XXXVII - 37

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L'évènement que j'appréhendais le plus était arrivé. On s'était confrontées. Elle avait gagné. Elle m'avait gagnée. Je ne pouvais plus le cacher, elle m'avait percée à vif. Au moment même où elle était prête à me sauter dessus avec rage et violence, elle réalisa que j'étais avec elle et pas contre elle. J'étais démasquée. Le groupe m'avait sauvé de ses griffes contre ma chair à maintes reprises, mais elle l'aura ma peau si elle le souhaite. En réalité, c'était ça le problème. On allait s'autodétruire. Elle me connaissait à peine et c'était bien ça que j'allais lui causer. Je bouillonnais de colère en moi à cause de ma profession, elle se fondait tel un glaçon dans sa noirceur, on n'était pas compatible. Notre relation sera toxique. Néanmoins, je n'aurais pas su résister. Avant même de l'avoir goûtée, j'étais déjà addicte. En plus, elle m'avait prise par surprise dans un sous-sol, ce qui laissait présager une vie pleine de romantisme. D'ailleurs, je m'étais déjà retrouvée dans des lieux beaucoup plus sinistres, mais jamais sans aussi peu de défense. À présent, je redoutais notre prochaine rencontre. Elle m'aura la prochaine fois qu'on se verra, et c'était ce soir.

On était le dernier jour du mois d'octobre, ce qui voulait dire que William s'envolait demain pour Liverpool. Il n'avait pas souhaité qu'on organise quoi que ce soit pour son départ, mais on avait quand même prévu de se voir ce soir pour lui dire au revoir. Alors, même si on n'était que mardi, la semaine risquait d'être longue, du moins autant que cette soirée.

Je me préparais donc pour rejoindre la rencontre en petit comité comme d'habitude. Je me vêtis alors d'un crop vert pour faire ressortir mes yeux encore plus qu'ils ne le seront en l'apercevant. J'associais ça avec un pantalon et des chaussures noirs. C'était une couleur classique et passepartout comme mes cheveux que je comptais détacher. D'ailleurs, j'en profitai pour rafraichir mes boucles et remettre un peu de parfum. D'habitude, je ne me souciais pas autant de mon image tant que je passais pour une militante dans une fac supérieure et pas une militaire des forces spéciales. Pourtant, mon apparence semblait apparemment importante pour moi ce soir. Je jetai un dernier coup d'œil au miroir des toilettes qui me renvoya un reflet de chiottes. J'avais des cernes denses et ma peau manquait d'hydratation, mais après tout, c'était ce qui faisait ce que j'étais. Je me contentais alors d'éteindre la lumière, je pris un pull, mes cliques et mes claques et je m'en allais.

C'était un crépuscule peu chaleureux qui m'accueillit dehors. Bien qu'on soit seulement en automne, le temps était plutôt hivernal avec une brise horriblement tumultueuse, alors je pressai le pas pour me réchauffer. En chemin, je croisai Diego qui décida de me lancer un challenge comme ça, du rien.

- Le ou la première qui touche le poteau remporte 5£ !

J'eus à peine le temps d'activer mon mode de compétition que j'étais déjà arrivée.

- De toute façon, en monnaie, je n'avais que des francs sur moi.

- De la monnaie ? Des francs ?

- Oui, cinq francs, c'est une pièce en Suisse, mais ce n'est pas grave vu que j'ai gagné, conclus-je avec un petit sourire tout fier.

Il sortit alors le billet de sa poche, ce qui me surprit parce que je pensais qu'il bluffait.

- C'est bon Diego, je t'ai déjà pris ton orgueil, je ne vais pas en plus te prendre ton argent...

Il me tira la langue et me le tendit tout de même.

- Premièrement, je suis un homme de parole. Deuxièmement, on ne s'est jamais menti, ce n'est pas maintenant que ça va commencer.

Ouch. Je ne savais pas si c'était un pique, mais ça avait picoté mon cœur et ma conscience.

- Okay, merci petit poussin.

À tort et À découvertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant