12- RUE

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- Rue...? Rue, à quoi penses-tu?

Me reconnectant à la réalité, je quitte des yeux le sol et arrête de secouer nerveusement ma jambe pour croiser le regard de la psychologue qui a son regard rivé sur moi.

- A rien, répondis-je simplement.

Mon regard se balade sur les murs de la pièce, comme pour chercher à trier mes pensées ou à faire taire certaines voix qui parlent un peu trop dans ma tête.

- Tu es sûr? Tu as arrêté de parler il y a dix minutes après qu'on ait évoqué ta tentative. Je sais que c'est un sujet délicat, mais si tu veux, on peut en parler.

- Je vous l'ai dit. Je sais ce que j'ai fais et je vais mieux.

- Tu cherches à convaincre lequel de nous deux?

Je garde le silence. Elle sait que je veux qu'elle croit que mon état n'est pas si grave car je sais pertinemment qu'elle a le pouvoir de m'envoyer en hôpital psychiatrique si elle juge mon état trop "critique" ou "dangereux" ou bien je ne sais quelle connerie encore.

D'un autre côté, il est évident que je ne vais pas mieux mais il faut que j'essaie de montrer que ça va, que je tiens le coup.

Le coup.

Ces derniers jours, ma tête est un enfer. Je n'arrête pas de faire des cauchemars au point où je repousse le moment d'aller dormir.

Je suis cruellement en manque de sommeil. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi tout le passé ressurgit si soudainement et si violemment.

- Tu m'as dit que tu avais du mal à dormir en ce moment.

- Oui, je fais pas mal de cauchemars.

- Tu peux me les décrire?

Je m'apprête à parler mais c'est comme si ma voix ne voulait pas sortir. Quelque chose bloque. C'est au-dessus de mes forces. Je sens dans mes veines le poison de la peur se propager en moi. Comme si il arriverait malheur si j'en parlais.

- Ça ne fait rien, on reviendra dessus une prochaine fois. Quand tu seras prêt. On va à ton rythme. Comment s'est passé ta première semaine de cours?

- Ça allait. Il y a ma voisine dans ce lycée.

- Tu as sympathisé avec elle?

- Non. Je ne suis pas doué pour ça et je n'en ai pas très envie.

- C'est elle qui t'as trouvé si je ne me trompes pas, c'est bien ça?

J'acquiesce en silence.

- Je pense que si tu es aussi réticent envers elle c'est parce qu'elle t'as vu dans un grand moment de faiblesse. Un moment où tu te montrais authentique et que tu ne te cachais pas. Et je pense que ça te bloque parce qu'elle te voit différemment des autres qui t'entourent.

- Elle me voit avec pitié. Voilà comment elle me voit.

- Pas obligatoirement. Peut-être qu'elle s'inquiète pour toi. Qu'elle cherche à te comprendre et te connaître. Peut-être qu'elle aussi cherche un ami.

Sa vision des choses change la mienne. Je n'envisage que maintenant la possibilité que cette fille soit peut-être aussi seule que moi. Et de ce que j'ai vu depuis ce week-end, c'est le cas.

Je suis trop con.

- On va devoir s'arrêter là aujourd'hui. On reprendra la semaine prochaine, d'accord?

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