épisode un

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GINNY

Un an plus tard...

– Gi' ! T'as bientôt fini oui ? On va être en retard !

J'ignore délibérément ma meilleure amie, trop concentrée sur le trait d'eyeliner que j'essaye de réaliser. C'est notre premier jour dans notre nouveau lycée et je n'ai aucune envie d'affronter cette épreuve. O' est bien moins stressée à cette idée, à vrai dire, j'ignore comment elle peut se montrer aussi détachée. Nous allons arriver dans un nouveau lycée en plein milieu de l'année de première et au lieu de faire les cents pas, de vérifier qu'elle a bien toutes ses affaires dans son sac ou de vérifier dix fois sa tenue dans le miroir, elle est allongée sur son lit, jouant avec une pomme.

– Bon, j'en ai marre, dit-elle en se redressant brusquement. Je vais faire le petit-déj, tu me rejoins quand t'auras fini de te prendre la tête.

La porte de sa chambre claque quelques secondes plus tard, me laissant seule avec un silence angoissant. J'éloigne l'eyeliner de mon visage et observe le résultat qui me semble assez satisfaisant. Je secoue la tête pour remettre ma frange en place et jette un dernier coup d'oeil à mon reflet dans le miroir. J'ai passé la soirée à chercher la tenue parfaite avant qu'Octavia ne finisse par ouvrir mon armoire et choisisse des vêtements au hasard à fourrer dans ma valise, sous prétexte que "de toute façon, toutes tes fringues sont noires alors le résultat sera le même quoi que tu choisisse".
Avant de la rencontrer, j'avais un look basique. Je m'habillais comme toutes les filles du lycée, espérant que ma conformité me permettrait de me fondre dans le décor. Malheureusement, cela n'a pas suffit. Octavia, avec son tact inexistant et son je-m'en-foutisme extrême, m'a aidé à me sortir de là. Elle a un don pour aider les autres à révéler leur véritable nature, si seulement elle pouvait se l'appliquer à elle-même...

Je jette un coup d'œil à la pièce encore plus bordélique que mon esprit en pleine crise d'angoisse et repère mon sac à dos en cuir caché sous une pile de vêtements. Je lève les yeux au ciel, effarée par la capacité de ma meilleure amie à foutre un bordel monstre, et le récupère. Je jette un dernier coup d'oeil à mon ensemble converses noires cloutées, jean slim noir, débardeur rayé rouge et noir et perfecto noir avant de passer une dernière fois ma main dans mes cheveux.

On prétendra que le résultat est satisfaisant.

Je dévale les escaliers et découvre ma meilleure amie adossée contre le comptoir de la cuisine, le regard dans le vague, perdue entre la confusion et l'inquiétude. Octavia ne s'en rend pas compte mais elle aborde souvent ce regard, bien plus qu'elle ne le pense. Elle a beau arborer un sourire lumineux, je sais que celui-ci est factice. Elle pense me protéger en masquant son mal-être, mais sa manière d'être ne trompe pas, pas avec moi. Ses épaules sont tendues, ses mains crispées et son regard est vide, apathique.

Un ange passe et elle me voit du coin de l'œil. Son expression mélancolique disparaît instantanément et son masque reprend place.

– Chocolat ou beurre de cacahuète pour les pancakes ? demande-t-elle avant de répondre elle-même à sa question : Pourquoi je pose la question ? Bien sûr que c'est beurre de cacahuète, tu déteste le chocolat.

Je m'approche du comptoir et m'assieds sur l'une des chaises hautes et tourne la tête vers le salon d'où la télé diffuse une chaîne de radio.

– Ton père n'est pas là ? je demande.

– Il a été appelé en urgence cette nuit, m'informe-t-elle en retournant les pancakes dans la poêle. Je doute qu'il revienne avant le déjeuner.

Le docteur Rousseau est l'un des neurochirurgiens les plus demandés de la ville. Véritable génie de la médecine, il est très peu présent à la maison. C'est la raison pour laquelle il n'a pas obtenu la garde de sa fille lorsque son ex-femme a demandé le divorce. Octavia a emménagé avec lui il y a quelques semaines et je sais que tous deux prétendent que tout se passe bien alors qu'en réalité, ils sont aussi perdus l'un que l'autre. Je crois que c'est de lui que ma meilleure amie a hérité son talent de comédienne.

– T'as bien dormi ? me demande-t-elle en faisant volte-face vers moi.

– Mieux que je ne l'aurais cru, j'admets.

– Tu vois, je t'avais dit que dormir chez ta meilleure amie la veille de la rentrée ce serait une bonne idée, dit-elle de son petit air confiant.

Je lui souris, reconnaissant qu'elle avait raison, une fois de plus. Je ne débats jamais avec Octavia, elle a une poigne de fer et gagne à tous les coups, c'est l'une des rares choses que j'envie chez elle. Ça et ses magnifiques cheveux auburns bien sûr, même si elle semble décidée à les massacrer avec d'horribles mèches roses et un lissage intensif.

– Tu comptes y aller comme ça ? je demande en désignant son pyjama Hello Kitty.

– Ouaip, confirme-t-elle. Qui sait, je ferais peut-être tourner quelques têtes.

Octavia me lance un sourire radieux avant d'ouvrir le placard au-dessus d'elle et d'en sortir deux assiettes et un tupperware. Elle place une fournée de pancakes dans l'une, puis dans l'autre, et met le reste sous cloche. Elle me tend une assiette et se reconcentre sur la casserole pleine sur le feu. Elle s'assure que son contenu n'est plus chaud et le verse dans le tup avant de prendre un post-it pour noter quelque chose et le coller dessus. Une fois le repas de son père rangé au frigo, elle se laisse tomber à son tour sur la chaise en face de moi et engloutit rapidement son assiette en silence.

Quelques minutes plus tard, son pyjama est jeté quelque part en boule dans sa chambre et est remplacé par des Converses blanches, un jean délavé, un t-shirt vert oversize et une surchemise à carreaux bleus/verts. Son tot-bag à l'effigie d'une pièce de Shakespeare est calé sur son épaule et elle vérifie une dernière fois que tout appareil électrique est éteint. Une fois rassurée, elle ouvre la porte et tend la main pour m'inviter à sortir.

Je prends une grande inspiration et fait un premier pas. De toute façon, je ne vois pas ce qui pourrait mal tourner dans un lycée portant le nom de Sweet Amoris.


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