Octobre 1719
Jamaïque
Où avait-il fauté ?
Quand est-ce que tout cela avait dérapé ? Aurait-il pu changer les choses ? Était-ce écrit ? Était-ce son destin ?
Cette histoire avait pourtant si bien commencé...
Leur amitié aurait-elle pu avoir un avenir ou était-elle destinée à finir ainsi ?
Face à tous ces questionnements, Louis ne put réagir. Une cacophonie emplissant son esprit, il se sentit perdre pied. Les derniers événements tournaient en boucle, telle une danse infinie. Une danse aussi douloureuse qu'étouffante. Sa mélodie se succédait inlassablement, rendant chaque note encore plus insupportable. Un véritable vacarme résonnait en lui. Et pourtant, il s'était muré dans un silence morbide. On tentait en vain de lui arracher une réaction, mais jamais son visage n'esquissa le moindre geste. Figé, ce dernier avait perdu des couleurs. Des cernes avaient élu domicile sous ses yeux, lui donnant un air cadavérique.
En silence, il attendait. Quoi donc ? Il n'en savait foutrement rien...
De toute façon, il ne reviendra pas...
Dans l'immédiat, tout ce qu'il désirait lui était hors d'atteinte. Il ne souhaitait que mettre son esprit en pause, le vider, effacer tout ce qui le composait et dormir... Dormir et être en paix. Seulement, cela était une chimère désespérée... Jamais il ne pourrait obtenir cela...
Pourtant, comme si le destin était contre sa personne, il lui accorda cette faveur. Respectant sa volonté, il avait fait cesser cette cacophonie de son esprit. Cependant, ce ne fut pas comme Louis l'avait désiré. Certes, il était enfin libéré de cet éreintant vacarme. Mais le silence qui le remplaça le terrorisa.
Cela lui causa une peur sans nom parce que ce silence apparut face à elle. Elle, qu'il avait tenté maintes fois d'imaginer. Elle, qui était tout pour son ami. Elle, pour qui ce dernier avait entrepris ce voyage.
Elle, pour qui il avait perdu la vie...
Quand Louis avait croisé ses pupilles de Jade, il s'était senti défaillir. Il avait ardemment désiré s'expliquer et s'excuser. Seulement, son esprit s'est vidé. Semblable à un puits sans fond, aucune parole ne put passer la barrière de ses lèvres. Engageant un combat contre sa propre personne, il se maudit en se voyant perdre de la sorte.
Mais le plus douloureux n'était pas cela. Ce qui le brisa fut cette lueur qui anima soudainement son regard emplit d'espoir. Une étincelle d'inquiétude. Face à cela, il sentit sa poitrine se déchirer avec violence, avec une brutalité qu'il n'avait jamais connue auparavant. Il se laissa tomber au sol, faisait fi de la douleur et implora son pardon. Inlassablement, il répéta ces paroles sans répit. Les larmes envahirent ses joues, lui rappelant sa faiblesse.
Quand les premiers sanglots de la jeune femme lui parvinrent, il sut que c'était la fin. Son ami était bel et bien parti. Jamais il ne reviendra. Leur amitié fut brève, mais emplit d'euphorie. Pourra-t-il rencontrer de nouveau un être avec qui il partagera une telle complicité ? Il en douta grandement. Mais il était bien trop tard pour les regrets...
Cet océan qu'il aimait tant avait englouti à tout jamais le seul qu'il considérait comme son ami...
******* ******
Louis ne sut jamais où il trouva ce courage, mais il était déterminé. Sa paume enserrait avec force l'objet qu'elle contenait, par crainte de le perdre, lui aussi. Arrivé au bout de cette falaise, il ne fut nullement surpris de distinguer une silhouette. Cette dernière, assise à même le sol, était recourbée et légèrement tremblotante. Il devina sans mal la cause de cela. Submergée par des sanglots, la jeune femme semblait inconsolable. Sans doute l'était-elle réellement.
Prenant une discrète inspiration, il s'approcha davantage, signalant ainsi sa présence par le bruit de ses pas. La noiraude se retourna et le jeune homme sentit une nouvelle vague de tristesse l'envahir. Le désespoir transparaissait avec une telle violence sur son visage, qu'il crut se heurter à celle-ci. Après un instant d'hésitation, il poursuivit son avancée vers Johanna. Sans un mot, il tendit son bras avant d'ouvrir avec délicatesse sa paume. À la vue de ce qui longeait dans cette dernière, ses sanglots reprirent de plus belle. D'une main tremblotante, elle récupéra l'objet avant de l'étreindre avec force.
Louis voulut repartir, quand la jeune femme laissa filer d'une voix fluette un remerciement. À l'entente de ce dernier, le roux serra les poings pour ne pas craquer. Une vive colère s'embrassa au fond de lui, le faisant imploser.
— « Merci » ?! Comment osez-vous me dire cela ?! N'avez-vous pas honte ?! Rugit-il avec force. Johanna resta penaude face à cette soudaine haine dont l'origine lui était inconnue. Je l'ai laissé mourir ! C'est ma faute ! Alors comment pouvez-vous me remercier, moi, son bourreau ?! Rétorqua-t-il, la gorge nouée par l'amertume. Ses yeux se mirent à briller, mais aucune larme ne dévala sa joue. Comment pouvez-vous me remercier ? Je ne le mérite pas... Finit-il par avouer dans un murmure.
– Qui étiez-vous pour lui ? Lui demanda-t-elle.
– Si tu as un pépin, n'hésite pas à venir me voir ! Déclara-t-il d'un sourire éclatant.
— Fais-en de même avec moi. Vu l'incompréhension peignant subitement son visage, le roux ne semblait pas prêt à entendre cela.
– Pourquoi donc ?
– N'est-il pas naturel de s'entraider entre amis ? Le jeune homme se mit à rire à gorge déployée, faisant ainsi ricaner le blond.
— Et bien cher ami, j'ai hâte de traverser les océans avec toi !
– Une simple connaissance. Répondit-il simplement. Face à sa réponse, elle hocha doucement la tête.
Louis fit volteface et disparut à l'horizon. Plus jamais il ne croisa le chemin de Johanna, et peut-être était-ce mieux ainsi. Seulement, le Destin aime nous ballotter. La noiraude est une exception, elle se souvient de ses vies précédentes. Mais lui ? Il ignore tout cela. Peut-être l'a-t-il croisé, ou bien la côtoie-t-il sans le savoir ? Pourquoi ne pas réunir deux âmes meurtries par la disparition du même être aimé ? Qui sait...
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Nous n'étions pas destinés
RomanceLe Destin, Voici un de ses nombreux mots dont le sens nous échappe aisément. Doit-on le rendre coupable de nos peines ? Ou protecteur de nos plaisirs ? Il est ardu de répondre n'est-ce pas ? Dans ce cas, laissez moi vous conter une histoire. L'histo...