𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝑜𝓃𝓏𝑒

1.2K 97 41
                                    






"Moi si j'étais un homme, j'aurais pas peur de t'aimer."

Voleuses, Mélanie Laurent, 2023







𝒩𝑜𝓇𝒶𝒽

       
𝕴e préférais définitivement la conduite de Dax à celle de Shane.

Les carrures imposantes du blond et de son collègue, Salim, m'écrasaient. Installés sur la banquette arrière d'un 4×4 noir, je pouvais dessiner le profil d'Asia depuis la place où j'étais. Ses longs cils recourbés bordaient des yeux las d'un vert émeraude qui fixaient la route. Son nez droit graciait son visage et ses lèvres rebondies étaient martyrisées de temps à autre entre ses dents. L'idée de cette rencontre ne l'enchantait pas vraiment, c'était facile à deviner.

Mais après tout, est-ce que quelque chose rendait cette femme de bonne humeur ? J'aurais eu tort d'espérer que le temps allait rendre notre accord plus agréable. C'était visible chez elle et dans le comportement de ses hommes qu'elle était comme ça depuis longtemps, et que j'étais loin d'être le miracle qui allait modifier ce revêtement exécrable qu'elle abordait.

Je ne lui avais rien fait, et je n'avais rien voulu de tout ça. Si elle devait détester quelqu'un pour cette situation, ce n'était sûrement pas moi.

— Tu vas me fixer encore longtemps ? me surprit-elle.

Je détournai vivement le regard vers la fenêtre alors que Salim lâcha un rire sur la réserve. Je ne trouvais rien d'amusant dans cette situation.

Lors du trajet, j'avais écouté d'une oreille craintive les discussions entre eux et quelques sous-entendus avaient confirmé mes angoisses : les hommes que nous allions rencontrer ce soir n'étaient pas des enfants de chœur amoureux de la loi. J'aurais pu m'y habituer avec ce que je vivais déjà au bar, me faire à l'idée que l'illégalité était mon accompagnatrice pour encore un bon bout de chemin, mais les formes d'armes que j'avais repérées sous leurs ceintures ne m'avaient en rien rassuré. J'ai même cru que j'allais dégobiller.

Un nœud se forma dans mon estomac et j'analysai ce qui pouvait mal se passer ce soir. Tout. Voilà la réponse, elle n'était pas plus compliquée que ça. Qu'est-ce qui m'avait convaincu que je pouvais berner des hommes d'affaires qui voyaient des femmes de leur monde passer toute la journée ? J'allais nous planter, et si l'un de leur collègue ne me mettait pas à terre avec ça, Asia le ferait sûrement et me massacrerait pour avoir fait foirer leur plan.

Pourquoi tout ça était tombé sur moi ?

— Elle a la tremblote, la blondinette, patronne, dit Salim.

Dans l'instant qui suivit ses paroles, je cessai les mouvements frénétiques de ma jambe. Le regard sombre d'Asia se croisa avec le mien et je devins assurément écarlate. Elle fouilla dans sa poche, alluma une cigarette et me la donna en ouvrant sa fenêtre.

Je reléguai ma panique à ma manière de fumer, me calmant un peu au cours du trajet jusqu'à la place où se tenait la réunion.

Le parking était désert.

Un immense terrain circulaire de béton cousu de ligne blanche pour démarquer les places. Au centre de cette place se distinguait un imposant dôme malgré la nuit d'un bleu marine. La teinte du ciel s'accordait bien avec celle de l'édifice.

Si les hommes d'Asia quittèrent le véhicule dès que le frein à main fut relevé, je n'en fis rien. Tétanisée contre la banquette arrière, le regard rivé sur le bâtiment au travers du pare-brise, je fus incapable de bouger d'un cil.

𝐀𝐁𝐘𝐒𝐒𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant