Mai 1940
France
– Rappelle-moi pourquoi j'ai décidé de te rejoindre ? Demanda Alice avec irritation amplement discernable.
– Car je suis un orateur fantastique ? Répondit Adrien avec une certaine hésitation. Le regard orageux qu'il reçut en retour le conforta dans l'idée que son intervention était idiote.
– Bon Dieu, qu'on me pardonne si un jour on te retrouve dans l'Allier.
– Tu n'oserais pas me jeter dans un fleuve tout de même !
– Je profiterais de l'occasion pour débouchonner une bonne bouteille.
– Quelle cruauté... Marmonna-t-il tout bas, pestant face à la froideur de la blonde.
Ignorant les plaintes de son collègue, la jeune femme réajusta discrètement les pans de sa robe. Ces derniers furent tellement encombrants qu'elle se mit à admirer avec passion les couverts présents au buffet. Ils semblaient assez coupants pour la débarrasser de cette montagne de tissu inutile. Seulement, un léger coup de coude du jeune homme la détourna de son plan. Soupirant, elle ouvrit son éventail et fit mine de s'en servir.
– Bien, mon cher Sherlock, quel est l'objectif du jour ? S'approchant doucement de la blonde, il vint chuchoter sa réponse.
– Gaillard se rend régulièrement à ce genre d'événement mondain. On le soupçonne de fricoter avec les Allemands, on doit trouver des preuves. Plissant le nez, Alice lui adressa une œillade blasée.
– Ton choix de langage m'étonnera toujours. « Fricoter », en voilà un terme digne du splendide orateur que tu prétends être !
— Alice, tu-
— Oh mais voilà Martin ! On se voit plus tard. Déclara-t-elle en écourtant les paroles du châtain. Rejoignant leur troisième allié, la jeune femme échappa aux remontrances d'Adrien.
Celui-ci soupira profondément tout en apercevant le rictus de la blonde. Cette dernière glissa son bras dans celui de Martin avant de disparaître dans la foule. Passant une main dans ses boucles, il tenta en vain de les discipliner. Il aborrait d'être tiré à quatre épingles ainsi. Il ressemblait à ces soi-disant gentlemans capables des plus grandes prouesses. Quelle hypocrisie. Aucun d'entre eux n'oserait lever le petit doigt si un ouvrier venait quérir leur aide. Il en fut témoin où qu'il aille en France. Constamment sur les routes, il est peut-être l'un des rares hommes à connaître le dur labeur des paysans, les souffrances muettes des femmes et la terreur silencieuse des enfants. Craindre le manque de provisions pour l'hiver ou sacrifier ses vêtements pour permettre aux plus faibles de se nourrir, cela ne concerne pas ces nobles, « ces sangs purs » comme ils aiment tant se nommer.
Honteusement, Adrien avait cru qu'Alice appartenait à leur classe. Ce jour-là, quand ils se sont rencontrés dans le train, il avait cru assister à l'avènement d'une nymphe. Sa chevelure d'or virevoltait dans le vent comme désireuse d'une fervente liberté. Ses pupilles noisette, d'une teinte si chaude, lui rappelaient sans cesse les forêts de son enfance. Seulement, suite à cette contemplation, il ne put y conclure qu'une chose. Elle n'était pas du même monde que lui. Elle devait crouler sous les parures et se pavaner avec joie dans les salons mondains.
Quelle fut sa surprise quand il la revit une nouvelle fois en compagnie de M. Dupond. Un ancien professeur de philosophie dont les locaux furent rasés lors de l'occupation. Depuis son installation dans son vétuste bâtiment, il fut sujet à de nombreuses rumeurs et railleries. Seulement, cette jeune femme semblait ne pas en tenir rigueur. Le châtain l'avait aperçue de nombreuses fois assistée à ces cours, et cela peu importe qu'elle soit l'unique élève. À cet instant, Alice lui parut étrange et, ma foi, fortement intrigante.
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Nous n'étions pas destinés
RomanceLe Destin, Voici un de ses nombreux mots dont le sens nous échappe aisément. Doit-on le rendre coupable de nos peines ? Ou protecteur de nos plaisirs ? Il est ardu de répondre n'est-ce pas ? Dans ce cas, laissez moi vous conter une histoire. L'histo...