Comme une comédie romantique

Chapitre 28 : Nina

— Pourquoi tu veux qu'on fasse les boutiques ? geignit Camille à l'instant où iels pénétrèrent dans le centre commercial.

— Parce que j'ai besoin de nouvelles tenues, répondit Violette.

— Mais pourquoi je dois vous accompagner ?

— C'est pas ma faute, vois ça avec ta pote.

Nina fit mine de n'avoir rien entendu et Camille soupira.

Nina lui avait envoyé un message à la fin des cours pour savoir s'iel était disponible, sans lui dire où iels allaient, puis iels avaient pris le bus jusqu'au centre commercial. Violette voulait s'acheter des vêtements plus féminins, ce qu'elle n'avait jamais osé faire jusque-là parce qu'elle craignait que son passing détone dans un magasin pour femmes. Afin de se rassurer, elle avait préféré que Nina l'accompagne. Et Nina avait jugé bon que Camille vienne avec elles.

— Tu sais très bien que j'aime pas le shopping, insista Camille.

— Mais ça faisait longtemps qu'on avait rien fait ensemble, je me suis dit que ce serait l'occasion. En plus, on sera pas trop de deux pour aider Violette.

— Pourquoi j'ai l'impression que c'est vexant ? demanda cette dernière.

— Parce que Nina dit toujours n'importe quoi.

— En plus, vous vous entendez bien tous·tes les deux, marmonna Nina.

Pour un mardi après-midi, le centre commercial était bondé. Pourtant, ce n'était pas les vacances scolaires. Ça n'empêchait pas des bandes d'adolescent·es de traîner dans les allées des boutiques ou de s'empiffrer dans les nombreux restaurants, tandis que des trentenaires se dépêchaient de faire leurs courses comme si la moindre seconde de leur temps valait de l'or. Violette hésitait devant la vitrine d'une célèbre enseigne ; Nina ne savait pas comment la rassurer, parce qu'elle ne comprenait pas à quel point la dysphorie de genre affectait son amie.

Camille posa la main sur l'épaule de Violette.

— Je sais que tu penses le contraire, mais personne fera attention à toi, je te le promets. De toute façon, on est là pour ça.

Même si Camille portait un binder pour aplatir sa poitrine et avait récemment coupé ses cheveux blonds juste sous la mâchoire, iel gardait l'apparence d'une fille aux yeux de la plupart des gens. Nina savait à quel point ça lui pesait, mais iel n'avait aucune envie de passer par une transition médicale, pour l'instant.

— D'accord, murmura Violette.

Elle inspira profondément avant d'entrer, suivie de près par Nina. Comme Camille l'avait affirmé, aucune des vendeuses ou des clientes ne fit attention à elleux. Violette restait toutefois tendue et osait à peine regarder les vêtements. Nina prit les devants pour lui montrer plusieurs chemises, jupes, pantalons, pulls qui iraient parfaitement à son amie, soutenue par Camille. Peu à peu, iels parvinrent à calmer les angoisses de Violette, jusqu'à ce que celle-ci ait sélectionné une dizaine de pièces à essayer.

— Tu vois, c'est pas si terrible, dit Nina.

— Tais-toi, je déteste toujours autant le shopping. Je le fais uniquement pour aider Violette.

Celle-ci ouvrit la porte de la cabine pour leur montrer un jean taille haute qui soulignait ses longues jambes et un sweat-shirt brodé de fleurs blanches. Avec ses longs cheveux blonds attachés en queue-de-cheval, elle était magnifique.

— Ça te va trop bien, commenta Nina.

— Tu trouves ? J'ai les hanches trop minces, non ?

— Ça dépend du point de vue, répondit Camille. C'est clair que si tu te compares à Nina ou moi, c'est vrai, mais la plupart des filles cis rêveraient à avoir un corps comme le tien. En plus, tu vas grossir un peu avec les hormones, tu verras.