À tort et À découvert

XXIII - 23

PDV Wilaya

Ce matin, juste après le départ de Josh et de Nessa pour la fac, je m'y suis rendue aussi. J'avais également cours, mais j'avais d'autres projets ou plutôt préoccupations. En arrivant au campus, j'ai donc contourné l'amphithéâtre pour atteindre les salles du fond, individuelles. J'avais rendez-vous. Enfin, je venais de décider que j'en avais un. Je me suis arrêtée devant une porte sur laquelle figurait une plaque " Ludwig Schwarz Psychologue". J'ai frappé trois fois et je suis rentrée.

Le Docteur Schwarz était psy dans ce campus depuis un peu plus d'un an. Il n'a pas toujours été psychologue pour étudiants, avant il était psychiatre pour prisonniers haut placés. Il est arrivé ici en même temps que moi, ou plutôt, devrais-je dire avec moi. En effet, on était voisins en Allemagne, on était même plus que ça, je le considérais comme mon grand frère. Il était fils unique, moi aussi, alors on a grandi ensemble. Mes colocataires trouvaient que j'avais toujours les bons mots, c'était à lui que revenait tout le mérite. Il m'a appris sa vision de la vie, partagé sa tendresse et transmis sa passion. C'était grâce à lui si j'étais là aujourd'hui. Il y a un an, il a eu une proposition de travail à Londres et il m'a emmenée avec lui. Il savait que je voudrais partir à l'étranger pour mes études, j'avais soif de voyage. Il a donc convaincu mes parents qui étaient rassurés que je parte avec un repère. Aujourd'hui, ce n'était pas seulement le mien, mais aussi celui de Josh.

En effet, c'était par l'intermédiaire de Lutz que j'ai connu Josh. Au début, ce dernier n'était pas très ouvert à l'idée de parler de ses problèmes d'enfance avec un inconnu, mais leurs entretiens se sont avérés bien plus utiles que prévu. Leurs séances se sont multipliées, la situation s'est modifiée, ils n'étaient plus psy et patient, ils étaient alliés. Par conséquent, à force de se revoir, j'ai fini par le rencontrer. Je l'aidais aussi à ma façon. De fil en aiguille, j'ai été d'abord, une connaissance ensuite, une confidente et finalement une colocataire. Initialement, lorsque j'ai atterri à Londres, je partageais un appart avec Lutz avant de prendre mon indépendance. J'avais besoin de voler de mes propres ailes, alors j'ai pris une chambre dans le campus, mais j'avais aussi besoin de changement, alors j'alternais entre la baraque de la clique et mon chez-moi. Ce matin, je revenais des deux, j'ai dormi chez moi et j'ai fait un détour à la maison récupérer des documents. Finalement, je me retrouvais auprès de mon frère, c'était avec lui que j'étais à ma place. J'étais là pour l'aider dans sa profession. Attention, il ne me divulguait pas les dossiers de ses patients, il y avait secret professionnel. Néanmoins, j'étais au courant de son travail, de ses cas et des nouveautés. Parfois, un point de vue extérieur permettait d'éclairer une situation trop sombre. Évidemment anonymement. Ce matin, la réunion fut courte. Il n'y avait pas d'avancées sur ses affaires. Je retournais donc finalement à la maison.

En rentrant, j'ai retrouvé Diego à la même place, étendu sur le sofa, à moitié endormi. Il a assisté à son cours en vision, ne s'étant pas encore remis de la veille. Josh n'était pas là. Étant plus courageux, il s'était présenté en classe, lui. Il était probablement en chemin.

- Marta est rentrée ?

- Non, pas encore, me dit-il en forçant ses paupières à ne pas se fermer.

Il était 9:30, autrement dit, on n'a pas eu de nouvelles d'elle depuis douze heures. Même si on paraissait très proche, on avait tous notre vie privée et on la respectait. En plus, ce n'était pas inhabituel de sa part de passer une nuit dehors. Cependant, elle a eu un appel de Dimitri et est partie contrariée, ce qui était déjà plus inquiétant. J'espérais juste qu'elle n'ait pas fait de bêtises, car elle était plutôt du genre impulsif. En attendant, je me suis installée à mon tour sur le canapé pour rattraper le cours de la matinée. Une demi-heure plus tard, Marta débarquait enfin. J'ai eu raison de me préoccuper. Voyant son état, je savais pertinemment qu'elle avait fait une sottise, restait à savoir laquelle. Elle est rentrée vivement et elle s'empressait de rejoindre sa chambre avant que je lui en empêche.