𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝒹𝒾𝓍-𝓈𝑒𝓅𝓉

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"C'est vrai ce qu'on dit : les riches sont vraiment différents."

Wedding Nightmare, Tyler Gillett & Matt Bettinelli-Olpin, 2019







𝒮𝒽𝒶𝓃𝑒

       
𝖀ne fine arabesque de fumée formée par ma cigarette en coin des lèvres s'échappait par la fenêtre ouverte de ma salle de bain. La lune nacrée se dessinait sur le ciel d'un noir de jais. Je savais d'ores et déjà que je n'allais pas dormir jusqu'au départ dans la matinée.

Je baissai le regard sur ma coupure à l'épaule causée par la dague de Ray. Du sang séché noircissait la plaie. Courbée et précise.

Des voix graves me parvinrent du couloir.

Arrête de me couvrir autant, on a le même âge, je te rappelle.

Va dormir avant que je t'en fous une.

La dernière phrase provenait sans aucun doute de Salim. Sa voix était plus éraillée. Et c'était toujours celui qui emmerdait son monde à jouer au papa poule, surtout avec son jumeau, alors que ce dernier se révélait bien plus tranquille que nous.

Je contemplai les outils de désinfection dans le lavabo avec la seule envie d'aller me vautrer dans mon lit.

Il y avait ce nuage gris qui planait au-dessus de nous. Depuis quelques mois, nos marchés pourtant rangés prenaient une tournure qui évoquait nos débuts, quand les lois n'étaient pas notre priorité. Mais c'était aussi une période d'instabilité brute, plongeant entre le plomb et le sang, avide de risques mais au milieu d'un danger constant.

Est-ce que Ray avait cette sensation aussi ? Était-ce pour ça qu'elle prenait des décisions aussi radicales, à choisir de nous embarquer dans les transactions alors que nous étions en retrait depuis quelques années, à surveiller de loin nos employés ? Je n'aimais pas ça. Je me souvenais parfaitement comment la vie était lorsque c'était nous sur le terrain.

Je me souvenais de nos pertes.

Et je ne désirais pas revivre l'une d'entre elles.

Des coups furent frappés à la porte de ma chambre. Je ne répondis pas, mais il s'invita néanmoins.

— Shane ?

Salim ne mit qu'une seconde à me rejoindre dans la salle de bain. Il constata mon torse nu avant de s'attarder sur la blessure à mon épaule.

— Alors on se fait engueuler par maman Ray ?

— La ferme, soupirai-je en prenant ma clope entre les doigts.

Il ricana.

Loin de moi l'envie de rire. Je n'aimais pas lorsqu'elle agissait de la sorte, comme si j'étais son ennemi alors que je n'avais encore jamais failli à sa loyauté et sa confiance. Je l'avais toujours épaulé, dans nos choix financiers, commerciaux, dans nos stratégies marketing, et même avant, dans nos petits trafics illégaux. J'avais toujours été là, et je n'avais pas toujours reçu que de la gratitude de sa part.

Je révulsai l'idée d'être traité comme un de ses hommes de bras lambda.

Elle était incapable de montrer un peu de reconnaissance à notre égard.

J'avais été témoin de beaucoup de choses, et je persistais à essayer de me faire à l'idée qu'Asia Ray manquait cruellement d'humanité. Que certains de ses rouages ne fonctionnaient plus comme la normale. Mais je savais aussi qu'elle ne nous voulait aucun mal. Toutefois, c'était cette facette impassible qui ressortait de son reflet dans le miroir, et c'était irritant, car sa colère nous mettait tous en danger.

𝐀𝐁𝐘𝐒𝐒𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant