𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝓉𝓇𝑜𝒾𝓈

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"Bien que toute ma vie n'ait été qu'opacité et profondeurs, je ne faisais pas partie de cette eau sombre. J'étais simplement une créature vivant à l'intérieur."

Circé, Madeline Miller, 2019







𝒩𝑜𝓇𝒶𝒽

𝔍irée de mon sommeil par un mémorable mal de tête, mon réveil ne fut pas très prometteur quant au reste de la journée. Mon esprit maintenu à l'affut par mes inquiétudes n'avait réussi à se mettre en sourdine que quelques heures, trois tout au plus. Et l'alcool ingurgité avec passion la veille se révélait aujourd'hui comme une grossière erreur.

Un rythme désagréable pulsait dans mes tempes et une moiteur déroutante couvrait ma peau. De mes jambes, je repoussai le drap qui les couvrait, soufflant de dépit sous cette chaleur toujours aussi affreusement lourde.

Quelques-unes de mes mèches collaient mon front. Je les repoussai en me redressant et me levai en direction du robinet. Un peu d'eau ne me ferait pas de mal. Mais même ça, dans ce verre chauffé par les rayons extérieurs, c'était tiède et loin d'être rafraîchissant.

Je me surpris à sursauter à l'entente d'un moteur de voiture dans la rue plus bas. C'était comme ça depuis mon retour cette nuit. Comme si la berline allait enfoncer mon mur à tout moment.

Mais ce type... Ce blond aux yeux bleus, ses questions intrusives alors que nous étions dans la chambre rouge, son attitude étrange... Si c'était lui qui conduisait cette voiture, s'il me suivait, ça n'avait rien de rassurant. Les gens comme lui, étouffé d'un manteau d'or dans un palais de billets verts, ne désiraient jamais rien de bien empathique à l'égard des gens comme moi, démunis de tout pouvoir dans leur monde.

Je vacillai sous toutes ces suppositions. Prenant appui contre le plan de travail, je tentai de réguler ma respiration. Peut-être que je partais trop loin. Peut-être que ce n'était rien de tout ça, que je n'allais pas finir entre les griffes de ces trois inconnus.

Si les enfants grandissaient avec des contes des mille et une merveilles qui constituaient les rêves de ce monde, je m'endormais avec des légendes horrifiques susurrées au coin de l'oreille pour me bercer. Mon parrain aimait me rappeler à quel point l'extérieur n'allait faire qu'une bouchée de moi si je le quittais.

Il parlait de cette figure qui planait sur notre ville. Pas un Phoenix renaissant de ses cendres, mais un Corbeau s'élevant de son sang. Des plumes empourprées de gouttes d'un carmin profond sur ses ailes d'un noir de jais. Personne ne savait comment ses entreprises avaient fleuri, mais tout le monde avait connaissance de la présence de cet homme dans la plus haute hiérarchie. C'est lui qui tenait les ficelles de toutes les marionnettes d'ici.

Je n'imaginais pas le Corbeau blond comme cet homme qui trainait au bar, mais j'imaginais son aura exactement comme ça. Imposante, sans laisser de place aux autres, et qui savait où aller sans demander sa route.

Perdue dans ma contemplation, je manquai de voir mon cœur me lâcher lorsque trois coups furent frappés contre ma porte. Mon verre glissa de mes mains fébriles et éclata en mille morceaux contre le sol. Je jurai entre mes dents, irritée par ma stupidité.

Puis trois nouveaux coups résonnèrent.

La berline, le Corbeau, les trois hommes du bar, toutes mes angoisses cognèrent aux parois de mon esprit pour déterminer qui se trouvait derrière ma porte. Qui allait pénétrer mon appartement d'une minute à l'autre. Qui...

𝐀𝐁𝐘𝐒𝐒𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant