Chapitre 4 : Marius

61 11 9
                                    

Même si Marius vivait chez ses parents, il les croisait rarement : sa mère travaillait comme employée de mairie et passait tout son temps libre chez ses amies, tandis que son père était soigneur dans un parc animalier et faisait des horaires de nuit. Sans parler de ses grandes sœurs, des jumelles qui connaissaient tellement de gens qu'elles ne s'ennuyaient jamais. Il fallait donc un véritable alignement des astres pour que toute la famille se retrouve pour dîner un soir en semaine. Quand ça arrivait, Marius n'avait d'autre choix que de se joindre à elleux, même s'il aurait préféré rester dans sa chambre pour regarder une série et réviser.

Ce n'était pas qu'il n'aimait pas sa famille, il aurait fait n'importe quoi pour elleux. Mais plus le temps passait, plus il se sentait en décalage avec leurs attentes, leur vision du monde.

- Comment se passent les cours ? demanda leur père en servant à Marius une assiette de gratin de courgettes.

- Super, j'ai rencontré un élu à la mairie qui pourrait me trouver un stage, dit Alyssa, l'aînée des jumelles. Ça serait une opportunité incroyable sur mon CV.

- Et moi, j'ai commencé à travailler sur le journal de l'école, enchaîna Lyra. On publiera la première version fin octobre, si tout se passe bien.

Les sœurs de Marius étaient incroyablement talentueuses : toutes deux en école de commerce, elles se destinaient à un avenir prometteur, l'une en politique, l'autre en journalisme. Elles étaient prêtes à tout pour accomplir leurs rêves et s'avéraient aussi douées l'une que l'autre pour nouer des relations intéressantes. À côté d'elles, il était difficile pour Marius de ne pas se sentir... banal.

Si ses sœurs avaient un caractère similaire, elles étaient toutefois très différentes physiquement, à l'exception de leur peau d'un marron chaud, légèrement plus foncée pour Alyssa qui avait bronzé durant l'été, et de leurs grands yeux sombres. Lyra avait rasé ses cheveux sur les côtés et les gardait naturels, tandis qu'Alyssa portait un tissage pour s'épargner l'entretien. Marius préférait le style vestimentaire plus original de Lyra, avec ses jeans déchirés et ses sweat-shirts colorés, aux tenues très classiques d'Alyssa.

- Et toi ? l'interrogea son père.

- Rien de particulier, la fac de philo, dit Marius en haussant les épaules, tiré de ses pensées.

Dire que ses parents n'avaient jamais compris son choix de filière était un euphémisme. Au moins, iels ne l'avaient pas empêché de s'inscrire à la fac, même s'iels pensaient que ses études étaient inutiles.

- Du moment que tout se passe bien, c'est l'essentiel, commenta sa mère. Tu dois faire un stage, cette année, non ?

- Ce sera en troisième année, mais seulement pour deux semaines.

- Dans quel domaine tu peux faire un stage avec une licence de philo ? demanda Alyssa avec une moue sceptique.

Marius haussa de nouveau les épaules - il ne s'était pas encore penché sur la question - et avala une bouchée de gratin de courgettes.

Depuis quelques mois, sa mère ne cuisinait plus que des plats végétariens parce que l'une de ses amies était une militante écologiste qui lui donnait régulièrement des recettes sans viande ou poisson. Seule Lyra s'était opposée à ce nouveau régime alimentaire ; elle achetait des plats préparés carnés pour compenser, quand elle en avait marre de manger végétarien. Alyssa s'était découvert une nouvelle passion pour le véganisme et en discutait à longueur de journée sur les réseaux sociaux. Ça faisait désormais partie de son « image politique » comme elle le disait elle-même, tout comme son militantisme antiraciste et féministe.

- Tu pourrais devenir journaliste, si tu obtiens ton master, dit Lyra.

- C'est ta passion, pas la mienne. Je suis même pas sûr d'avoir envie de faire un master.

Comme une comédie romantiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant