Chapitre 30

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Georgina et Paul nous avaient invité à dîner un samedi soir. Nous sonnâmes à la porte de l'appartement de Paul qui ouvrit en souriant.

- Désolé du retard, dit James.

- J'ai l'habitude avec toi ! Salut Alice !

Il nous invita à entrer, Georgina était dans la cuisine dans une robe portefeuille jaune poussin, la couleur la rendait encore plus solaire. Elle me sourit et me donna un verre de vin alors James et Paul s'installaient dans le salon où d'autres personnes étaient déjà en train de parler.

- Juste pour te prévenir, Amanda est là, dit Georgina avec un regard entendu.

- Ok.

- Je ne voulais pas l'inviter mais Paul a insisté.

- C'est une de leurs amies.

- Je me demande bien pourquoi, elle n'est vraiment pas agréable comme personne.

- T'exagère...

- A peine...elle se sent toujours obligée de la ramener sur tout. Je ne suis pas avocate mais je ne suis pas idiote pour autant !

Je souris et pris le plat qu'elle me tendait pour la suivre dans la salle à manger. Elle appela tout le monde à passer à table. J'étais en face de Georgina et à côté de Paul qui présidait et Craig. James était de l'autre côté de la table à côté d'Amanda.

- Merci Georgina, ça a l'air super bon.

- Attends de goûter, dit Paul.

Elle lui fit les gros yeux et il sourit comme un diable. Etre en couple n'avait pas rendu leurs chamailleries plus rares mais cela leur donnait un charme touchant, ils étaient encore plus complices qu'auparavant. La discussion dévia sur les politiques budgétaires, Amanda avait un avis très affirmé sur tout ce qu'elle disait. Nous finîmes le plat principal et je me levai pour aider Georgina à débarrasser. Elle prit des assiettes propres pour les apporter sur la table. Amanda entra à son tour dans la cuisine avec un plat qu'elle posa sur le plan de travail déjà bien encombré.

- Ca a l'air d'aller, me dit-elle.

- Oui et toi ?

- Très bien.

Elle semblait hésiter à parler alors que je mettais les couverts dans le lave-vaisselle.

- Est-ce que je peux te dire quelque chose ?

- Bien sûr, dis-je en me redressant.

- James m'a parlé de ce que tu traversais.

Je m'attendais à tout sauf à cette phrase et quelque chose me disait que ce n'était que le début. Je la dévisageai en fronçant les sourcils.

- Ca ne doit pas être évident.

- Je ne vais pas dire que c'est facile tous les jours.

- Non...J'imagine que James t'a un peu raconté ce qui lui était arrivé.

Où allait nous mener cette conversation ?

- Un peu oui.

Elle hocha la tête.

- Je me mêle probablement de ce qui ne me regarde pas mais euh...James est...comment dire...il ne dit pas grand-chose à ce sujet, mais c'est quelque chose qui l'a beaucoup marqué.

- Je m'en suis doutée.

- Il n'en parle pas très souvent et c'est un homme très occupé qui plus est. Enfin ça, je suppose que tu t'en es rendue compte par toi-même.

Je restais silencieuse, je ne comprenais pas ce qu'elle voulait dire.

- Ce que je voulais dire c'est que, s'il en est arrivé là où il est, ce n'est pas par hasard.

- Je sais.

Je me sentais menacée, l'intimidation n'était pas claire ni directe mais mon instinct me disait de quitter cette pièce au plus vite.

- Je pense que tu veux, comme moi, comme nous tous ici, ce qu'il y a de mieux pour lui. Il a besoin d'être entouré et soutenu par quelqu'un de disponible et qui comprenne ce qu'il est en train de vivre. Il n'a pas de temps à consacrer à autre chose.

Elle me demandait donc de m'écarter.

- Tu es une fille intelligente et je sais que tu comprends ce que je te dis. C'est juste qu'avec tout ce par quoi tu passes, je doute du fait que ce soit ce qu'il convienne à James. Ca risque de lui rappeler une partie de sa vie qu'il a mis du temps à mettre derrière lui.

Se pourrait-il qu'elle ait raison ? Je ne voulais pas lui montrer à quel point ce qu'elle avait dit m'avait touché, elle avait appuyé là où ça faisait mal. Elle sortit de la cuisine les mains vides, me laissant seule avec mes pensées.

Avait-elle raison ? Amanda était une de ses amies proches, j'imaginais qu'il pouvait se confier à elle. Je n'avais jamais pensé au fait que mon deuil puisse avoir un impact sur James. Il n'avait jamais rien laissé transparaître à ce sujet. Nous en parlions parfois mais j'étais loin de me douter que ça le ramenait à sa propre histoire. Je repartis dans la salle à manger et m'assis en silence. Mes yeux croisèrent le regard de James, je fis un demi-sourire forcé que j'essayais de faire paraitre naturel. Les conversations continuaient alors qu'une tornade se passait dans ma tête, j'entendais les voix de loin.

Je regardais Amanda et James discuter au bout de la table de manière animée. Ils étaient complices. Ca me sauta aux yeux, il y avait sûrement déjà eu quelque chose entre eux. La façon qu'elle avait de le regarder, la proximité physique qu'elle cherchait. J'essayais de trouver une comparaison avec mes amis garçons mais, même avec Maxime nous n'étions pas proche comme cela, les seuls échanges que nous avions se limitaient à se dire bonjour et à se taper dans la main quand on faisait équipe et qu'on gagnait. Là, il y avait quelque chose en plus.

- Tu es bien silencieuse, dit James alors qu'on était dans la voiture pour rentrer.

Je tournais la tête vers lui.

- Oui, je suis un peu fatiguée.

Les paroles d'Amanda tournaient encore et encore dans ma tête. Je ne pouvais pas m'empêcher de me dire qu'elle avait probablement raison, étais-je de taille à affronter une relation avec James ? Mon passé avec Stéphane refit surface, je ne me sentais pas à la hauteur. Je le regardais lui, beau à en mourir, drôle, brillant et moi, en plein deuil avec des crises d'angoisse, qui me plongeais dans le travail pour éviter de totalement sombrer.


De Paris à New-York : au-delà des apparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant