PDV Marta
Je n'aimais pas la plage, encore moins la mer. Je partais du principe qu'on y associait tous quelque chose à ces houles qui s'enchaînaient en boucle comme des souvenirs. À chaque clapotis, une nouvelle vague de notre passé apparaissait. On repensait à notre enfance, à nos vacances ; en mémoire, nous et notre famille à la mer. Pour ma part, c'étaient des souffrances, des démences, le mémorial funèbre de ma famille ; la mer. Mes remémorations n'avaient rien de réjouissant et maintenant que j'y étais, je plongeais vers la version sombre de ma personne. Je tanguais entre ses fracas et mes tracas. Je coulais encore entre ses flots et mes larmes. Je chavirais enfin entre son écume et ma rancune. Finalement, je flottais sur la mère nature qui m'avait enlevé la mienne. Il n'y avait plus le cri des mouettes à la surface, seul le cri de la mort résonnait en moi. Je me noyais à cause de l'alcool dans ces souvenirs, cette obscurité, des pensées noires.
Je savais bien que mes propos pouvaient sonner dramatiques, voire pathétiques. Je ne le nierai pas, je n'y avais aucun intérêt. Les jugements de valeur n'altéraient en rien la réalité. Il y avait l'idée qu'on se faisait et il y avait les faits. Je pensais être déprimée, j'étais dépressive. Ce n'était pas qu'un simple état moral passager, c'était une morale qui régnait en soi, omniprésente. On ne la contrôlait pas, elle nous contrôlait. Je me laissai faire, je n'avais plus assez de force ni pour la fuir ni pour l'affronter.
Une fois le crépuscule, je me sentais enfin comprise. La nuit reflétait la couleur de mes pensées. Noires. On était pareilles. Sombres. Je me fondais dans le décor, j'étais camouflée, je m'y diluais. Invisible. Je me sentais libérée d'un poids, mise à nu, je n'avais plus besoin de porter de masque. Transparente. Je me décidais donc d'aller à sa rencontre. Je traversais la plage en me fondant dans la masse. On ne voyait rien dans l'obscurité, on ne m'y verrait pas, plus. Une fois dans la mère, il n'y avait plus besoin de bikini, de déguisement, je m'y dissolvais brutalement. Elle me berçait comme au premier jour de ses chants qui clapotaient. Elle me caressait de la pluie de ses yeux qui me chatouillait. Elle me nourrissait de son sein, un nectar salé. Je m'abandonnais complètement dans ce courant affectueux, je m'emportais. Je voulais juste me reposer, être en paix. Je rejoignais alors ce repos paisible.
Enfin, elle me rejoignit avant ça.
En face de moi, je la voyais comme si elle flottait autour de moi. Ses yeux verts ne reflétaient pas l'espoir de leur couleur, mais une lueur de désespoir. Elle aussi avait sa part obscure. On se rongeait toutes les deux de l'intérieur. On serait toxiques l'une pour l'autre. Tout était éteint en nous, on n'avait pas de lumière à s'apporter, on ne pouvait pas s'illuminer réciproquement. Raviver la flamme ! Non, on se ferait du mal ensemble. Pourtant, moins et moins, ça faisait plus, en maths. On pouvait se mater positivement. Est-ce qu'elle voudrait de moi ? Une morte-vivante. Est-ce que je lui ferai du bien ? Du mal ? Bien mal. Avant le début, c'était déjà la fin, la faim, la soif d'elle.
Nessa..
Elle se rapprocha mortellement, il n'y avait presque plus que de la mort en elle. Je sortais le corps de l'eau-de-vie. Elle me faisait tourner la tête. Je plongeais dans ses yeux, ce paysage de verdure, mais le bois brûlait, il s'assombrissait. Pourtant, je le soutenais. Elle m'inquiétait, alors je pris de ses nouvelles.
- Comment tu vas ?
- Je vais bien.
- Tu me mens.
- Tu me manques.
Ces trois mots sortirent tout seuls de ses lèvres, de manière douce, rassurante, bienveillante. Je ne savais pas ce qui lui prenait, mais ça me faisait de l'effet. Elle me chercha du regard, je la trouvais admirable. On se retrouvait là, coïncidence ? Je ne crois pas. Nos âmes froides se refroidissaient l'une à l'autre. Je ne voulais pas qu'elle tombe malade, comme moi.
- Retourne dans l'eau, tu vas attraper froid, lui disais-je en la voyant trembler.
- J'ai une âme froide.
Je l'avais bien dit, mais je ne voulais pas qu'elle en fasse autant.
- Arrête tes cours de poésie et retourne dans l'eau, lui ordonnais-je.
- Je ne la mérite pas. Ses bras. Ses vagues. Son berceau.
Ses maux se confondaient en moi, mais je ne cernais pas ce que je distinguais.
- Nessa, tu dis n'importe quoi !
- Je suis folle.
Je suis folle de toi.Je m'asphyxiais.
- Tais-toi.
- Pour de bon, alors.
Elle voulait en finir. Elle ne voulait pas seulement finir avec moi, elle voulait en finir avec la vie. Moi, je voulais en finir avec ses mots intimes, ses maux intenses. Je la poussais dans l'eau. Elle m'avait chauffée, je voulais qu'elle cesse ses conneries. C'était le chaos dans mon esprit. J'avais des haut-le-cœur à cause de l'alcool. Je coulais à mon tour pour la chercher. Je divaguais. Mon cœur battait à en crever. Je la retrouvais. Je voulais la retenir dans l'eau, rester au chaud. J'avais un trou de mémoire. Je ne me souviens pas clairement de ce qu'il s'est passé, c'était allé trop vite. Elle me gifla. Ce ne fut pas de ses mains, ce fut de ses lèvres. Sa bouche sur la mienne. Notre premier baiser.
Elle m'avait réjouie.
J'en perdais la tête.
C'était un conte féerique.Puis, j'ai réalisé.
Ce n'était qu'un rêve.
Je venais de me réveiller...
... avec un goût de mûre dans la bouche.
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À tort et À découvert
Mystery / Thrillerune mission. des secrets. une union. entre enquête et relations réfléchies qui sera le scélérat ? Une investigation a lieu à Londres pour retrouver un Russe. La personne engagée pour l'enquête va d'abord devoir passer à travers des relations amica...