¹⁸ 𝐋𝐢𝐪𝐮𝐞𝐮𝐫

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Couché à même sol de sa chambre, Keisuke exhala lentement le nuage de fumée opaque qu'il maintenait dans ses poumons

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Couché à même sol de sa chambre, Keisuke exhala lentement le nuage de fumée opaque qu'il maintenait dans ses poumons. Les volutes grisâtres spiralèrent jusqu'au plafond avant de s'estomper gentiment de manière quasi hypnotique. Dehors, les derniers rayons de soleil avaient depuis longtemps déserté, replacés par ceux de la lune. Sa clarté était telle que le jeune homme distinguait parfaitement le contour de son bras, tendu face à lui. Son regard se prolongea sur sa main, puis sur les bagues en argent qui habillaient ses doigts, et enfin sur le bout incandescent de son joint avant de s'y bloquer.

En temps normal, il ne fumait jamais dans sa chambre. L'odeur de tabac froid l'avait toujours répugné au plus haut point, chose que même ses mauvaises petites habitudes n'avaient pas réussi à changer. Ironiquement, toutes les personnes qu'il côtoyait – à l'exception de sa petite sœur – ne semblaient pas être dérangées par les relents de fumée qui volaient constamment en leur direction, alors que lui-même faisait tout pour les éviter. Il ne remettait jamais deux fois le même pull, tant il détestait que ses vêtements portent cette senteur, aussi infime soit elle. C'était plus fort que lui. Presque obsessionnel.

Alors, qu'il pleuve ou qu'il vente, Keisuke sortait toujours le soir afin d'éviter d'embaumer sa chambre de cette senteur qui l'écœurait. Mais actuellement, et peut-être parce que le cône qui tournoyait entre ses doigts ne contenait pas vraiment du tabac, son esprit était bien trop altéré pour que ses envies compulsives ne l'atteignent. Il aurait pu s'assoir sur le rebord de sa fenêtre, grande ouverte, mais ses idées étaient trop peu claires, et son corps bien trop ancré au sol pour qu'il ne s'en sente capable. Et quand bien même il aurait trouvé la force de se traîner jusqu'à sa fenêtre, le léger courant d'air qui circulait vers l'intérieur aurait mis à vain tous ces efforts.

Alors, il y avait renoncé, comme en témoignait le verre disposé à ses côtés. Un fond de limonade accueillait déjà les cendres de ces consommations précédentes.

De la musique se diffusait dans l'écouteur qu'il portait. Calmes et lents, les morceaux joués étaient en parfaite adéquation avec son état actuel. Et ainsi bercé, il se serait probablement endormi si la voix d'Hana ne le maintenait pas encore dans le monde réel.

L'autre écouteur en sa possession, la jeune femme chantonnait doucement les phrases qu'elle connaissait, ce qui se résumait à la quasi intégralité des musiques qui passaient depuis de longues minutes déjà. Sa tête posée à quelques centimètres de la sienne, sa voix sonnait comme une douce mélodie. Apaisante, même avec les quelques fausses notes qui lui échappaient. Elle avait une belle voix. II ne le découvrait que maintenant.

De temps à autre, lorsqu'elle se trompait dans les paroles, son rire cristallin remplaçant momentanément sa voix, et de l'entendre s'amuser d'une chose aussi insignifiante, cela suffisait à lui rappeler qu'elle était ivre tout autant qu'il était stone. Un peu plus tôt dans la soirée, ils avaient non seulement descendu la Lean qu'il avait concocté, mais également une bouteille d'un vin - il l'avait empruntée à la couteuse collection de son paternel qui ne buvait plus depuis quelques années. Il arrivait à Hana de taper par inadvertance dans la carcasse de verre vide. Cette dernière finissait toujours par rouler de nouveau vers son pied et à chaque fois, elle laissait échapper un nouveau rire. Rire que Keisuke écoutait avec autant d'attention que sa voix, si ce n'est plus.

Âmes en peineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant