XXIX

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Mars 1718

Jamaïque


Ce fut sous un paisible silence que l'astre lumineux se retira, laissant son compère prendre sa place. Elle se réfugia derrière l'horizon, illuminant une dernière fois l'étendue bleue de sa douce lueur. L'étoile fit son apparition, diffusant lentement sa lumière sur la ville encore endormie. En accord avec sa progression, cette dernière sortit doucement de sa léthargie et débuta les préparatifs pour cette nouvelle journée.

Les marins rejoignirent leurs inséparables rafiots et se mirent au travail. On les entendait déjà clamer haut et fort qu'une fois ces derniers en marche, ils partiraient découvrir le monde. Quels idiots... Leurs bijoux, comme ils aimaient tant les appeler ainsi, n'étaient que de vulgaires ruines dont personne ne voulait. Certains avaient même passé leur vie entière à les rafistoler, mais sans succès.

Leur femme se contentait de soupirer désespérément en constatant les vains acharnements de leurs maris. « Trouve toi un métier bien payé ! » leur répétaient-elles à longueur de journée, mais cela tombait systématiquement dans l'oreille d'un sourd. Tout ce qu'elles pouvaient faire était de convaincre leurs enfants de ne pas s'engager sur cette voie eux aussi. « Cela te mènera à ta perte » rabâchaient-elles avec un dédain non dissimulé.

Malgré tous leurs efforts, rien ne pouvait stopper l'admiration qu'ils nourrissaient à l'égard de ses marins, plus pécheurs pour la plupart. Notamment quand ils posaient leur regard encore enfantin sur les bâtiments nautiques qui débarquaient chaque jour sur le port. Ces chefs-d'œuvre d'architecture les fascinaient et les récits de leur équipage ne pouvaient que stimuler d'autant plus leur imagination. Il n'était pas rare, voire même courant, d'apercevoir une dizaine de bambins se réunir quotidiennement près des berges pour les observer.

Et puis, après tout, Port-Royal était connu pour cela. Le nombre de bateaux et de marchandises qui véhiculaient chaque jour en ce lieu se comptait en centaines, voire en milliers. Ce port mondialement connu n'avait plus de réputation à se faire, son nom était présent sur toutes les lèvres dès que l'on abordait le sujet des colonies britanniques.

La Jamaïque était une île parfaite pour les Anglais, que cela soit pour sa position géographique ou les ressources qu'elle leur apportait. En clair, c'était un lieu où absolument tout véhiculait. Les hommes, les bateaux, les marchandises et bien plus encore...

Parmi ces rues plus bruyantes les unes que les autres, il y avait une petite échoppe. Discrète, sobre, peu étaient ceux qui la remarquaient. Pourtant, dès que l'on passait la porte, on se voyait transporté momentanément dans un autre monde. Seul le titillement de l'horloge murale se faisait entendre dans ce lieu si silencieux. Cela contrastait tellement avec l'extérieur que l'on pouvait entendre nos oreilles soupiraient de plaisir.

Une armurerie. Voilà ce que cela était. Les nombreuses armes entreposées aux quatre coins de la pièce le prouvaient. Cette échoppe était loin d'égaler la taille de ses concurrentes, mais il semblerait que cela ne soit pas dérangeant pour le propriétaire. Une salle principale ainsi qu'une sorte de débarras, qui devait sans aucun doute être également son atelier, se trouvaient sur la gauche. De plus, si on se penchait légèrement, on pouvait apercevoir le début d'escaliers au fond de l'établi.

Cependant, ce qui attirait davantage l'attention des rares clients était les innombrables dessins accrochés à même le mur par de petits hameçons de pêche. Ces derniers, fait au crayon, ne possédaient aucune couleur, un matériel beaucoup trop onéreux, mais resplendissaient pourtant. On constatait clairement que ce travail avait été réalisé avec énormément de minutie et surtout de passion. On avait du mal à imaginer qui était l'auteur d'un tel travail. De plus, le propriétaire ne renvoyait pas cette image de délicatesse.

Nous n'étions pas destinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant