XII - 12

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Il faisait noir, je ne voyais rien, je ne savais pas où j'étais. J'étais entièrement trempée de la tête aux pieds, donc j'en déduis qu'il pleuvait. Même si je ne discernais rien autour de moi, comme si on m'avait bandé les yeux, je sentais une présence, une présence malsaine. Il y avait une ambiance pesante, une atmosphère lourde. Cependant, je ne pouvais rien faire. J'étais comme attachée sur une chaise, les pieds et les mains menottées, je ne pouvais pas me débattre. Je suffoquais. Ma bouche était scotchée, je ne pouvais rien dire. Je sentais sa présence qui rôdait autour de moi. Je n'avais pas besoin de le voir pour le savoir. Une haine naissait en moi. Je me suis dit que ça ne pouvait qu'être un membre de ce trafic d'enfants. Je n'avais pas peur de lui à proprement dit, j'avais la rage. Rien que d'imaginer ce que ce pédophile était capable de faire, ça me mettait hors de moi. J'essayais de tirer sur les menottes, mais rien à faire, j'étais ligotée, je ne pouvais pas m'en défaire. Il y avait une chaleur étouffante dans la pièce, de grosses gouttes suintaient sur mon visage. Je sentais la présence de l'individu qui se rapprochait de plus en plus. Un moment, je crus même sentir son souffle sur mon cou, ce qui me fit frissonner de dégoût. La rage que je sentais pour lui était à son apogée, j'étais en frénésie. J'entendais des mots lointains que je ne discernais pas, comme s'ils étaient dans une langue étrangère. Les mots se répétaient, sonnant comme "laisse ça " ou "n'est-ce pas". Je ne savais pas ce que cela signifiait. Puis, ils se précisèrent. Je compris enfin, "n'est-ce ça", "n'est-ce ça", "n'est-ce ça". Je n'eus pas le temps d'interpréter ces propos que je sentis une main frôler mon bras. À ce moment même, les menottes se brisèrent instantanément. Sans réfléchir, je me jetai sur lui, le plaquant contre un canapé qui se trouvait là, en le tenant par les poignets fermement, prête à la tuer. Le bandage autour de mes yeux qui m'empêchait de voir tomba. Je ne dormais plus.

Je vis, enfin, le visage du soi-disant malfaiteur. C'était Marta. Elle me regardait d'un air que je ne lui connaissais pas encore. C'était de la peur, mais ce n'était pas de moi qu'elle avait peur. Elle était inquiète, pour moi. Cela ne m'aida pas à mieux gérer la situation. En effet, j'étais à califourchon sur elle, sur le canapé du grand salon sur lequel je m'étais assoupie. Son regard, d'habitude glaçant, s'était réchauffé, laissant transparaître de l'empathie. Moi, qui étais déjà rouge de rage à cause de mon cauchemar, je rougis encore plus de gêne en voyant ce que je venais de faire. Je venais de m'attaquer à elle en pensant qu'elle était ma terreur nocturne. Je me dégageai instantanément en baissant les yeux de honte. Comment avais-je pu aussi mal interpréter la situation ? En plus de l'avoir peut-être blessée, j'étais carrément montée sur ses genoux, ce contact me gêna encore plus. Je paniquais, ne sachant pas quoi faire, donc je m'enfuis me réfugier dans ma chambre.

- Nessa.., me redit-elle en essayant de me rattraper.

- Ne t'approche pas de moi, dis-je en me dégageant.

Je partis à pas de course vers ma chambre en murmurant d'une voix à peine audible.

- Je suis tellement désolée...

PDV Marta

Il était 8:00 lorsque je me réveillai de mon sommeil léger. Je n'avais pas beaucoup dormi suite à cette interaction avec Nessa. Elle non plus d'ailleurs, car je l'ai entendu toute la nuit, tantôt à faire les cents pas, tantôt à se retourner mille fois dans son lit. Mes craintes à son sujet s'étaient confirmées. Elle aussi souffrait de troubles du sommeil. La veille, j'avais essayé de la réveiller pour la libérer de son cauchemar. D'abord, en l'appelant par son nom plusieurs fois puis, en lui effleurant le bras avec le plus de douceur possible. À peine eus-je le temps de la toucher qu'elle me saisit les poignets et me sauta dessus. J'admets que j'ai été surprise par sa rapidité à agir en situation de crise. Une fois sur moi, elle prit conscience de sa mauvaise interprétation et elle ne savait plus où se mettre. Elle était à la fois gênée de m'avoir attaquée, gênée de se retrouver sur moi, mais surtout, elle était très gênée de s'être montrée si vulnérable. Je la comprenais plus que quiconque. Moi aussi, j'avais mal réagi quand elle avait assisté à mon cauchemar chez moi. Je voulais la rassurer, lui dire de ne pas s'en faire, mais elle s'était déjà réfugiée dans sa chambre. J'espèrais que j'aurai l'occasion de lui parler aujourd'hui.

À tort et À découvertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant