𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝓆𝓊𝒶𝓉𝓇𝑒

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"Et quand on ne peut rien y faire, il faut vivre avec."

Brokeback moutain, Annie Proulx, 2006







𝒩𝑜𝓇𝒶𝒽

𝕵'avais l'audace et l'ignorance de trouver les femmes hystériques.

Avant.

Avant quoi, c'était ça qui importait, qui décuplait toute la véracité de ma nouvelle réalité.

Avant de découvrir que ce que j'acceptais, les blagues auxquelles je riais, les femmes que je jugeais et celles que j'idolâtrais, n'étaient qu'un tissu de mensonge tapissé sur un mur fissuré qu'on m'avait contraint à admirer comme modèle.

Autrefois, l'hystérie était considérée comme une maladie exclusivement féminine. L'étymologie du mot désignait sans détours l'utérus, la matrice, et particulièrement pendant l'Antiquité, les hommes considéraient que son remède était l'activité sexuelle. Ils encourageaient donc les jeunes filles à se marier tôt, et les veuves à le refaire, pour nous calmer.

Cette croyance persistait encore aujourd'hui, dans les idées populaires. Simplement, à notre époque, voilà comment on pouvait le formuler : "elle est mal baisée, celle-là." ou bien "t'as tes règles, pour être chiante comme ça ?".

Poétique, je sais.

Avant, je trouvais les femmes pourvues de manières dans leur façon de parler et de s'agiter, assez irritantes, parce qu'on m'avait appris à détester les miennes. Je détestais le rose parce que le bleu était associé à fort et le reste à faible et femme. Je n'aimais pas celles qui se plaignaient trop et qui hurlaient leur rage, parce qu'on m'avait appris à me taire et à me satisfaire de l'attention qu'ils avaient l'honneur de me donner. Parce qu'on m'avait fait comprendre que j'étais plus jolie, quand je gardais la bouche fermée.

Je n'aimais pas celles qui criaient au loup partout où elles allaient, parce que les seules personnes que j'avais, étaient des loups aussi, et je le savais. Et si je devais les craindre, que me restait-il ? Si je devais dénoncer mon parrain ou un amant de passage, je n'avais plus rien.

Alors tais-toi et souris, pensai-je. Ce n'est rien, arrête de te plaindre. Bon sang, il y a pire dans la vie. Il aurait pu faire pire. Il t'a insulté ? Mais il aurait pu te frapper. Il t'a touché ? Il aurait pu te violer. Il ne t'a pas laissé le quitter ? Il aurait pu te tuer pour que tu restes...

Je détestais celles qui osaient se plaindre, parce que je n'avais pas ce courage. Il fallait que je pleure, mais d'autres avaient déjà vidé leurs larmes. J'étais à la traîne. En retard. Pas assez de force pour me battre, alors je les admirais en silence. Peut-être qu'un jour, j'allais l'avoir, cette rage, moi aussi ? Peut-être qu'un jour, cette colère serait mon arme.

Ce fut à ma majorité, que ça se produisit.

J'admirais mon bourreau, je lui trouvais des excuses, je justifiais ses moindres défauts, alors que je condamnais une poussière de maladresse chez mes homologues féminines.

Puis le miroir me renvoya mon reflet. Un parfait produit de tous ses désirs. Docile, jolie, silencieuse et jamais contre lui.

Alors, j'ai foutu mon poing dans le miroir.

Et je suis partie avant que sa colère s'abatte sur moi.

J'aurais aimé dire que j'étais enfin devenue comme celles que je méprisais autrefois, que j'avais évolué, mais ce n'était pas tout à fait ça. Les choses ne changeaient pas du jour au lendemain, il y avait un chemin personnel à parcourir. Je restais soumise à leurs lois.

𝐀𝐁𝐘𝐒𝐒𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant