XV - 15

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Deux heures après le dîner, on était tous prêts à partir. J'avais opté pour un top vert sapin qui rappelait mes yeux et un pantalon cintré camel clair qui faisait ressortir mon teint. Il était 22:30, la boîte ouvrait à 23:00. On était bien placé pour savoir qu'il n'y avait pas beaucoup d'ambiance dès l'ouverture, mais il faudra la mettre nous-mêmes. En effet, on partait le lendemain, on ne pouvait donc pas se permettre de rester trop longtemps. Enfin, si, on le pouvait, mais on ne le fera pas, parce que nous étions des personnes responsables.

Une fois arrivés, la boîte était effectivement fade. Pourtant, on s'était tapé trente minutes de fille puisqu'il n'y avait pas Pablo pour nous faire rentrer en VIP. On s'engagea donc sur la piste désertique pour mettre le rythme. Quand je dis on, je parlais de Diego et moi. En effet, lui était toujours prêt à faire la fête et moi, d'habitude discrète, je ressentais encore les conséquences de mon before. J'allais donc me ridiculiser une bonne heure avant que la foule ne vienne me camoufler. C'était à ce moment que j'entrepris de faire une pause.

Après m'être totalement déchaînée, j'étais assoiffée. Ma bonne conscience me disait de prendre une boisson sans alcool, mais en arrivant au bar, un gentleman souriant me tendit un verre que je ne sus refuser. Ce fut seulement une fois installée que je compris qu'il avait passé les dernières minutes à m'observer danser, que dis-je, me défouler comme une fofolle. J'aurais dû être embarrassée, mais mon état ne me le permettait pas. On discuta un instant avant d'être interrompus par un inconnu, du moins je l'avais cru au début. Je n'avais pas reconnu sa voix, d'ailleurs, ni son visage dans le noir, puis ses cheveux mi-longs me dirent quelque chose.

- ты его нашел ?

- Non, je ne l'ai pas trouvé, lui dis-je pour qu'il comprenne que je ne voulais pas parler en russe ici.

- Dommage que tu n'aies pas trouvé ce que tu cherchais, par contre nous, comme on se retrouve, s'exclama-t-il avec un sourire taquin sur les lèvres.

C'est vrai que le hasard faisait bien les choses. Après tout, ce n'était pas une coïncidence de zinzin de croiser un jeune de mon âge dans un bar ou dans une boîte. Cependant, est-ce que la coïncidence existait vraiment ? L'homme avec qui je discutais s'en alla voyant que Vassili prenait place.

- Qu'est-ce que tu fais là, lui demandai-je, soulignant le fait que ça soit louche qu'on se rencontre deux fois la même soirée dans deux endroits différents.

- C'est moi qui devrais te poser la question. Qu'est-ce qu'une jeune femme fait de bar en boîte toute la nuit, seule.

Je n'appréciais pas la tournure que prenait cette conversation ni même cette rencontre tout court. Cependant, je cherchai du regard mon groupe en vain. Il avait raison, pour le coup, j'étais bien seule.

- Pourquoi ne pourrait-elle pas, lui demandai-je en le fixant attentivement pour analyser son langage corporel.

- C'est dangereux la nuit, surtout pour une aussi jolie fille comme toi, me dit-il avec un petit sourire en coin.

Ils n'étaient pas très créatifs, les loulous.

- Pourquoi ce compliment sonne comme une menace ?

- Je suis juste prévenant, mais ne t'en fais pas, je suis là pour te protéger, dit-il en tremblant légèrement sa jambe, ce qui trahissait la confiance qu'il exprimait sur son visage tout souriant.

Je ne voulais pas paraître condescendante, contrairement à lui, alors je me contentai d'un petit rictus. Puis, je fixai mon verre me demandant que faire, mais on me sortit de mes pensées en un instant.

- Je vais à l'hôtel avec cette perle, intervint Diego, Josh a trouvé quelqu'un ou plutôt quelqu'un a trouvé Josh, j'imagine que Marta aussi et Wilaya est portée disparue. Tu arriveras à rentrer toute seule ?

Je me tournai vers la perle dont il parlait, effectivement, elle était sublime. J'acquiesçai de la tête et je pris la parole.

- Prends soin de toi !

- Toujours, me dit-il.

- Je parle à la fille, lui dis-je en souriant.

Il me tira la langue et se tira avec elle. Je me retrouvai en face à face avec Vassili.

- Je crois bien que je t'ai pour moi toute seule, reprit-il.

- Tu crois bien mal, lui dis-je avec un sourire pour qu'il pense que je le taquine.

- Je peux au moins avoir ton numéro pour être sûr que tu sois bien rentrée, une fois que tu te seras lassée de moi et que tu m'auras laissé en plan.

Je considérai ses propos un instant. Ça expliquait peut-être ces actes. C'est vrai que dit ainsi, ça sonnait un peu tristounet. Néanmoins, il était trop charmeur pour parler sincèrement. Ça m'étonnerait que beaucoup de filles le laissent en plan, il était beau garçon, misogyne sur les bords, mais pas moche. Je crois que c'était juste une de ses nombreuses tactiques pour attirer la compassion des femmes. Je ne savais pas ce qui était le plus peinant entre être la victime ou la jouer. Je demandai un stylo au serveur et j'inscrivis mon numéro sur une serviette. Puis, je le confrontai.

- Si tu le veux, dis-moi ce qu'un étudiant de Londres fait à Manchester en pleine semaine ?

Il semblait déboussolé par ma question, ne sachant pas si je parlais de lui ou bien de moi. En effet, quand il m'avait dit son prénom, je n'avais pas tout de suite tilté, après tout, Vassili est un nom commun en Russie. Néanmoins, lorsque je suis rentrée, juste avant de passer à table, j'ai pris le temps de mettre au net les infos que j'avais eues à travers notre conversation. J'ai eu une révélation en écrivant son nom dans mes notes. J'avais repensé au tableau Excel des étudiants de l'asso de russe que je n'avais pas pris avec moi, mais que j'avais pris le temps de mémoriser. Il y avait bien un élève nommé Vassili en arts à Londres. Je m'étais donc identifiée via mon téléphone sur le site privé de l'armée où toutes les personnes du monde entier étaient recensées. En retranscrivant les données que j'avais en ma possession, je vis apparaître instantanément une photo de lui. C'était bien l'artiste londonien, alors qu'est-ce qu'il faisait à Manchester qui plus est en même temps que moi... Est-ce qu'il me suivait ? Est-ce qu'il savait qui j'étais ? Est-ce que c'était lui mon criminel ? Peut-être que j'avais eu la chance d'effectivement trouver le responsable dans cette ville, dans ce bar, juste en face de moi. J'attendais avec un regard soutenu sa réponse qui se faisait longue.

- Nessa.. On est là pour la même raison.

Intéressant.

- C'est-à-dire ?

Je redoutais encore un moment avant qu'il ne me réponde.

- Tu me cherchais, je t'ai trouvé.

On ne pouvait pas être plus clair.

- Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

Il réfléchit un instant.

- Tu acceptes un dernier verre avec moi et si je n'arrive pas à te convaincre que je suis un bon gars dans le fond, tu seras libre de faire ce que tu veux.

- Deal

Un serveur nous mit deux verres. Je n'étais pas en état de continuer cette conversation. Il le fallait bien pourtant, mais avant ça, je prétextai d'aller aux toilettes tout en faisant bien attention d'oublier volontairement le bout de papier avec mon numéro sur le comptoir. Je m'éloignai un peu et je me mis à l'observer de loin. Il avait l'air un peu stressé et soupira pour se donner du courage. Apparemment, ce date était important pour lui. Je l'examinai encore dans l'espoir de le prendre la main dans le sac. Soudain, sous mes yeux, une évidence.
Mes craintes se confirmèrent.
Il était bien celui que je pensais qu'il était.

À tort et À découvertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant