𝐀𝐁𝐘𝐒𝐒𝐄𝐒

𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝓈𝑒𝓅𝓉

"Face à la mort, celui qui méritera de vivre et celui qui vivra sont deux choses bien différentes."

— Saw 6, Kevin Greutert, 2009

♖

𝒩𝑜𝓇𝒶𝒽

𝕮e Dax était plus que perturbant.

Jamais je n'avais croisé une telle carrure, frôlant les encadrements des portes et semblant n'avoir jamais assez de place dans une voiture. Il couvrait le soleil et faisait de l'ombre à la lune.

Mais derrière sa silhouette autant envahissante que source de préjugés à cause de ses tatouages, se cachait un comportement d'un calme à faire jalouser les fleuves les plus délicats.

Il ne décrocha pas un mot de tout le trajet, et moi non plus, trop terrifiée par tout ce qui venait de se passer. J'étais perdue dans une autre réalité, un autre monde que je ne connaissais que par des légendes à faire frémir.

Ce que l'on pouvait considérer comme la seule interaction entre lui et moi fut le moment où il se pencha vers mes jambes en tendant son bras. Je sursautai, ramenant mes genoux contre la portière à son opposé. Il me dévisagea, les pommettes rouges et les yeux ronds, avant de reprendre plus lentement son geste qui s'avérait loin de ce que j'avais imaginé. Il ouvrit la boîte à gant devant moi et me tendit un petit caramel emballé.

Trop perturbée, je refusai. Il le rangea et reprit la route sans un mot ni un geste de plus. J'eus même l'impression qu'il collait un peu trop sa portière à lui.

Partir, m'enfuir, courir et ne plus revenir. C'est tout ce qui occupait mon esprit lorsque j'observai la Jeep s'éloigner après m'avoir déposé au pied de mon immeuble. Comment est-ce que j'allais procéder, c'était la question à un million. Je pensais à Adeline, mais je ne pouvais pas me permettre de la tenir au courant de quoi que ce soit avant d'être sûre de ne pas la mettre en danger.

Ces gens-là, riches d'argent et de pouvoir, n'étaient pas des gens qui retiraient leurs dents après avoir mordu. La seule étincelle d'espoir que j'avais découlait de ma basse estime pour moi-même. Pourquoi le Corbeau me courrait après ? Je n'étais rien, juste un pion dont elle avait besoin pour découvrir qui souhaitait la faire tomber.

Avec un peu de chance, ils ne me chercheraient pas. Ils passeraient à quelqu'un d'autre.

Mais je connaissais leurs noms et visages, désormais, chose qu'ils s'évertuaient à garder cachée depuis tout ce temps... je représentais peut-être un danger pour eux et leurs identités. Ou bien, ils m'avaient menti. Je ne savais même pas comment elle s'appelait. Son identité avait toujours été un mystère derrière son surnom. Elle demeurait discrète. Alors j'avais veillé à ne pas reposer cette question. Moins j'en savais, mieux je me portais.

J'avais baigné dans l'inquiétude qu'il fallait ressentir face à ce genre de gens pour se protéger, et mon calvaire dans ce monde n'avait pas atténué mes craintes. Le plus terrifiant, sans aucun doute, c'était de ne pas savoir ce qui m'attendait. Je ne comprenais rien à leur marché, je n'avais aucune certitude que mes services s'arrêteraient avant une monnaie sexuelle et par-dessus tout... personne ne payait une telle somme à une pute.

Je le savais.

J'allais être balancée ici après ma mission sans une pièce d'or... ou frappée pour s'assurer de mon silence... ou pire...