²¹ 𝐖𝐢𝐥𝐥𝐢𝐚𝐦𝐢𝐧𝐞

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À deux doigts de la crise de panique, Hana n'arrivait plus à respirer

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À deux doigts de la crise de panique, Hana n'arrivait plus à respirer.

Son sac contenant ses patins négligemment balancés sur l'épaule, la patineuse n'avait même pas pris le temps de se changer. Elle était sortie en trombe de la patinoire, portant toujours l'ensemble noir et près du corps qu'elle utilisait lors de ses entraînements sur la glace. L'envie irrépressible de quitter au plus vite ce lieu source d'angoisse avait, encore une fois, primé sur tout le reste.

Dehors, il faisait nuit. Le soleil s'était couché il y a quelques heures déjà. Il était vingt heures passées lorsque madame Aksakova l'avait autorisée à partir. Depuis un mois, c'était la même chose. En plus d'être devenues quotidiennes, ses séances d'entraînement s'étaient fortement prolongées, passant d'une moyenne de trois à cinq heures par jour. Hana en sortait à chaque fois plus épuisée, après que sa coach s'éternise sur un débriefing des plus pointilleux.

Et comme si cela ne suffisait pas, Hana avait toujours le droit à un désagréable rappel sur toutes les nouvelles contraintes qui accompagnaient ce nouveau rythme d'entraînement. En plus de devoir courir tous les matins pour maintenir son cardio au top, la brune avait entamé un programme de nutrition encore plus strict. Aucun écart n'était permis, et avec une grand-mère qui connaissait les programmes d'entraînement de patin artistique mieux que personne, aucune possibilité pour Hana de s'y soustraire.

Et bien sûr, comme pour en rajouter une couche, elle devait le faire avec le sourire. Comme quoi, venir d'une famille qui ne jure que par le patin n'avait pas que son lot d'avantages.

Mais actuellement, Hana était loin d'avoir le sourire aux lèvres. L'angoisse qui s'accumulait à chaque nouveau jour lui pesait de plus en plus au cœur, et la jeune femme savait qu'elle n'était pas loin d'atteindre sa limite. La pression ne faisait que s'accroître.

Cette fois-ci, et à son plus grand malheur, même le fait de quitter la patinoire ne l'aidait pas à faire redescendre son anxiété. Sa respiration ne voulait pas se calmer, son cœur pulsait douloureusement dans sa poitrine et ses membres ne cessaient de trembler furieusement. Le nœud qu'elle avait dans le ventre était remonté dans sa gorge, et ses yeux lui piquaient désagréablement. Hana le savait. La crise était imminente. Elle en reconnaissait les symptômes que trop bien.

Comme à chaque fois, l'arrêt de bus était désert en cette heure tardive. Hana posa son sac au pied du réverbère et n'attendit pas une seconde avant d'en sortir une cigarette et un briquet, mauvaise habitude qui prenait peu à peu place dans son train de vie depuis un mois. Elle avait toujours en sa possession le paquet de blondes qu'elle avait malencontreusement subtilisé à Akaashi, et il lui arrivait de se servir de temps en temps. Il en restait un bon tiers, mais les tubes au bout orange semblaient se faire la malle à vue d'œil. La brune commençait à comprendre ce que les gens sous-entendaient en disant que cela les aidait à se calmer.

Une aubaine qu'elle n'ait finalement pas pensé à rendre à César ce qui appartient à César.

Seulement, Hana n'avait pas pris en compte que ses doigts engourdis ne coopéreraient pas ce soir. Elle avait beau s'acharner sur le briquet, elle était dans l'impossibilité d'en maintenir la flamme suffisamment longtemps. Cela ne fit qu'attiser sa frustration, et probablement que si personne ne s'était approché d'elle à ce moment-là, la jeune femme se serait mise à hurler.

Hana ne pensa même pas à lui demander ce qu'il faisait là, se contentant d'accepter sans un mot la flamme qu'Akaashi approcha de la cigarette qu'elle avait coincée entre ses lèvres tremblantes. Elle le remercia silencieusement du regard avant de tirer une longue taffe, à s'en brûler la gorge.

Quelques inhalations plus tard, un semblant de calme fit enfin son apparition, remplaçant sa colère en un sentiment irréfrénable d'injustice, car sa frustration, elle, ne s'apaisa pas pour autant. Elle aurait pu fondre en larmes si elle ne mettait pas autant d'effort à se contenir. Et puis, il était toujours là. Depuis qu'il l'avait aidée, le jeune homme n'avait pas bougé d'un pouce. L'idée qu'il ne soit pas passé par là par hasard fit doucement son chemin dans l'esprit d'Hana, mais elle n'eut pas à évoquer son hypothèse pour qu'il vienne la confirmer.

—Pas très malin de sécher la première semaine de rentrée, lâcha le garçon d'un ton neutre. La dirlo va pas t'louper.

Hana arqua imperceptiblement ses sourcils. Ils ne s'étaient pas revu depuis plus d'un mois, et c'était la première chose qui lui venait à l'esprit ? Comme s'il en avait vraiment quelque chose à faire, lui, des cours. On pourrait même se demander s'il connaissait encore sa place dans la salle de classe.

—Mon absence était prévue, lui apprit-elle d'une voix plus ou moins contrôlée. Mais c'était exceptionnel, juste pour cette semaine. J'avais plusieurs interviews et tests médicaux à passer.

Hana prit une grande inspiration.

—Je reprends la compétition en début d'année prochaine, durant le mois de mars.

Akaashi resta silencieux. Des félicitations se seraient sans doute imposées si elle ne l'avait pas annoncé d'un ton aussi défaitiste. Il n'y avait pas besoin d'être devin pour comprendre que cette perspective ne l'enchantait guère, alors il ne s'embêta pas à prononcer ces politesses qu'il savait plus agaçantes qu'autre chose.

—J'pensais que tu ne le voulais pas, finit-il par lui rétorquer sincèrement. Qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ?

Pas le choix. Cette réponse brûlait les lèvres d'Hana, mais elle ne le prononça pas à voix haute pour autant. S'attirer un regard plein de pitié, c'était bien la dernière chose dont elle avait besoin en ce moment. Elle ne voulait pas passer pour quelqu'un de faible, et encore moins face au jeune homme. Il l'avait déjà vu bien trop souvent en proie à ses émotions. La brune souhaitait conserver à tout prix le peu de dignité qu'il lui restait.

—Quand je patine, c'est bien le seul moment où ma grand-mère me laisse enfin un peu de répit.

À peine sa phrase finie, Hana se mordit l'intérieur des joues. Même si c'était l'entière vérité, cette explication sonnait encore pire que sa première pensée. Là, elle semblait vraiment désespérée. Pathétique. Le peu de sérénité qu'elle avait retrouvé venait de voler en éclat, et le mégot qu'elle tenait entre ses doigts ne lui était de plus aucune utilité.

—J'pensais que tu fumais pas, ricana l'étudiant en avisant sa moue contrariée.

—Regardez qui parle, rétorqua-t-elle en lui jetant un regard de travers.

—T'es la seule avec une clope, j'te signale.

En effet, il ne mentait pas. La jeune femme avait beau chercher, aucune cigarette ne dansait ni entre les doigts du garçon, ni entre ses lèvres. Surprenant. Encore plus surprenant encore : elle avait beau fouiller sa mémoire, elle réalisa qu'il n'avait, en fait, pas du tout fumé en sa présence. Alors que, de quoi faire, elle ne doutait pas qu'il avait tout ce qu'il fallait sur lui.

—C'est exceptionnel, on dira.

Il voulait juste la charrier, et cela ne manqua pas.

—On en reparlera dans quatre ans quand tu seras addict, riposta-t-il tout de même en haussant négligemment les épaules.

—Tu veux dire, quand je t'visiterai sur ton lit de mort pour un cancer des poumons ?

Sa remarque lui arracha un léger rire, et inconsciemment, Hana se mit à sourire également. Au même moment, le son lointain d'un moteur se fit entendre. Le bus venait de pointer le bout de son nez.

—T'as quelque chose de prévu ce soir ? Demanda-t-elle subitement et sans détours. La vieille doit déjà dormir, elle ne nous entendra pas.

Elle avait désespérément besoin de se changer les idées, et il se trouvait que son comparse remplissait parfaitement cette fonction. Alors, elle n'y avait pas réfléchi à deux fois avant de l'entraîner à sa suite, ne prenant même pas la peine d'attendre sa réponse. De toute façon, le fait qu'il la suive docilement, en prime avec un rictus satisfait, était bien plus parlant que n'importe quel mot. Dans un sens, c'était pile ce qu'il avait espéré en l'attendant ce soir-là.

Vraisemblablement, Hana n'était pas la seule à vouloir passer du bon temps.

Âmes en peineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant