XXXV - 35

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Je m'ennuyais. Ce n'était pas uniquement dans l'instant présent, mais depuis lundi. Ma mission stagnait, et moi avec. La seule chose que j'avais apprise, c'était qu'Elena était bien plus populaire que moi, contrairement à ce qu'elle avait prétendu. En fait, elle avait des liens de parenté avec l'actuel président de la République fédérale de la Russie. Je ne le citerai pas, car le frite-fromage-sauce était trop cruel, à mon sens, pour être nommé et je ne souhaitais pas m'attirer ses foudres. Néanmoins, j'avais tout de même suscité la sympathie de sa petite-nièce d'un degré très lointain, mais suffisant pour lui permettre de vivre toute sa vie sans se soucier du lendemain. J'espérais juste qu'elle réprimait ce lien généalogique pour ne pas être rattachée à cette guerre contre ses voisins, et pas parce qu'elle voulait être une femme liée à ce foutoir en toute tranquillité. Pour le coup, moi je l'étais, tranquille, et un peu trop en fin de compte, mais ça n'allait pas continuer longtemps.

Josh m'avait incitée à bosser deux jours consécutifs dans la boîte pour compenser et pouvoir avoir le week-end prochain de libre. Il ne m'avait pas révélé plus d'informations, mais j'avais ma petite idée concernant la raison. Alors, j'avais été un peu sur la réserve cette semaine, prétextant vouloir me reposer pour ce week-end vigoureux. Ça faisait alors quatre jours que je ne les avais quasiment pas fréquentés. Néanmoins, en vérité, je me sentais simplement un peu déboussolée. Ma mission principale avait dévié sur une volonté de tous les aider. Je ne me prenais pas pour une sauveuse d'état d'âme, j'étais juste touchée par toutes les découvertes sentimentales récentes sans savoir quelle réaction avoir. Je m'étais donc éloignée, espérant revenir plus véhémente, en vain. Je me retrouvais au même endroit. C'était à nouveau vendredi, on était à nouveau dans la boîte et j'étais à nouveau prête pour le service.
Retour à la case départ.

La soirée débuta calmement pour une fois. Enfin, les clients étaient nombreux comme toujours, néanmoins, c'était comme s'ils n'étaient pas là, mais ailleurs, sur la lune. En conséquence, on eut drastiquement moins de commandes comparé à d'habitude. C'était pourquoi je me permis plusieurs courtes pauses au cours de la nuit. Un moment, je décidai de me faufiler au milieu des danseurs lorsque je cernai ce qui les faisait planer ou plutôt qui.

- Alors comme ça, j'ai affaire à une cliente fidèle ? Qu'est-ce que je te sers ce soir, me demanda-t-il.

- Je suis en service maintenant, donc rien, merci, lui répondis-je.

- Oui, j'ai vu que t'étais serveuse, alors techniquement, on est collègues vu qu'on a le même chef.

- Dans ce cas, il faudrait peut-être faire les présentations.

- Moi, c'est Piotr, alias connu comme le crack du quartier, me souffla-t-il en me serrant la main.

Il en profita pour glisser un genre de papier ou de carte de visite contre ma paume avec son contact.

- Moi, c'est Nessa tout court. Je ne suis pas aussi créative que toi apparemment.

- Oui, je sais qui tu es. J'ai fait des recherches sur toi depuis la dernière fois pour être sûr que tu n'étais pas une espionne.

- Alors, ça a donné quoi ?

- Tu as toutes les caractéristiques pour en être une, me défia-t-il avec un rire en coin.

- Parfait, tu m'as démasquée, alors méfie-toi maintenant, conclus-je avec un clin d'œil.

Finalement, l'autre fois, c'était la première fois que j'avais affaire avec lui, mais ce n'était définitivement pas la dernière fois que j'aurais à faire à lui. Après tout, lorsque je trouvai que Pablo, mon patron, avait des ressemblances avec Pablo, El Patrón, je ne m'étais pas trompée. J'avais bien intégré le fait qu'il y avait un trafic dans cette boîte, mais je n'étais pas allée jusqu'à m'imaginer qu'il le finançait lui-même. Dans l'idée, j'espérais qu'il fermait juste les yeux sur ce commerce illicite, car il lui rapportait de la clientèle, mais malheureusement, il les gardait grands rivés dessus. Une part de moi aspirait à les arrêter, pourtant une autre part de moi avait un peu de peine pour eux. Dans tous les cas, je n'avais pas à débattre avec mon cœur à présent sur la décision à prendre. Même si j'étais amenée à le faire, je le ferais plus tard à la fin de ma mission, sinon je perturberai trop le système ici, ce qui pourrait alerter l'incontestable trafiqueur que je traquais. Puis, je perdrai mon emploi et peut-être également ma couverture. Je devais donc patienter. Pourtant, je ne culpabilisais pas pour autant.

J'étais consciente que mon discours n'allait pas convaincre tout le monde et ce n'était pas mon intention, mais je partais du principe que le trafic de drogue n'était pas un problème majeur. Dans le jargon des d'jeuns, on disait qu'ils bicravaient, moi, je dirais qu'il y avait bien plus grave. Je ne prétendais pas le cautionner, ne me faites pas dire ce que je n'avais pas dit, je considérais juste que c'était hypocrite. C'étaient toujours les mêmes qui se faisaient arrêter, c'est-à-dire les petits revendeurs, tandis que les réels responsables se pavanaient sous les feux des projecteurs, que ce soit en faisant des interviews ou posant devant la maison blanche ; petit dédicace à Pablo, pas mon patron bien entendu. D'ailleurs, les légendaires Lacoste TN, comme on aimait les appeler dans la cité, était les plus honnêtes des délinquants sur lesquels j'étais tombée au cours de ma carrière. C'était donc un marché corrompu qui condamnait les mauvais coupables. Ils avaient également cette image de personnes immorales parce qu'ils empoissonnaient les autres. Personne ne contraignait les consommateurs en s'en procurer. Toutefois, j'avais tout de même une certaine part de responsabilité maintenant que j'étais au courant. C'était pour cette raison que j'avais pris des échantillons de tout ce que Piotr proposait la dernière fois dans l'épicerie. Je les avais envoyés au laboratoire pour les faire contrôler et être sûre qu'il ne coupait pas sa drogue avec des substances dangereuses. Il était clean. Enfin, c'était comique de dire ça d'un dealeur, mais disons que les clients consommaient ce qu'ils demandaient. D'ailleurs, il ne vendait pas de drogue du violeur. Autrement dit, il n'arquait personne et il avait ses limites, ce qui me faisait encore plus penser que c'était un chic type qui avait fait des choix discutables dans sa vie.

Je m'apprêtais à reprendre mon poste derrière le bar après ma rencontre avec Piotr, lorsque quelqu'un me prit par le bras avec douceur, mais fureur. Je me retournai et me retrouvai face à une Marta révoltée.

- Qu'est-ce que tu faisais avec lui, m'interrogea-t-elle.

- On faisait connaissance.
Tu comptes arrêter de contrôler mon
entourage ou tu attendras des
explications à chaque fois ?

- Tant que tu auras de mauvaises fréquentations, oui. Alors, ne t'approche pas de lui.

- Sinon, quoi, qu'est-ce que tu vas faire ?

Elle s'approcha de moi et mit furtivement ses mains dans la poche arrière de mon jeans, sans même me toucher, pour me faucher le papier qui dépassait avec le téléphone de Piotr.

- Ça, dans un premier temps, dit-elle en déchirant le papier, puis si je le revois proche de toi encore une fois, j'irai lui faire une visite matinale, demande à Vassili, elles sont très amicales.

- Ne t'approche pas de lui, ou c'est moi qui viendrais te rendre visite.

- C'est une menace Nessa ?

- C'est un conseil, Marta, conclus-je en me dégageant.

Elle paraissait ne pas intégrer l'intérêt que je lui portais. À vrai dire, moi non plus. Je ne voulais simplement pas qu'elle dirige ma vie sans raison. Derrière mon dos, ma révoltée me dirigea sa dernière réplique.

- Ne tombe pas amoureuse de lui Nessa. Tu mérites mieux que ça.

Qu'est-ce qui lui prenait, elle était complètement crazy ma parole. C'était quoi ce raccourci rocambolesque, ce n'était pas parce qu'on s'était échangé deux trois mots qu'on allait finir avec deux trois mômes et Franck, le chien. Elle se jouait sûrement de moi, à moins que ce soit de la jalousie. Dans tous les cas, elle défendait encore le fait que je sois hétéro. Elle avait la capacité de me mettre hors de moi, c'était fou. La moindre interaction entre elle et moi était toujours intense et pleine de tension. J'avais essayé de prendre mes distances depuis dix jours sans succès. Elle était perpétuellement dans mon esprit, et pas que... Elle m'énervait. Ça ne me plaisait plus. Enfin, peut-être un peu.

Je réussis finalement à reprendre mon poste avec comme but de perdre la tête au milieu de toutes ces commandes qui reprirent de plus belle après la fuite anticipée de Piotr. En effet, Marta n'avait pas perdu une seule seconde pour aller le menacer. Elle tenait donc vraiment à moi, ce qui me tendait encore un peu plus. Dans tous les cas, c'était à moi de veiller sur elle et pas le contraire. Je la dévisageais alors d'un regard dense en me demandant ce qu'elle me réservait pour la suite, mais une vibration me sortit de ma rêverie.

nada a reletar
Vera

En tout cas, ma recherche croupissait autant que ma relation avec elle.

entendido
Lua

À tort et À découvertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant