𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝒽𝓊𝒾𝓉

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"La mort dérange, on ne l'aime pas et lorsqu'elle se présente on préfère toujours qu'elle s'établisse assez loin de nos yeux."

L'âme du mal, Maxime Chattam, 2002







𝒩𝑜𝓇𝒶𝒽

𝕷e sol de mon appartement ne m'était jamais apparu tant insalubre qu'aujourd'hui. Et je n'avais jamais remarqué que mon plafond portait les attraits évidents d'une fuite d'eau provenant de l'étage du dessus, incrustant des ombres de moisissures.

C'est en escaladant ma cuisinière avec l'espoir vain de découvrir ces fameux micros qu'avaient évoqués Shane que j'avais aperçu des tâches grisâtres qui empestait l'amiante. Une quinte de toux ne me lâchait plus depuis cette découverte. Et la chaleur asséchant ma gorge ne m'était pas d'une grande aide.

Deux jours s'étaient écoulés depuis que j'avais mis un pied dans cet immense palais, et depuis, le monde ici m'apparaissait d'autant plus terne qu'il ne l'avait jamais été.

L'opulence qui s'en était dégagée avait réduit mon appartement à un tas de débris poussiéreux et infâmes. Ce n'était pas un lieu rendu charismatique par sa vétusté. C'était la pauvreté dans un huis clos. Bienvenu dans le spectacle de ma vie. Celui qui crève en premier a gagné la paix pour l'éternité.

La fin de matinée déployait ses rayons aveuglants dans tout mon appartement, jusqu'aux recoins de ma salle de bain. Les cernes creusés, le teint blafard, les lèvres gercées. J'examinai mon visage et les contusions sur mon corps. On ne m'avait jamais autant sali que ces derniers jours.

Ces blessures pansées par une dernière vieille bande de gaze qui trainait au fond d'un placard s'étaient néanmoins révélées utiles. Elles me donnaient la parfaite excuse pour ne pas traîner au bar pendant quelques jours, le temps d'inventer un bobard à Adeline qui expliquerait mon revirement de carrière.

Toute cette situation était insensée. Je crois que j'espérais que tout cela ne soit qu'un pur produit de mon imagination. J'espérais qu'aujourd'hui, personne ne me suivrait en voiture, personne ne toquerait à ma porte, personne ne reprendrait contact avec moi. Qu'ils allaient m'oublier. Passer à quelqu'un d'autre...

Mais non.

On frappa à ma porte.

J'hésitai un moment. Pour la première fois depuis que j'habitais ici, je croisai les doigts pour entendre mon propriétaire vociférer n'importe quoi depuis le couloir.

Norah.

Je balançai ma tête en arrière, râlant en direction du plafond. Ce n'était pas mon propriétaire.

— J'arrive, soupirai-je.

Mes jambes me portèrent jusqu'au pavillon. De là, j'ouvris la porte.

Il ne me laissa pas le temps de dire quoi que ce soit. Avec une veste de tailleur beige accrochée sur lui, les mains dans les poches, Shane me détailla de haut en bas et grimaça de dégout.

— Bon sang mais c'est quoi ce torchon que t'as mis sur toi ?

Il faisait référence à la dernière vieille bande de gaze usée que j'avais dénichée dans ma salle de bain. Je n'avais plus que ça. Et c'était très bien... taché de sang, mais très bien.

— C'est infâme, Norah.

— Bonjour également.

Il frotta le bas de son visage dont ses lèvres, m'examinant comme si j'empestais.

𝐀𝐁𝐘𝐒𝐒𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant