Après l'entraînement, Nina rejoignit Marius dans un bar du centre-ville qu'elle adorait pour son ambiance rock des années quatre-vingts : des néons rouges, des pochettes de vinyles accrochées aux murs à côté de photos de groupes célèbres, une playlist d'un goût impeccable. Nina avait mal partout, mais rien qu'un cocktail ne puisse faire passer. Camille s'était moquée d'elle tout au long de l'entraînement parce qu'elle avait l'air « désespérément niaise », mais Nina était trop heureuse pour avoir envie de nier ou de se défendre. À peine se fut-elle assise face à Marius qu'un sourire moqueur apparut sur les lèvres du jeune homme.
— Je sais, la niaiserie, tout ça... soupira Nina.
— C'est tellement visible que ça en devient drôle. Mais je comprends pas comment tu peux t'emballer autant pour un mec aussi chiant que Jean. Même son prénom est ennuyeux.
— Ça, je suis bien d'accord, mais il est super intéressant et il embrasse bien, ce qui est une qualité importante.
Marius leva les yeux au ciel.
Un serveur vint prendre la commande de Nina – un mojito, comme à son habitude. Marius en était à sa deuxième bière parce qu'il avait débuté la soirée avec quelques-un·es de ses ami·es du lycée. Nina ne l'aurait jamais deviné si elle n'avait pas vu le verre vide à côté de celui que son ami était en train de terminer. Marius tenait bien l'alcool ; même quand il buvait plus que tout le monde dans une soirée, il paraissait toujours sobre, un miracle aux yeux de Nina qui devenait pompette dès son premier verre.
— Bon alors, t'es toujours célibataire ?
— Au grand désespoir de ma mère, confirma Marius. Je sais qu'elle pense pas à mal, mais elle s'inquiète que je sois seul, alors que je passe mon temps à sortir avec mes potes.
— En même temps, tu peux pas emménager avec tes potes comme tu le ferais avec une copine. Je crois qu'elle espère que tu vas partir de chez elle.
Marius porta la main à sa poitrine dans un geste théâtral.
— C'est honteux. De toute façon, hors de question que je quitte la maison avant mes sœurs, surtout si je peux squatter sans payer de loyer. Je préfère économiser pour préparer ma triste vie d'adulte.
— M'en parle pas, ça me déprime. Pourtant, on n'est qu'en L2.
— Tu comptes continuer en master ?
— C'est mieux si je veux avoir un taf après mes études, surtout que je sais toujours pas ce que je veux faire ensuite.
Marius lui tendit le poing et Nina l'entrechoqua avec le sien. Au moins, iels étaient dans le même bateau.
Nina s'étira en grimaçant ; elle avait l'impression que ses muscles s'étaient changés en plomb tant le moindre mouvement était douloureux. Marius ricana.
— Quand je te vois comme ça, je suis content de ne pas faire de sport.
— Il faut bien que ton asthme ait des points positifs.
— N'empêche que j'aimerais bien faire du foot, mais je crois que je meurs si je cours plus de deux mètres. La dernière fois que j'ai fait un sprint pour rattraper mon bus, il m'a fallu dix minutes pour m'en remettre. Je suis vraiment dans une période pourrie en ce moment, j'ai hâte que ça se calme un peu.
Quand Nina avait rencontré Marius, son asthme ne se manifestait que rarement, laissant croire que le jeune homme était guéri. Quelques mois plus tard, avec l'arrivée du printemps et des allergies au pollen qui obligeaient tout le monde à sortir les mouchoirs, cette maladie chronique des bronches s'était ravivée, l'obligeant à se balader avec son inhalateur en permanence, dans la crainte d'une nouvelle crise. Évidemment, la pratique d'un sport était alors hors de question et, même quand sa maladie s'apaisait, Marius préférait ne pas prendre le risque.
— Ton petit ami fait du sport ? Je sais même pas si c'est officiel entre vous, d'ailleurs.
Nina haussa les épaules.
— On n'en a pas parlé, mais je pense que oui. Et non, il fait pas de sport même s'il est fan de foot. Enfin, il m'a dit qu'il allait parfois à la salle avec ses potes, mais bon...
— Tout le monde sait que ça veut dire qu'il y a mis les pieds deux fois et a la flemme de résilier son abonnement, ricana Marius. J'ai connu une fille comme ça, elle allait à la muscu que pour prendre des photos et les poster sur Instagram. À part ça, elle était super sympa et surtout super bo...
— Je veux pas savoir, gémit Nina en plaquant ses mains sur ses oreilles.
— Meuf, fais pas ta prude ! La plupart des gens aiment faire du sexe entre personnes consentantes, tu sais ?
— Beurk, lâcha-t-elle.
Marius gloussa de plus belle. Iels étaient aussi différent·es que deux personnes pouvaient l'être, mais ça ne les empêchait pas de s'entendre parfaitement. Sans doute était-ce pour ça que Nina n'avait jamais eu envie de sortir avec lui : elle savait à l'avance que ça ne fonctionnerait pas, parce que Marius ne lui avait jamais laissé croire qu'il pouvait être romantique, une qualité essentielle à ses yeux. En revanche, il adorait le sexe, quelque chose qui effrayait Nina plus que tout. Même si elle avait souvent été en couple, elle avait toujours tenté de retarder le moment où elle couchait avec son petit ami ; ça lui avait valu plusieurs fois de se faire larguer – ce qui n'était pas une grosse perte à ses yeux.
— Même avec ton voisin beau gosse ? demanda Marius en jouant des sourcils avec un air suggestif.
— Il est gay, de toute façon.
Marius fit la moue.
— Quoi ?
— Il te l'a dit ?
— Non, mais il m'a parlé de son ex, c'est pareil.
Il était évident qu'il n'était pas convaincu, mais il ne connaissait même pas Ayden, contrairement à Nina. Et elle était sûre d'elle.
— Tu reprendras un verre après celui-là ? demanda Marius.
— Non, on commence tôt demain et tu sais bien que je suis fragile.
— Ah bah bravo, ça fait du sport quatre fois par semaine et ça tient même pas l'alcool.
— Mon organisme est en carton, soupira Nina.
— Tu veux qu'on parle du mien ? répliqua Marius, ce qui la fit sourire.
— Je pense que tu gagnes, mais c'est pas un concours. Laisse-moi finir ce mojito, et je te paie à boire. J'ai pas envie de rentrer chez moi, de toute façon. Je m'ennuie quand je suis toute seule.
— Tu pourrais inviter le beau Ayden à venir tester ton lit.
Nina lui fit un doigt d'honneur, à défaut d'avoir une réponse plus polie à lui fournir. Marius tendit la main d'un geste impérieux et elle lui donna sa carte bleue.
— Tu reprendras la même chose ? demanda-t-il en se levant.
Nina leva les yeux au ciel. Il s'était déjà éloigné pour passer commande au comptoir. Ce garçon lui tapait parfois sur les nerfs, mais il était devenu en moins d'un an l'un de ses meilleur·es ami·es – et son premier ami au masculin, qui plus est un homme noir sensible aux combats féministes et queer. Alors, même s'il était souvent agaçant, elle était heureuse de l'avoir dans sa vie.
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Comme une comédie romantique
Roman d'amourMalgré ses nombreux échecs amoureux, Nina rêve d'une histoire digne d'une comédie romantique. Alors, lorsqu'elle rencontre son nouveau voisin sexy, elle croit avoir enfin une chance de vivre comme dans un film. Sauf qu'elle apprend qu'Ayden a déména...