Chapitre 6 - Julia

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- Tu ne dis rien ma belle? Qu'est ce qui ne va pas? C'est Karl? Il t'a encore frappé.

- Non, non, je mens. Je suis juste fatiguée, Karl ne me laisse aucun répit. J'ai l'impression d'être une esclave, c'est usant.

- Pourquoi tu le laisses te traiter ainsi? Tu sais que tu vaux mieux que ça, tu mérites mieux. On se moque de ce que les femmes Hendrix en pensent. Moi je te le dis, tu es belle, forte et intelligente et tu t'en sortiras mille fois mieux sans cet abruti qui te maltraite. J'ai une chambre pour toi ici, tu sais?

Mes yeux se remplissent de larmes sans que je ne puisse les contrôler. Karl est de plus en plus violent depuis que je travaille à la prison du comté. Il me rabaisse un peu plus à chaque fois et marque mon corps comme il ne l'avait encore jamais fait. Je boite depuis hier et me demande même si je n'ai pas une côte fêlée.

Les deux hommes qui m'ont agressé ne sont plus revenus à mes cours, LeatherFace non plus d'ailleurs et ça m'attriste sans que je ne me l'explique. Il me fait pourtant aussi peur que les 2 autres. Alors pourquoi je n'arrête pas de penser à lui?

Mon amie me prend dans ses bras et j'y trouve un peu de réconfort. Je ne sais pas comment je vais tenir si Karl continue ainsi. Je devrais partir mais à quoi bon? Personne ne voudra plus jamais de moi et je ne veux pas être un fardeau pour la seule personne qui a un peu de considération pour moi.

Le lendemain matin je me gare sur le parking du centre pénitencier. Je soupire résignée et m'extirpe avec difficulté de la voiture, mon flanc me lance vigoureusement à chaque inspiration. C'est Sean qui me seconde aujourd'hui. Il est aussi gentil que Paul, quoi qu'un peu lourd sur les bords. Je lui ai dit que j'étais en couple mais il ne se démoralise pas.

Je m'installe en silence à mon bureau, je salue mes élèves en sortant les dossiers que j'ai préparé. Lorsque je lève enfin les yeux, je percute les siens. Il est là. 5 jours sans le voir. Et il est là. Ses mains écorchées sont posées sur sa table.

- Sean? On avait dit plus de menottes, non?

- Oui M'dame, mais LeatherFace a joué les gros durs hier alors on reste prudent.

- S'il te plaît, on avait dit que c'était ok. Puis ce n'est pas comme si ça servait à quelque chose sur lui...

Je me rappelle la force émanant de lui lorsqu'il a brisé sa chaîne sans une once d'effort. Un sourire en coin étire ses lèvres, pourtant ses yeux me foudroient toujours comme s'il s'apprêtait à m'étrangler. Sean le détache et je me lève en grimaçant. Après avoir distribuer du travail à tout le monde, je m'approche de Dan avec un dossier un peu plus gros.

- J'ai fait des recherches, on va pouvoir te monter un dossier en béton, je lui annonce avec un sourire.

- Tu es géniale gamine, merci.

- Je t'en prie. Tiens là, il y a les différents courriers que tu dois adresser à l'administration pour récupérer les rapports qui composent ton dossier ici. Ensuite, on remplira la demande ensemble.

- Ok, je vais commencer à rédiger tout ça, soupire t il.

- Je jetterai un œil dessus avant que tu ne les envoies si tu veux?

- Et personne ne t'as encore épousé? C'est affligeant, rigole t il alors que je m'empourpre.

Je continue le tour de la salle, j'aide Pablo et Izan à répondre à des courriers, Caleb et Roy me demandent de l'aide sur des exercices d'algèbres qu'ils doivent intégrer pour leurs examens. Une fois que tout le monde est en route, je lève les yeux vers lui. Il suit chacun de mes mouvements et cela me met mal à l'aise. J'ai l'impression d'être passée au scanner. Je dépose le test toujours vierge devant lui.

- Sans ça, je ne vais pas pouvoir t'aider.

- Ton nom?

- Pardon?

Je le regarde interloquée.

- Je veux ton nom.

- Commence par le tien, je riposte en croisant les bras sur ma poitrine.

Ses sourcils se froncent légèrement sous la contrariété, personne ne fait attention à nous à part peut être Dan qui nous jette des regards discrets.

- Qui t'a fait ça?

Mes mâchoires se crispent, il sait.

- Pourquoi tu es là? je riposte à nouveau.

Il souffle bruyamment avant de prendre le test devant lui. Il rédige rapidement quelques réponses et me le tend brutalement. Je survole la feuille.

- Il manque toujours ton nom.

Il reprend son stylo et hésite une seconde sur ce qu'il doit écrire. Je connais son surnom mais ce n'est pas ce que je veux et il le sait. Il finit par griffonner quelque chose rapidement avant de pousser la feuille vers moi. Je pose mes yeux sur la case "nom et prénom" en face duquel il a écrit "toi d'abord". Je soupire alors qu'il sourit.

- Pourquoi? je lui demande tout de même intriguée.

Je ne vois pas bien ce qu'il pourrait faire de cette information. A moins qu'il ait des contacts à l'extérieur, mais il ne serait de toute façon pas difficile de trouver le nom de la seule enseignante du centre pénitencier!

- Hendrix, je capitule.

Il hoche la tête et écrit "Tom". Je contemple ces 3 lettres comme si elle était la révélation la plus précieuse qu'on m'ait jamais faite. C'est niais, je sais, mais c'est ce que je ressens. Je me doute qu'ici personne n'ose l'appeler ainsi. L'associer à un personnage du cinéma horrifique aussi emblématique que LeatherFace est sûrement bien plus impressionnant. Je vois le comportement différent des détenus en sa présence, même des gardiens. Si les premiers sont plus tendus, les seconds sont plutôt soulagés. Il impose le respect entre ces murs et a gagné la confiance des gardiens. Je reste pourtant sur la réserve, je n'arrive toujours pas à savoir s'il compte me tuer ou me protéger. Ses yeux sont si noirs lorsqu'ils se posent sur moi que je pourrais mourir en un éclair. Son comportement ambigu et ses paroles n'arrangent rien.

Je retourne à mon bureau afin de corriger sa copie. Non seulement il l'a rempli bien plus vite que les autres mais en plus de cela toutes les réponses sont correctes. Il n'a répondu qu'aux questions de niveau supérieur, ne s'embêtant pas avec des problèmes plus faciles.

Cet homme qui m'intrigue tant est à la fois calme, rapide, brut et particulièrement intelligent. Je comprends pourquoi il est l'un des rois ici. Il n'agit qu'après avoir étudié chacune des possibilités à sa disposition. Je me demande bien pourquoi il est ici. Nous sommes dans une prison qui n'accueille que des lourdes peines, donc que des crimes atroces. Ce rappel me fait frissonner.

Ce soir là lorsque je rentre chez moi, c'est avec surprise que je découvre un homme appuyé contre une voiture face à ma porte d'entrée. Je comprends alors que j'ai surement fait la plus grosse erreur de ma vie en confiant mon nom à Tom. Son apparence m'arrache un frisson d'horreur. Tatoué de la tête aux pieds, une carrure de boxeur et son visage totalement imberbe lui confère cette aura maléfique. Son crâne tatoué d'une tête de mort terrifiante se tourne vers moi à mon approche. Un sourire étire ses limbes alors qu'il se redresse pour m'accueillir.

- Salut, dit-il joyeusement, t'es Julia?

- Euh... non désolée, je tente de mentir maladroitement alors qu'il éclate de rire.

- Détends toi je vais pas te bouffer. Tiens, j'habite pas loin. Tu m'appelles si tu as besoin de quoique ce soit, ok? Je m'appelle Marco, au faite.

Je regarde le morceau de papier qu'il me tend sur lequel est inscrit des numéros, son numéro. Je fronce les sourcils d'incompréhension. Pourquoi est-ce qu'il me donne son numéro? Qu'est ce qu'il me veut?

- Ecoute, je peux pas te dire grand chose de plus. Mais, si tu as besoin d'aide après ... une marque d'affection un peu trop ... grande. Je serai là en moins de 5 minutes.

Il s'approche alors que je suis tétanisée et glisse son numéro dans ma main, son sourire toujours collé sur son visage étrange. Ce Marco disparaît à l'angle de la rue alors que je prends soin d'enregistrer son numéro dans mon téléphone sans même hésiter une seconde.

Au delà des apparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant