Chapitre 11 : Marius

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La voiture se gara sur le parking d'un ensemble d'immeubles récents, construits en bordure de Strasbourg, où vivaient des ami·es des parents de Marius.

Ce dernier sortit du véhicule et tira sur le col de son polo en se demandant une nouvelle fois pourquoi il avait accepté de s'habiller comme ça alors qu'il n'aimait que les joggings et les sweat-shirts. Toutefois, sa mère avait insisté pour qu'il fasse un effort, et il avait eu envie de lui faire plaisir, même s'il sentait venir le coup fourré. Il n'eut pas à attendre longtemps pour réaliser que son instinct était bon.

Le père de Marius sonna à l'interphone, puis la porte s'ouvrit avec un grésillement sonore. Iels montèrent au deuxième étage, où un fumet de tajine les accueillit. Le ventre de Marius gargouilla ; il se souvenait de sa dernière visite chez les Sbihi, durant laquelle il avait mangé le meilleur repas de sa vie. Une femme aux cheveux tressés et à la peau brune leur ouvrit. Elle tomba aussitôt dans les bras de la mère de Marius en poussant un cri aigu. Elles avaient gardé contact après les cinq années qu'elles avaient passé ensemble à la fac et leurs enfants se connaissaient depuis qu'iels portaient des couches. Amel, la fille aînée de la famille Sbihi, était partie faire son lycée en internat quatre ans plus tôt. Marius aurait été incapable de la reconnaître s'il n'avait pas vu les nombreuses photos d'elle accrochées aux murs de l'appartement – et elle était particulièrement jolie.

— Marius, tu es très élégant aujourd'hui, dit Najat.

Le jeune homme s'efforça de sourire, mais il avait un mauvais pressentiment. Il fit la bise à l'amie de sa mère avant d'entrer. Il se débarrassa de ses chaussures et accrocha son manteau à un crochet en lançant un regard vers le salon où des voix se faisaient entendre. Il reconnaissait celle du mari de Najat, un homme tranquille qui adorait cuisiner et faire des mots croisés, et celle d'une jeune femme qui ne pouvait être qu'Amel. Voilà pourquoi la mère de Marius lui avait demandé de bien s'habiller... S'iels avaient été seul·es, il lui aurait fait une remarque agacée, mais il préférait faire bonne figure devant leurs hôte·sses.

Marius continua à sourire même s'il aurait préféré rentrer chez lui pour regarder Buffy contre les vampires. Il entra dans le salon et se retrouva face à Amel, dans un jean skinny noir et une blouse vert d'eau qui lui allait à la perfection. Elle était encore plus belle que sur les photos. Mais la mère de Marius serait déçue parce que le jeune homme n'avait aucune envie de sortir avec quelqu'un, même une fille aussi magnifique qu'Amel. Cette dernière lui fit la bise, entourée d'un nuage de parfum à la framboise.

— Désolée pour ça, murmura-t-elle.

— T'inquiète pas, j'ai l'habitude, soupira Marius.

Ce n'était pas la première fois que sa mère tentait de le caser avec la fille d'ami·es – et c'était toujours agaçant, mais elle refusait d'admettre qu'elle voulait absolument que son fils soit en couple. Marius avait renoncé à lui expliquer que le célibat lui convenait parfaitement et préférait jouer les difficiles. Sa mère finirait peut-être par se lasser.

Iels prirent place autour de la table pour prendre l'apéritif en attendant que le tajine finisse de cuire. Marius se servit un verre de Champagne et s'empara d'une verrine à l'avocat et au crabe. Il répondit aux questions de Najat sur ses études – oui ça se passait bien, non il ne savait pas ce qu'il voulait faire après sa licence et encore moins pour le reste de sa vie, oui il adorait toujours la philosophie – sans jeter un seul coup d'œil à Amel, qui s'était réfugiée sur son téléphone. Même s'il ne l'avait pas vue depuis longtemps, Marius savait qu'elle avait entamé une classe prépa après son internat. Comme elle étudiait à Paris, elle ne revenait que rarement à Strasbourg et sa pâleur, sous son fond de teint, témoignait de sa fatigue.

Comme une comédie romantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant