, mon professeur de littérature. J'avais vingt ans, il en avait dix-huit de plus. Il était gentil, très prévenant. Il s'est présenté comme étant le dirigeant d'une grande chaîne pharmaceutique. Il me complimentait beaucoup, m'offrait beaucoup de cadeaux que je refusais constamment. Je ne voulais pas être de celles qui profitent de l'argent d'un homme. Mais son élégance me séduisait beaucoup. Il était d'origine colombienne, mais avait vécu toute sa vie en Angleterre. J'adorais les Anglais et leur bien séance. Il l'incarnait parfaitement. J'ai craqué au bout d'un an et demi. Après ça, il m'emmenait aux restaurants les plus chics, parfois en voyage.
- Où ça ? Me demande Steven.
- La Colombie, la Corse et la Californie étaient les endroits où il avait des résidences secondaires. Sinon il m'emmenait partout. Italie, Grèce, Japon. Je le suivais partout, il me rendait heureuse d'une certaine manière. Il me respectait beaucoup et ne me touchait pas. Il voulait être digne de moi en tant que mari. Alors il m'a demandé en mariage et j'ai accepté. J'avais vingt-trois ans, j'avais un diplôme en littérature et un fiancée fortuné parfait.
Steven grogna dans sa barbe en griffonnant sur son carnet. Richard lui donna un coup de coude et me fit signe de continuer.
- Nous nous sommes mariés en Angleterre, c'était somptueux et censé être le plus beau jour de ma vie. Et puis il y a eu la lune de miel. C'est là que tout a commencé.
Steven serra son stylo entre ses doigts. Je me préparais à raconter les six années les plus difficiles de ma vie.
- Il était ivre, je n'aimais pas ça. Le soir de notre mariage, il voulait commencer notre lune de miel dans notre chambre. Je ne voulais pas vivre cette première fois avec un homme ivre. Je voulais que ce soit magique, sur une île paradisiaque. Mais Victor en avait décidé autrement. Il m'a frappé jusqu'à ce que je sois assez sonné pour prendre ce qu'il voulait. Il en fera un rituel, la même chose à chaque fois qu'il voulait le faire.
- Où vous avez vous passé votre lune de miel ?
Je déglutis. Je ne voulais pas me remémorer de ça.
- Dans l'une de ses maisons secondaires en Corse. Nous y avons passé une semaine, affreuse. Je devais rester dans la maison, je n'étais pas sortable. Je réponds en chassant ce souvenir de ma mémoire.
- Vous sauriez la situer ?
- Je n'y suis allée qu'une fois, je ne m'en souviens pas. Je réponds.
- Et les deux autres ?
- En Colombie, sa maison se trouve à Bogotá. Il m'a emmené en Californie qu'une seule fois pour ses affaires. À San Francisco.
- Bien. Décrivez-moi votre vie avec Victor.
- Il partait tôt le matin. Je devais me lever à 7 heures pour lui faire son petit-déjeuner. Puis il partait toute la journée. Je devais nettoyer la maison et la laisser en l'état jusqu'à ce qu'il rentre. Il rentrait la plupart du temps à 19 h 30. Mais parfois, il faisait exprès de rentrer tôt pour me surprendre. Si je ne portais pas les vêtements qu'il m'avait choisis ou si le repas n'était pas prêt et chaud, il me battait.
- À quelle fréquence ?
- Au début, c'était une fois de temps en temps. Quand je quémandais de trop ou que je ne voulais pas, vous savez. Au fur et à mesure du temps, ça devenait de plus en plus fréquent. Il me frappait parfois jusqu'à ce que je perde connaissance. Il refusait constamment que l'on m'emmène à l'hôpital. Alors je guérissais par moi-même. Parfois avec l'aide de Miguel, mon chauffeur.
- Dîtes nous en plus sur Miguel.
- Miguel était mon chauffeur et mon ami. Il m'avait donné un téléphone que je dissimulais afin de l'appeler en cas d'urgence. Il me soignait du mieux qu'il pouvait. Ce n'était pas vraiment u médecin dans l'âme. Je réponds, le sourire attendrissant.
- D'autres hommes venaient régulièrement ?
- Tiago et Marco. Je ne connais pas leur nom de famille. Ils le suivaient partout, ils étaient son ombre. Quand Victor ne voulait pas se salir les mains, il leur demandait de le faire à sa place.
- C'est-à-dire? Demande Steven entre ses dents.
- Ils me frappaient. C'est arrivé trois fois.
- Avez-vous vu quelque chose qui vous faisiez penser que Victor trempait dans autre chose que les produits pharmaceutiques ?
- Ses hommes de main, sa violence, son goût pour le sang. Il avait toujours un flingue sur lui, ses gorilles aussi. Il buvait beaucoup et se droguait constamment. Quand il m'emmenait dans ses déplacements, c'était pour m'exposer devant ses futurs partenaires commerciaux. Un jour, j'ai entendu l'un d'eux parler d'un trafic de jeune femme. Victor a tout fait pour me faire oublier cette conversation. Mais je me souviens très bien de quoi ils parlaient ce jour-là. Une nouvelle livraison de jeune fille, des Espagnoles et des Françaises en grande partie. Ils parlaient d'organiser une soirée où ils les mettraient aux enchères. Je n'en sais pas plus.
- Comment vous êtes vous enfuis ?
- J'ai simulé un suicide. Je me suis jeté dans le vide et j'ai nagé jusqu'au port où m'attendait la femme de Miguel, Maryline. Elle m'a emmené chez eux, m'a coupé et coloré les cheveux puis m'a emmené à l'aéroport. Je n'ai pas de nouvelle d'eux depuis. C'est plus prudent. J'ai changé d'identité et je me suis réfugié en France à l'aide d'Émilie qui était une connaissance de l'université. Victor ne la connaissait pas et elle était apparentée à deux inspecteurs de police.
- Vous sauriez nous indiquer où se trouve sa maison principale et secondaire ?
- Oui, je peux. Mais je ne veux pas y retourner.
- Il y aura peut-être une possibilité pour que ce soit le cas.
- J'espère que non. Je soupire.
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Délivre moi du Mal
RomantizmÉlisabeth est jeune, belle et mariée au richissime Victor DaCosta. En apparence, elle a tout pour être heureuse. Mais personne ne sait ce qu'il se passe dans l'intimité. Battue et constamment humiliée par son mari, sa vie est en danger. Elle décide...