Chapitre 19 - Julia

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Je suis en train de terminer de préparer le dîner quand Marco nous rejoint. Il embrasse Molly avant de me saluer. Quelque chose cloche, il est pâle et son éternel sourire de psychopathe a disparu.

— Il y a un problème? je lui demande anxieuse. C'est Tom?

— Tout va bien, j'ai juste pas mal de boulot.

Son regard fuyant ne me trompe pas. Il nous cache quelque chose depuis 3 jours. Le fait qu'il ne dise rien ne fait qu'accentuer mon inquiétude. Malheureusement, je ne peux rien savoir au sujet de Tom. J'ai essayé, en vain. Le directeur a ordonné qu'aucune information ne me soit transmise. Je lui ai écrit, mais mes lettres m'ont été retournées sans même avoir été ouverte, ce qui signifie que là aussi le directeur s'est arrangé pour me bloquer, puisque le courrier de chaque détenu est ouvert et contrôlé avant de lui parvenir. 

— On dort chez toi ce soir? roucoule Molly dans le cou de son nouveau petit ami.

— Euh ... non pas ce soir. J'ai ... j'ai pas fait le ménage. Ca t'embête si on dort là?

Molly le regarde surprise mais acquiesce sans faire plus de commentaire. Généralement, ils ne dorment jamais deux soirs de suite ici, pour préserver mes chastes oreilles et profiter des débuts prometteurs de leur couple. 

— Ok, comme tu veux. On sort? Ca fait une éternité qu'on n'est pas allé boire un verre en ville. Ca te dit Julia?

— Pourquoi pas.

Mon amie saute de joie comme un farfadet en mettant la table. Je ne suis presque pas sortie depuis ma rupture avec Karl. Au départ, j'avais surtout peur de le croiser, aujourd'hui je ne m'en inquiète plus et moi aussi j'ai besoin de décompresser. Enfin, j'ai surtout besoin de penser à autre chose que lui. Les jours et les semaines se sont enchaînés, je n'ai pas de nouvelle et n'ai aucun moyen de le contacter en dehors de Marco, qui ne me dit absolument rien, surement parce que Tom le lui a demandé. Donc après tout, s'il ne veut ni me voir ni me parler, pourquoi je resterais enfermé! Marco n'a pas l'air emballé par l'idée mais après avoir dîner, nous nous préparons et direction le centre ville pour trouver un bar ambiance pas trop bondé.

Après une longue négociation, Molly m'a convaincu. Pour l'occasion j'ai mis une robe pull bordeaux qui m'arrive à mi cuisse avec des collants et des bottes en cuir noirs. L'ambiance au bar est un peu trop lourde à mon goût mais Molly et Marco semblent s'amuser alors je ne dis rien et fais plaisir à mon amie. Au bout d'une heure à enchaîner les cocktails, Molly est plus que joyeuse et ne cesse de se trémousser sous le regard amusé de Marco qui a le don de faire fuir tout le monde autour de lui. Son allure détonne avec le style du bar ce qui est plutôt marrant. 

Lorsque mon amie vient me tirer par le bras pour aller danser, je me laisse faire. Mais une fois debout, je me rends compte que j'ai peut être aussi un peu trop bu. Maintenant debout, ma tête tourne et j'ai l'impression d'être en train de flotter sur un petit nuage qui ne cesse de tressauter et prêt à se retourner à tout moment. Molly continue à sauter et chanter à tue tête et je me laisse entrainer sur les rythmes électronique qui raisonnent un peu trop fort. 

Des hommes se reprochent de nous et je me sens vite étouffer dans mon espace vital alors que Molly n'y prête pas attention. Ils sont à un bon mètre de nous mais j'ai quand même la sensation d'être oppressée, il y a trop de monde, trop d'hommes, trop de bruit, trop de tout. Ma respiration s'accélère et ma tête tourne de plus en plus, je sens une crise d'angoisse pointer le bout de son nez. Je ne sais pas si les autres s'en sont rendus compte mais bizarrement tout le monde s'écarte de moi et me regarde avec un drôle d'air. Molly me demande si ça va mais je n'arrive pas à répondre, il faut que je sorte, j'ai besoin d'air. Je recule en secouant la tête pour lui signaler que non ça ne va pas, mais je trébuche. Deux bras puissants viennent se poser sur ma taille pour me stabiliser, je trésaille et fais volte face. Je suis obligée de fermer les yeux une seconde le temps de reprendre le contrôle, quelle idée de se tourner si vite. 

Quand j'ouvre les yeux, je crois rêver ou plutôt cauchemarder. Il est complétement défiguré, son œil gauche est complètement fermé, un hématome noir et gonflé le recouvre. Son nez est gonflé, sa lèvre et sa pommette fendue. Et puis sa posture ... il est complétement voussé, ratatiné sur lui même. Pourtant il sourit et son œil valide détaille ma tenue avec une assurance qui a dû le quitter il y a plusieurs jours pourtant... 

Ma main tremblante vient effleurer sa joue, son œil, sa lèvre. Il est là ... 

— Tu es sorti, je murmure.

Je suis sûre qu'il n'a pas entendu avec la musique mais son œil fixe mes lèvres et il comprend.

 — Je suis sorti, confirme t il.

— Et tu es là ...

— Et je suis là, répète t il amusé.

— Je vais vomir.

— C'est pas vraiment ce que j'imaginais comme premier échange mais soit ... se moque t il avant de poser son bras dans mon dos pour me guider vers les toilettes. 

Je n'arrive pas à le quitter des yeux sur le trajet qui me paraît beaucoup trop court même si mon estomac proteste de plus en plus. Une fois devant les sanitaires, il me lâche mais je continue à le fixer.

— Je ne vais pas m'envoler Julia. 

— C'est bizarre comme hallucination, je remarque à voix haute alors qu'il se gausse avant de grimacer de douleur. 

J'entre dans les toilettes et me rafraîchit le visage. L'eau me fait un bien fou et j'en bois de longue gorgée avant de me regarder dans le miroir. Je ne ressemble à rien, mes yeux sont injectés de sang, mon maquillage a bavé et je jure avant d'essayer de rectifier la catastrophe. Je commence à pleurer en voyant que je n'arrive pas à enlever les traces de mascara sous mes yeux. Mes larmes ne font qu'accroître le désastre et je pleure de plus belle.  

— Julia? Tout va bien? Ca fait un éternité que tu es ... Qu'est ce qui ne va pas Princesse?

Je gémis et cache mon visage de mes mains, honteuse. Je sens la chaleur de son corps qui irradie près du mien et je pleure un peu plus. 

— Eh, qu'est ce qui t'arrive? me demande t il avec douceur. 

Ses doigts s'enroulent sur mes poignets pour écarter mes mains et je le laisse observer la catastrophe, les yeux fermés.

— Julia, regarde moi. Pourquoi tu pleures? 

— Je suis moche, je me lamente en montrant mon maquillage qui a coulé partout me donnant un air de panda dépressif.

Voyant qu'il reste silencieux, j'ose un regard vers lui et reste bouche bée face à sa réaction. Ses joues sont gonflées, ses lèvres pincées puis il finit par éclater de rire. Moi, je suis perdue et vexée. Je sors en bousculant son épaule au passage. Il me rattrape dans le couloir, hilare.

— Attends, ne pars pas. Julia, s'il te plaît. 

— Tu te moques de moi, je lui fais remarquer.

— Mais enfin, tu m'as bien regardé? Tu crois que je suis en position de faire une remarque quelconque? Je devrais déjà m'estimer heureux que tu m'ais reconnu, réplique t il avec une grimace. Et puis, tu es très jolie ce soir. C'est ta réaction qui m'a fait rire et peut être ton air de panda aussi ... non mais attends, je rigole, Julia! 

Je cours presque jusqu'à l'extérieur dans l'espoir de le fuir, mais soyons honnête mon état ne me permet pas de marcher trop vite alors je lui fais à nouveau face. Il rigole toujours autant, je soupire. 

— Je te ramène? propose t il.

Je hoche la tête avant d'aller prévenir Molly et Marco. Je suis Tom qui me fait monter dans une voiture que je ne connais pas et qui prend une route que je ne connais pas non plus. Pourtant, je n'ai pas peur, surement la faute aux cocktails. Je somnole contre la portière jusqu'à ce que la voiture s'arrête face à un petit immeuble. Il vient ouvrir ma portière et passe son bras autour de ma taille. Je monte les escaliers avec difficulté parce que mes pieds ne répondent plus aussi bien à mon cerveau. Tom lui se crispe à chaque marche, il souffre de toute évidence. 

— Qu'est ce qui t'est arrivé?

— Longue histoire ...

 

Au delà des apparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant