Chapitre 25 - Julia

1.2K 83 3
                                    

Dans les rayons du supermarché, mon père ne cesse de me jeter des regards en coin. Si cela m'amusait au départ, ça finit par m'agacer. Je me plante face à lui et lui demande ce qui ne va pas.

—  Il te plaît vraiment ce garçon?

Oui, non, peut être, je ne sais pas. A la place je reste la bouche entrouverte, incapable de lui donner une réponse.

— Tu penses que c'est une erreur, n'est ce pas?

— La dernière fois, je n'ai pas été honnête avec toi et ça t'a conduit à me mentir sur ce qu'il te faisait subir. Alors cette fois, je ne mâcherai pas mes mots. Je me méfie de lui. Il sort tout juste de prison, pour un crime terrible et après ce que Karl t'a fait subir je ne suis pas sûr qu'il soit le compagnon idéal. Par contre ... son comportement envers toi en ma présence a été exemplaire. Alors, veilles à ce qu'il te traite de la même manière lorsque vous êtes seuls. Si son comportement diffère, promets moi de t'éloigner, d'accord?

— Et s'il est encore plus doux, patient, attentionné et gentil lorsqu'on est seuls? 

— Alors c'est l'homme idéal, rigole t il. C'est le cas?

— Peut être bien ... nous n'avons pas encore eue l'occasion d'être souvent seuls. 

— Tout ce que je veux c'est que tu sois heureuse et traitée comme une reine ma puce, conclut il en déposant un baiser sur ma tempe. Peu importe ce qu'il a fait ou d'où il vient.

— Tu vas vraiment l'embaucher au garage?

— J'ai besoin de main d'œuvre, le planning est plein. Mais je ne compte pas lui faire de cadeau, qu'on soit bien d'accord. 

— Merci Papa. 

On finit nos achats dans une ambiance plus légère et j'abandonne mon père qui va passer l'après midi à cuisiner. A peine arrivée chez moi, je découvre Tom sur le porche de notre immeuble. Il sourit en m'apercevant. Nous avions RDV dans une heure mais je suis heureuse de le voir. J'avais peur qu'il ne me fasse faux bond et je sais que je n'y arriverai pas sans lui. Mais il est là ...

— Tu veux y aller maintenant? 

Je hoche la tête et nous montons directement dans sa voiture. Le trajet se fait en silence. Je regarde le paysage défilé lentement devant mes yeux et mes souvenirs m'assaillent. J'ai récupéré ma clé USB contenant des photos que Molly m'avait obligé à faire. J'espère que ces preuves m'aideront à monter un dossier en béton contre Karl. Parce qu'il mérite de croupir en prison et pour protéger les suivantes. 

Une fois sur la parking, Tom coupe le moteur et se tourne vers moi. Je n'arrive pas à bouger. Je fixe les portes face à nous mais je reste assise, incapable de sortir.

— Julia?

Ma respiration devient difficile. 

— Julia?, insiste t il.

Ma vision se floute, brouillée par mes larmes qui inondent mes yeux.

— Julia, tu vas y arriver. Tu es bien plus forte que lui. Tu en es capable. 

— Je peux pas ... je ... 

— Julia, regarde moi. 

Sa main se pose sur ma joue, attirant mon regard vers lui. 

— Je ne viens pas avec toi, souffle t il.

— Quoi? Mais ... 

La panique s'empare de moi, mon cœur s'énerve contre mes côtes.

— Julia. Tu entres et tu leurs dis tout, absolument tout sans exception, d'accord? Si j'entre avec toi, je vais fêter les 20 prochains Noël avec Dan et James. Mais surtout, je ne veux pas que tu crois que tu y es arrivée parce que j'étais là. Tu en es capable, tu vas y arriver. Vas y, Julia.

Il ne cesse de répéter les mêmes mots. Comme Karl le faisait. Seulement, les mots de Tom sont plus forts et plus puissants. Je suis capable. Je suis forte. Je vais y arriver. Il me le répète encore et encore jusqu'à ce que mes larmes cessent et que je sorte enfin de sa voiture. C'est tremblante que je franchis la porte du commissariat.

Deux heures plus tard, je ressors éreintée. Tom est appuyé contre le capot de sa voiture, son pied frappant le sol à intervalle régulier. Il se redresse en me voyant sortir.  

— Alors?

— Ils ne me croient pas ... Je n'ai pas fait constaté mes blessures par un médecin et mes photos seules ne peuvent être prise en compte. Ils ont quand même pris ma plainte et vont l'entendre mais il y a très peu de chance que cela mène quelque part ... 

Tom fulmine, il ne cesse de grogner comme un chien enragé, ses poings serrés si fort que ses jointures blanchissent. Il commence à faire les cents pas devant moi pour tenter de se contenir, il me donne le tournis. Je pose ma main sur son bras ce qui le stoppe instantanément. Alors, il se tourne vers moi et fait quelque chose qui me surprend. Il s'approche et me sert dans ses bras avec force. Je me sens oppressée mais il ne relâche pas son étreinte.

— Je suis fier de toi, Julia. 

Je craque en entendant ces mots et m'effondre en larmes contre lui. Il reste de longues minutes à caresser mon dos avec douceur, attendant patiemment que je me calme. 

Il me raccompagne chez moi. Je reste silencieuse et pensive. Est ce que je regrette de ne pas l'avoir fait plutôt? Oui. Est ce que je suis fière de l'avoir tout de même fait? Oui. Est ce que je suis fière d'y être arrivée seule? Mille fois oui. Tom avait raison, ça place n'était pas à mes côtés dans cette salle. J'avais besoin de sentir que oui je suis forte, oui j'ai eue le courage de parler, oui j'ai pu y arriver. 

Nous sommes seuls dans mon appartement. Il est prévu que Marco et Molly nous retrouvent directement chez mon père. Je lui propose un café, mais comme à chaque fois, il me surprend. J'oublie que je ne suis pas une esclave, que je ne suis pas une moins que rien, que j'ai le droit d'exister et de penser à moi.

— Va te détendre sous la douche Julia. Je peux me faire un café tout seul, sourit il. On doit partir dans moins de 2 heures, remarque t il en fixant l'horloge de la cuisine. Tu es quel genre de nana?

Sa grimace me fait pouffer de rire et je hausse les épaules en l'abandonnant dans la cuisine. Je l'entends marmonner des choses inintelligible et prends tout mon temps pour me préparer. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai envie d'être jolie et j'ai envie de plaire à un homme. Mais cela me terrorise presque autant que ça m'excite. Est ce qu'il ne va pas se faire des idées? Peut être va t il penser que je veux coucher avec lui? Est ce que j'en ai envie d'ailleurs? Quelle question! Et lui, est ce qu'il en a envie? Je me regarde dans le miroir et vois tout ce que Karl détestait. Ma poitrine un peu trop généreuse, mes hanches trop larges, mes poignets d'amour, mon nez en trompette, mes joues rondes. Stop! Je dois arrêter de penser à lui. Il fait parti de mon passé et je dois avancer. J'attrape ma trousse de maquillage et dessine le contour de mes yeux. 

Le regard qu'il pose sur moi lorsque je franchis à nouveau le seuil de la cuisine m'arrache un délicieux frisson. Je crois qu'il me trouve jolie...

 

Au delà des apparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant