𝓅𝓇𝑜𝓁𝑜𝑔𝓊𝑒

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... 𝕷𝕖 𝕻𝕒𝕝𝕒𝕚𝕤,
𝕰𝕥𝕒𝕥𝕤-𝖀𝕟𝕚𝕤 𝕕'𝕶𝕞𝕖𝕣𝕚𝕢𝕦𝕖 ...







𝕷es rideaux étaient sans cesse clos dans son bureau. Tirés sans laisser passer ne serait-ce qu'un brin de luminosité extérieure, l'isolant d'un monde qu'elle méprisait davantage que sa propre réalité.

C'était dans la plus profonde des pénombres qu'elle parvenait à éclaircir ses idées. Paradoxal peut-être, mais la surcharge de pensées importunes, de cris, de supplications, de déchirements de chair fraiche et de larmes tièdes avait pour idéal un lieu où la lumière et le bruit étaient proscrits.

Ce soir tout particulièrement, elle avait ce besoin irrémédiable de faire le point sur les choses qui se préparaient.

L'unique source de lueur de la pièce provenait d'un fin et haut luminaire sur pied déposé dans un angle des murs à la tapisserie maronne. Les réverbérations de teintes chaudes et ocres se déployaient avec réserve sur chaque meuble en acajou qui emplissaient la salle, s'amoindrissant pour les plus éloignés. C'était une luminosité discrète qui lui permettait de distinguer la cible peinte sur le mur opposé.

Devant elle, son bureau était quasiment vide. Une imposante plaque de bois sombre ayant pour seul matériel un téléphone fixe qu'elle avait débranché il y avait bien longtemps déjà.

Assise sur son large fauteuil en cuir noir, un de ses bras était en appui sur l'accoudoir métallique tandis que l'autre se déployait pour envoyer valser une fine dague en acier.

La lame fendit l'air et se vit arrêter sa course en plein milieu des cercles tracés par une peinture d'un noir charbon qui avait coulé avant de sécher. Juste à côté, la porte s'ouvrit sur son bras-droit.

Le type manquait de sommeil, c'était visible sous ses cheveux clairs. Les cernes sous ses yeux laissaient une épaisse ombre cendrée et sa barbe se devait d'être taillée au plus vite.

Il était conscient que lorsque sa supérieure s'isolait ici, il fallait être prudent avec les mots et les gestes, et ne venir la déranger dans son silence que pour des nouvelles prometteuses. C'était le cas, cette fois-là, mais il craignait tout de même sa réaction, car la situation en elle-même était délicate.

Il annonça :

— Je l'ai trouvée.

Il vit passer sur ses iris verts ce voile si coutumier à sa patronne. Un voile qu'il avait vu pour la première fois à une époque désormais révolue, dont il était formellement exclu d'aborder, dans une sinistre ruelle qu'il lui était impossible d'oublier.

— Alors qu'est-ce que tu fais encore là.

Il déglutit avec peine, la gorge sèche des doutes qui l'assenaient.

— M'oblige pas à me répéter.

Désireux de s'assurer qu'elle était certaine de ce qu'il s'apprêtait à faire sous ses ordres, il voulut lui poser la question. Mais ses lèvres restèrent scellées.

Il hocha la tête et disparut aussi furtivement qu'il était apparu.

La porte la coupant de nouveau du monde extérieur, elle prit une seconde dague qui reposait entre ses jambes et la lança. L'arme blanche rejoignit sa jumelle dans un bruit sec et bref.

La femme ne bougea plus.

Elle pouvait presque entendre l'agonie couler dans ses veines lorsqu'elle ralentissait assez sa respiration pour ne plus faire aucun bruit.

Ces cris de souffrance devaient cesser.

Et il n'y avait qu'une solution à ça.

Tuer le monstre qui les avait créés.

𝐀𝐁𝐘𝐒𝐒𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant