Ch. 9 : Service rendu

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Voilà deux jours que je me terre dans mon appartement du centre. Certains penseront que je me cache, je préfère imaginer que je me ressource ... Le temps maussade est en adéquation avec mon humeur. Je ne réponds ni aux mails, ni aux messages et encore moins aux coups de fils. La page d'accueil de mon ordinateur est bloquée sur la plateforme de Streaming, celle de mon téléphone sur ma playlist. J'oscille entre rêverie, réflexion profonde et prise de tête. Je vaque d'une pièce à l'autre sans jamais savoir exactement ce que j'y cherche. La seule chose à laquelle je m'accroche est le regard intense qu'il m'a lancé quand je l'ai quitté. Le visage du capitaine me hante. Bien évidemment, l'incident avec Jin me tourmente et celui avec la fille du major m'agace encore mais l'échange que Jungkook et moi avons partagé me laisse un goût amère d'inachevé, de curieux, qui m'oblige à ressasser cet instant durant lequel il ne s'adressait pas à la première classe T/N. Il s'est montré différent, il y avait une forme de révérence dans son attitude, de bienveillance et de profonde sensibilité. Je découvre un aspect impulsif de sa personnalité mais aussi très touchant. Il était arrivé en colère prétextant ne pas comprendre ma relation avec Jin et s'était finalement radoucit lorsque j'avais mentionné celle qui était sa fiancée. Je repasse en boucle notre discussion sans queue ni tête. Pourquoi le capitaine se comportait ainsi ? A quel moment avais-je piqué son intérêt ? Et surtout pour quelle raison ?

Installée dans un fauteuil du salon près de la vitre, je m'abandonne à la contemplation de la rue. La pluie n'a cessé de tomber depuis que je suis rentrée et les passants courent d'un trottoir à l'autre pour s'abriter. Les parapluies multi-colore égayent le bitume grisâtre et les enfants chaussés de bottes en caoutchouc sautent à pieds joints dans les flaques. Je me délecte de cette ambiance qui ramène mes souvenirs à cette journée durant laquelle Jin et moi avions parcouru la campagne coréenne pour récolter un tas d'insectes pour notre cours de biologie. Nous nous étions trop éloignés et la pluie nous avait surpris à plusieurs kilomètres de la caserne, nous obligeant à nous abriter dans un hangar abandonné. J'étais frigorifiée, trempée de la tête aux pieds, je grelottais mais Jin avait déniché de quoi nous faire un feu de camp et avait sorti de sa poche des barres de céréales pour caler nos estomacs en attendant que l'ondée cesse. Blottie contre lui, nous nous étions promis de toujours être présents l'un pour l'autre et hier j'avais failli à ma promesse en lui tournant le dos. J'attrape mon téléphone, prête à composer son numéro, je me rappelle qu'il ne sera probablement pas en mesure de me répondre. Je rédige en texto dans lequel je m'excuse de m'être enfuie. Je ne veux pas m'étendre sur le baiser que nous n'avons pas échangé, nul besoin de lui rappeler que je n'y ai pas répondu.

La nuit tombe et je rassemble déjà mes affaires pour demain. Ma permission prendra fin à 8 h 00 et avec elle la solitude et l'ennui. Je n'ai fait que cogiter et tourner en rond, dans quelques jours nous serons fixés sur la date de départ du convoi pour Cuba. Mon cœur s'affole à l'idée de bientôt mettre en oeuvre ma vengeance. J'avais récolté suffisamment d'information sur ce narcotrafiquant pour connaître mon sujet et savoir comment m'y prendre. Je n'avais plus qu'à me rendre dans cette jungle et mettre à exécution mon plan. Il est 22 h 00 quand je sors de la douche, je m'apprête à me coucher quand j'entends mon téléphone sonner. Je me précipite dans ma chambre où je l'avais abandonné. Je décroche sans prêter attention au numéro affiché et une voix que je ne connais pas m'informe que mon petit ami se trouve dans un bar du centre complètement ivre. Le barman m'avertit qu'il a confisqué son jeu de clés et qu'il veut bien attendre que j'arrive pour fermer son établissement. Je raccroche perplexe mais je réalise que l'adresse se trouve à deux rues d'ici.

J'enfile un jean et un paire de basket pour me rendre dans ce bar où semblerait-il mon petit ami m'attend ... Je dévale l'escalier, emprunte le grand boulevard à l'angle de ma rue et longe le trottoir. Dans la rue mal éclairée, je scrute le numéro des habitations pour me repérer et bientôt j'aperçois le néon criard d'une enseigne. Je cours jusqu'au bar dont les boiseries usés par les intempéries auraient bien besoin d'un vernissage. J'observe un instant les lieux et réalise que je ne sais même pas qui je suis venue chercher. Et s'il s'agissait d'une erreur ? Si le numéro enregistré était erroné ? Une seule façon de le découvrir ... je pousse la lourde porte et suis accueillie par une musique country d'une époque révolue. Je me dirige vers le comptoir pour m'adresse à l'homme qui s'évertue à astiquer le pied d'un verre à l'aide d'un chiffon à l'aspect peu reluisant.

Soldat JKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant