Chapitre 52 : Nina

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Marius les rejoignit pour le troisième cours de la journée, à treize heures. Sans un mot concernant son absence durant toute la matinée, il déposa une boîte de muffins à la myrtille sur la table. Nina accepta ce marché implicite. Violette, en revanche, fixa leur ami en fronçant les sourcils, avant d'accepter le gâteau qu'il lui tendait.

— C'est ma mère qui les a faits ce matin.

— Ça va ? demanda Violette en fixant le muffin comme s'il était empoisonné.

— Oui, pourquoi ?

Nina mangea une myrtille en jugeant préférable de ne pas participer à la conversation : elle risquait de dire n'importe quoi, comme à son habitude.

— Parce que t'es venu en cours pour la première fois de la semaine, parce que t'as presque l'air de bonne humeur et parce que t'as apporté à manger, ce qui est vraiment le plus bizarre.

— Ma mère m'a convaincu de pas abandonner la fac pour l'instant.

— C'est une bonne nouvelle ? demanda Nina, incertaine.

Vu les regards hallucinés de ses ami·es, elle aurait mieux fait de se taire.

— Oui, c'est une bonne nouvelle, répondit Marius avec un sourire en coin. Surtout que ce n'est pas définitif, c'est seulement le temps que je trouve ce que je veux faire, que ce soit continuer ou changer de voie. Et elle s'est excusée d'avoir essayé de me caser avec toutes les filles de ses copines, ce qui était inattendu, mais vraiment cool.

— Ça explique pourquoi tu souris, commenta Violette qui restait toutefois circonspecte. Je me disais bien que ça ne t'arrivait pas souvent en ce moment.

— Je te trouve très désobligeante.

— Mangez des muffins au lieu de vous chamailler, intervint Nina.

Elle n'avait pas l'énergie pour suivre une conversation, comme Violette s'en était rendu compte durant la matinée. Nina avait à peine écouté les deux cours et aurait été incapable de dire sur quoi ils avaient porté ; heureusement, son amie  s'était chargée de prendre des notes pour les donner à Marius, ce qu'elle fit lorsqu'il sortit son trieur rempli de tous ses cours depuis le début de l'année parce qu'il ne rangeait jamais rien avant les vacances d'été.

Pendant qu'iels discutaient à voix basse, Nina griffonnait dans son cahier. Ayden n'avait pas voulu parler ce matin parce qu'elle l'avait réveillé au lieu d'attendre une heure normale pour sonner chez lui. Réfléchir n'était vraiment pas son fort en ce moment.

Durant les deux cours de la matinée, elle avait essayé de préparer un discours qui tenait la route, mais toutes ses tentatives lui paraissaient fragiles, peu convaincantes, geignardes. Le premier essai de l'après-midi n'était pas mieux et elle commençait à désespérer de trouver les mots pour parler à Ayden puisque, de toute évidence, elle perdait totalement ses mots quand elle se trouvait face à lui. Nina ratura les dernières phrases qu'elle avait écrites et se laissa aller contre le dossier de son siège, ignorant les regards interrogateurs de ses ami·es.

— Tu nous expliques ? demanda Violette devant son silence.

— Vous saviez qu'Ayden était bi depuis le début, hein ?

Iels échangèrent un coup d'œil gêné.

— Ouais, dit finalement Marius. Enfin, pas depuis le début, mais on l'a deviné assez tôt et on a essayé de te le faire comprendre, mais t'étais vraiment convaincue qu'il était gay alors...

— J'ai vraiment été trop bête.

— C'est pas grave, on t'aime comme ça, la consola Violette en lui tapotant l'épaule.

— L'important pour l'instant, c'est surtout de savoir si Ayden va me pardonner, parce que j'ai vraiment été nulle avec lui mercredi.

Nina leur raconta ce qu'il s'était passé pendant la session photo avant d'ajouter :

— En plus, Nicolas n'arrête pas de m'envoyer des messages pour comprendre pourquoi je l'ignore et j'ai la flemme de lui expliquer qu'il ne m'intéresse pas du tout.

— T'as fait des progrès, dis donc, se moqua Marius.

— La ferme. Essaie de me soutenir, espèce de pote indigne.

— Non, c'est beaucoup plus drôle de t'embêter.

— Arrêtez les enfants, intervint Violette. Toi, tu ferais mieux d'essayer de te concentrer parce que t'as pris beaucoup de retard. Et Nina, Ayden te plaît vraiment, alors arrête de te prendre la tête et comporte-toi normalement, pour une fois. Tu sais que t'as le droit d'exprimer tes sentiments simplement ?

— Et c'est une lesbienne qui dit ça, commenta Marius, ce qui les fit exploser de rire, Violette la première.

Le professeur leur lança un regard sévère, sans pouvoir rien dire toutefois, car la plupart des étudiant·es avaient cessé d'écouter dès les premières minutes du cours et discutaient joyeusement entre elleux. Nina s'affala sur sa feuille de brouillon couverte de gribouillages sans queue ni tête pendant que Violette prenait des notes, prévoyant le moment où Nina et Marius les lui demanderaient. Marius fixait le tableau avec une moue, l'air de se demander pourquoi il était revenu, mais résigné à étudier sérieusement afin de valider sa L2.

— Sérieusement, fais-toi confiance, murmura Violette contre l'oreille de Nina. Ça va bien se passer.

— Non, je suis un désastre comme Dalal en fait.

— Je crois qu'il y a quelques différences entre vous deux. Mais il vaut mieux éviter de prendre exemple sur elle parce que c'est pas un super modèle, même si elle est très drôle. C'est elle qui t'a conseillé de parler à Ayden ce matin ?

— Comment t'as deviné ?

Violettese contenta de sourire en secouant la tête et Nina soupira, agacée de toujours prendre les mauvaises décisions. Pourquoi est-ce que les autres savaient comment gérer leurs relations, même Dalal qui se complaisait dans le chaos, alors qu'elle en était désespérément incapable ? En tout cas, Violette lui avait donné plusieurs bons conseils, peut-être qu'elle avait également raison pour cette fois : Nina devrait arrêter de se prendre la tête et exprimer ses sentiments sans se cacher derrière des excuses incompréhensibles.


Comme une comédie romantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant