Ch. 44 : Embarquement

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Je suis parvenue à m'extraire de l'appartement de Jungkook, sans réveiller ce dernier. Désormais je roule à toute allure sur l'autoroute, au volant du pick-up que je lui ai subtilisé, pour me rendre à l'adresse indiquée. En pleine nuit, la circulation est fluide et les seuls phares que je croise sont ceux des gros bahuts qui livrent leur marchandise. Je ne connais pas le coin vers lequel je me dirige mais tout m'indique qu'il se trouve au bord de la mer puisque je roule en direction de Incheon. L'angoisse qui m'étreint depuis la réception de ce message met à rude épreuve mes nerfs. Les mains crispées sur le volant, je ne parviens pas à réfléchir de manière rationnelle, je suis sans cesse obnubilée par l'idée que Dan puisse kidnapper Seung et qu'il va s'en prendre à lui. Puis je me remémore les mots de Jungkook au sujet des légionnaires français et de leur respect pour les femmes et les enfants, je me rappelle combien il avait insisté pour que je ne me rebelle pas, pour que je reste docile. Il est vrai que malgré ce qu'il m'avait fait subir, Dan m'avait aussi donné l'opportunité de me débarrasser de Ramos. Je devais donc me montrer la plus malléable possible pour ne pas le contrarier et risquer de mettre Seung en danger. Lorsque j'empreinte la bretelle de sortie, je longe immédiatement l'océan et le paysage devient tout à coup plus paisible, j'entrouvre ma vitre pour sentir l'air iodée s'immiscer dans l'habitacle. L'odeur marine m'aide à me calmer et me renvoie à mes dernières vacances avec Seung durant lesquels nous avions profité d'un chalet prêté par Taehyung pour nous reposer en bord de mer. Une année s'était écoulée et jamais je n'aurais imaginé vivre la moitié de ce qui m'arrive depuis le retour de Jungkook dans ma vie. A l'idée douloureuse de cette vie qui m'échappe, mon cœur brûle dans ma poitrine et les larmes brouillent ma vue. Je gare mon véhicule le temps de reprendre mes esprits, je sors un instant et dirige mon attention vers l'eau pour admirer la valse lente des vagues qui lèchent le sable encore frais de la nuit. Mon regard se perd au loin et la vue de cette lune pleine qui se reflète m'émeut. Je voudrais immortaliser ce moment mais ma main cherche un téléphone que j'ai délibérément oublié sur la table de chevet. Au lieu du smartphone, elle rencontre son briquet, celui qu'il garde toujours sur lui, qui ne quitte jamais sa poche. J'aurais dû lui demander pour quelle raison il le garde alors que je ne l'ai jamais vu allumer une cigarette, j'aurais dû le faire tant qu'il était encore temps ... Je remonte en voiture pour achever ce parcours qui me mène droit dans les bras de mon bourreaux.

Lorsque je stationne le pick-up, un type à l'aire revêche se dirige vers moi. Il ouvre ma portière et m'extrait sans ménagement du véhicule. Il saisit mon bras et m'entraîne dans ce qui ressemble à une maison mais l'endroit mal éclairé ne me permet pas de visualiser correctement les lieux. Je me laisse guider à travers un dédale de couloirs dont les murs sont tous recouverts de crépis beige. La décoration est sommaire, le mobilier minimaliste, pas de fioritures, pas d'extravagances, seul le nécessaire semble résider entre ces murs. Mon geôlier nous arrête devant une porte sur laquelle il frappe deux coups. La voix reconnaissable s'élève pour le prier d'entrer. La porte s'ouvre sur une pièce baignée dans la clarté d'un lustre immense, les murs recouverts par des rayonnages de livres, un canapé et deux fauteuils en cuir brun encadrent une table basse en bois luisant. Le contraste avec le reste de la maison est saisissant et mon regard parcours chaque centimètre carré de cette bibliothèque avant de se poser sur lui. Ses yeux bleus brillent d'un éclat surprenant, l'intérêt qu'il me porte est à la fois malaisant et terrifiant. Il se redresse pour venir à ma rencontre et prier son homme de main de nous laisser. Son haleine mentholée glisse sur ma joue comme le tranchant d'une lame aiguisée, glacée et effrayante. Il ne dit rien, se contentant de me tourner autour comme un vautour sur sa proie. Mon cœur cogne dans ma poitrine et la peur me saisit mais je réussis à contrôler mon anxiété et ne rien laisser paraître.

- Je suis ravi de vous revoir, susurre-t-il à mon oreille.

Un frisson d'effroi me parcours, il s'en aperçoit et son regard s'allume d'une lueur amusée.

Soldat JKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant