À tort et À découvert

XXVII - 27

Il était un peu moins de 14:00, lorsqu'on se dirigea vers un des rares bars encore ouverts sur la plage à cette période de l'année. Diego y était déjà en tant que maître de la musique. En effet, il avait reporté son rôle de DJ dans la voiture pour ce moment précis. Il était accompagné d'une bande de slaves dont il animait essentiellement les filles. Apparemment, les Balkans, c'était sa région et son genre de prédilection. On avait beau être à mi-octobre, visiblement, il ne faisait jamais assez froid pour ce peuple et Diego, lui, était de toute façon, toujours chaud bouillant. Marta, nous guettant arriver, se joignit aussitôt à nous, accompagnée d'un gentleman appartenant sûrement au même groupe. Je l'étudiai un instant, après tout, j'étais à la chasse aux hommes russes, cependant, je l'examinai un peu plus intensément que les autres garçons déjà présents. Je ne savais pas ce qui me dérangeait, après tout, s'il était avec Marta, c'est que c'était un bon gars. Enfin, quelles étaient ses intentions avec elle justement.

- C'est ma tournée ! Je paie un verre à toutes les jolies filles ici présentes, les gars, vous vous débrouillez, lança Diego en direction de la nouvelle bande.

- J'en fais partie, demanda Marta, l'air de le défier.

Il sembla perplexe face à cette question.

- Tu sais bien que tu es la prunelle de mon cœur, donc je préfère ne pas t'alcooliser.

Apparemment, ce n'était pas tant le fait qu'elle se sente concernée qui avait dérangé Diego, mais plutôt parce qu'il ne l'imaginait pas consommer.

- Je suis une grande fille Diego, et d'ailleurs, j'ai encore du mal à concevoir que le gros bébé que tu es, grandit aussi.

Il tira la langue et commanda comme il avait convenu pour toutes les filles, moi y compris, j'étais charmée. Puis, on s'installa tous ensemble sur des transats pour profiter   un peu du ciel tout de même ensoleillé malgré l'automne. On passa les heures qui suivirent à discuter, blaguer et se piquer. Puis, doucement, le calme prit le dessus et enfin, le silence nous berça.

Devant moi, dans la mer, je distinguais une barque au loin. Elle ramait lentement vers le rivage. En s'approchant, j'apercevais de mieux en mieux les membres. Ils étaient deux. Une silhouette manœuvrait le canoë tandis que l'autre captivait l'horizon, stoïque. La barquette en branche de bois semblait prête à se casser à tout moment, mais elle parvient à atteindre la côte. Les deux l'abandonnèrent donc là, sur place, et ils s'aventurèrent sur la plage. Ils marchaient dans ma direction, mais j'avais l'impression que des kilomètres nous séparaient. Leurs pas étaient lents, ralentis, comme s'ils reculaient au lieu d'avancer. Plus je les examinais et plus leur visage s'éclairait. Il y avait une femme élancée, ferme et exténuée. L'autre était un homme, du moins c'était ce que j'imaginais, car je ne discernais pas son profil. Il portait une capuche et peut-être même une cagoule. Pourtant, les deux me semblaient familiers. Je découvrais également que la femme maintenait fermement l'homme par le bras, tandis que les mains de ce dernier étaient menottées. Leur regard était vers le sol à cause du soleil, mais à un moment, en même temps, ils relevèrent leurs yeux vers moi. Soudain, j'eus une prise de conscience. C'était Vera. Mon acolyte était là, avec moi. Qu'est-ce que ça signifiait ? J'eus une décharge d'adrénaline, mon pouls s'emporta et je fus paralysé face à ce scénario. L'autre était effectivement masqué, mais au fond de moi, il m'était toujours familier. Vera se tourna vers moi et cria "encontrei-o" (je l'ai trouvé). Elle avait trouvé le coupable. J'étais en panique, je tremblais, j'avais le souffle court. Pourquoi j'avais le sentiment de le connaître ? Ils continuaient d'avancer vers moi au ralenti tandis que je commençais à m'enfoncer dans mes réflexions, mes regrets, mes remords. Qui était-ce ? Le doute demeurait. La pression devenait de plus en plus insupportable. Le suspense suffisait, il avait assez duré. Il fallait que je le voie.
Alors, j'ouvris les yeux.