𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝓋𝒾𝓃𝑔𝓉-𝓆𝓊𝒶𝓉𝓇𝑒

2.2K 111 259
                                    






"Cet homme n'est pas encore son maître aussi longtemps qu'il ne s'est pas émancipé de ses passions irraisonnées."

— L'anarchiste, Élisée Reclus, 1902







𝒜𝔰𝔦𝔞

𝕷e départ pour la soirée était prévu à dix-huit heures. Nous avions une petite heure de route avant d'atteindre la zone qui se situait en périphérie de Paradise Valley, un quartier d'ultra-riche dans lequel Fernandez avait fait construire son opéra.

Je me souvenais encore m'être penchée sur les plans de construction. C'était comme ça que l'on gardait cet homme dans sa poche, en s'intéressant à ses passions. Par chance, les siennes n'étaient pas totalement barbantes. Il aimait la musique, classique de préférence, le piano et les tableaux.

— Donc c'est bon ? Je suis blanche ?

J'abaissai mon regard sur une de mes plus anciennes employées des catacombes que j'avais fait venir jusqu'ici. Ce n'était pas la première fois qu'elle passait au palais, et j'avais besoin d'avoir face à moi toutes ses émotions lorsque je lui posais mes questions.

Ses sourcils décolorés laissaient une ombre blonde derrière ses cheveux châtains et ses longs cils noirs. Elle les haussait en attendant ma réponse, ses poings sur ses hanches couvertes d'une jupe en cuir rouge. Sa veste était assortie. Elle mâchait d'une façon horripilante son chewing-gum à la cerise.

— Pour le moment, ouais.

— J'aime pas trop que tu me fasses me déplacer pour m'accuser de trafic humain, tu vois ?

Elle s'occupait d'une partie de mes transports maritimes et après avoir eu connaissance des activités d'Harvey, j'avais voulu m'assurer personnellement que les bateaux qui transportaient quelques-uns de nos caissons ne servaient pas aussi à faire passer des femmes aux frontières.

— Tu peux comprendre que je me méfie, non ? C'est pas non plus le genre d'affaires dans lesquelles je veux trainer.

Le soleil éclatant tapait sur sa silhouette tandis que je restais à l'ombre d'un arbre. Je ne m'étais pas pliée en deux pour lui offrir à boire. Je ne voulais pas qu'elle s'attarde. Nous étions restées dans le jardin le temps de la discussion.

Elle venait. Elle repartait.

— Je touche à la drogue, à l'alcool, mais sûrement pas aux femmes... du moins, pas comme ça, ponctua-t-elle d'un clin d'œil.

J'inspirai brièvement, agacée, et relevai le regard au-dessus de sa tête.

— Allez, on a fini, décale de ma vue.

— Toujours aussi aimable.

— Et surveille ta langue, je suis pas ton amie.

— Oui, patronne, haussa-t-elle la voix en m'adressant un geste d'au revoir de la main.

Sa silhouette disparut entre les arbres du jardin. Je ne bougeai pas tant que je n'avais pas entendu sa voiture démarrer et repartir loin d'ici.

Je m'allumai une cigarette et rentrai me réfugier dans la fraîcheur du palais.

Le salon était vide, il restait des vestiges de la soirée de Salim et Shane sur la table basse. Du tabac à rouler, quelques feuilles déchirées, du carton et un cendrier plein à craquer. Ça empestait le tabac froid et une odeur très reculée de transpiration, qui, je le savais, n'était en fait que le parfum de l'herbe qu'ils avaient fumé.

𝐀𝐁𝐘𝐒𝐒𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant