XVI

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Juillet 1940

France


– Je peux vous aider ? Tressautant à l'entente de ces paroles, Alice fut éprise d'une soudaine confusion. Mademoiselle ? Apposant sa main sur son front, la jeune femme tenta de reprendre convenance.

– Excusez-moi, j'ai eu un moment d'égarement.

Ses précédentes pensées avaient été telles que la blonde avait perdu toute notion de temps. Jetant une œillade autour de sa personne, elle prit doucement conscience de son environnement. Peu à peu, les souvenirs lui revinrent ainsi que la raison de sa présence dans ce petit village. Orientant son regard vers son interlocutrice, Alice fut saisi par un violent soubresaut. La jeune fille qui lui faisait face était jeune, incroyablement jeune. Cette dernière ne devait pas excéder les seize printemps. Pourtant, elle semblait posséder une grande confiance en elle. Une qualité attribuée habituellement à ses aînées. Seulement, ce qui la marqua davantage fut ses yeux. Ses pupilles d'un orange chatoyant, d'un éclat à faire jalouser les plus belles parures. Des prunelles bien trop familières pour que la blonde puisse en apprécier la splendeur.

Ce subit changement d'expression causa une profonde incompréhension chez cette jeune fille. Qui donc était cette femme ? Elle s'était rendue à son domicile pour finalement rester ainsi figée de la sorte. Un comportement bien étrange qui fit naître d'innombrables interrogations dans son jeune esprit.

– Par hasard, seriez-vous venu pour mon oncle ? Dissipant définitivement ses réflexions, Alice se décida enfin à agir.

– Effectivement. J'ai appris que vous lui rendiez hommage en ces lieux.

– Je vais, sans dire, vous paraître intrusive, mais vous me semblez bien jeune pour le connaitre... Un doux sourire vint étirer ses lèvres, surprenant l'adolescente. Toutefois, la tristesse qu'il fit transparaître, elle, n'émit aucun doute. Il s'agissait là d'un chagrin pur. Je me nomme Mila et vous ?

« Mila », l'aimée du peuple, le miracle, nombreuses sont les significations de ce prénom. Toutes sont emplies d'espoir et d'amour, garantissant l'immensité de l'affection des parents pour cette enfant.

La blonde pensa amèrement que cela ressemblait bien à William. Pour lui, toute chose avait un sens. C'était à nous de faire preuve de curiosité et d'imagination pour comprendre. Comprendre tout ce que nous cache ce monde. La nature, les forêts, les rivières, les animaux, l'Homme. Tant d'éléments qui revêtent chacun une signification particulière. Rien n'est vain, tout a une utilité, un sens, un destin...

– Je vais prévenir ma grand-mère de votre arrivée. Que dites-vous de vous rendre dans son atelier en attendant ? Alice acquiesça, remerciant silencieusement la jeune fille pour sa considération.

Celle-ci disparut prestement derrière une porte, laissant à la blonde le loisir de se mouvoir à sa guise. Alice resta quelques instants immobile, incapable de trouver le courage de confronter cette pièce. Tant de souvenirs résidaient en ces lieux. Était-elle capable de leur faire face ? De ne pas s'écrouler devant leur force ?

Elle ne savait point. Toutefois, ce fut avec une démarche hésitante qu'elle débuta son ascension. Empruntant ce vieil escalier en chêne, la jeune femme reconnut chacun de ses craquements. Chaque planche émettait son propre écho, créant dès lors une rugueuse mélodie dont peu étaient les connaisseurs. Rare furent les personnes ayant eu l'honneur de se rendre dans cet atelier. Il se comptait sur les doigts d'une seule main. Pour pénétrer dans cette antre, il fallait avoir percé la carapace de son propriétaire. Une tâche ardue dont peu eut la témérité d'essayer.

Nous n'étions pas destinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant