02 | 𝐷𝑎𝑖𝑠𝑦

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꧁ Rᴇᴛᴏᴜʀ ᴇɴ ᴠɪʟʟᴇ ꧂





« Les dents ont beau sourire, le cœur sait la blessure qu'il porte »





Londres , Shoreditch,
22h07,
De nos jours,
Daisy.


La fraîcheur paralyse le bout de mon nez qui me picote telle une aiguille pénétrant l'épiderme de ma peau pâle. Je le sens rougir sous l'effet du gèle automnale.

Sur le bord de la route, je patiente sagement assise sur un des bancs de l'avenue que mon taxi vienne me chercher. Mes jambes repliées contre ma poitrine, je tente en vain de réchauffer l'entièreté de ma personne complètement gelée. Bien que la température extérieure soit supérieure aux normales de saison et que je me sois assez suffisamment habillé, mon corps, lui, ne peut cesser de trembler comme une feuille.

Peut-être que ce n'est pas simplement la température qui me fait trembler mais bien la peur...

J'avais pris des jours à me décider.

Et même si je n'avais pas réellement le choix, que tout me ramenait à cette putain de ville, je voulais me donner l'impression que c'est moi le fil moteur de mon histoire.

Que toutes mes réticences à propos de mon retour ne soient que des prétextes pour échapper à ma propre vie.

Je ne m'autoriserais pas à vivre dans le silence ou caché.

Pas ici en tout cas...

Mes yeux zieutent furtivement le paysage londonien de nuit et je ne peux mentir sur le fait qu'il m'a manqué. J'ai toujours aimé le contempler.

Aujourd'hui, pour rien au monde, je ne perdrai une miette de ce spectacle. Ce qui peut paraitre futile pour certains, c'est en réalité ce qui me rattachait à la vie il y a cinq mois de ça.

Seulement un paysage.

La rue est étonnamment calme pour un samedi soir. Seuls des rires et des cris légers percent le silence : une bande de jeunes filles sort d'un des bars animés de la ville et se dirige dans ma direction, leurs pas incertains trahissant l'ivresse.

À une dizaine de mètres, je parviens à les distinguer malgré l'obscurité. Impossible de détourner mon regard, et plus elles avancent, plus elles deviennent nettes dans le halo du lampadaire.

Elles sont trois, habillées d'un uniforme scolaire dont je ne reconnais pas l'établissement, la lumière tamisée n'aidant pas. L'une d'elles, une rousse au rire cristallin, manque de glisser en lançant son pied en l'air et s'agrippe à l'épaule de son amie, provoquant un éclat de rire entre elles qui résonne.

Ce son... il éveille en moi quelque chose de profondément familier. Mon cœur s'emballe ; cette voix, ce rire, je les connais.

La fille secoue la tête, et c'est là que je la vois vraiment. Sa chevelure auburn flotte dans la légère brise , ce visage parfait me fait volte-face.

Mon souffle se bloque.

Neve...ma meilleure amie.

Elle est là, à quelques mètres de moi, inconsciente de ma présence.

Un frisson me traverse, et, sans réfléchir, je rabats ma capuche sur ma tête, enfouissant mon visage dans mes bras.

Une angoisse viscérale me tord le ventre, comme si le passé lui-même cherchait à me rattraper. Tout en moi hurle de faire demi-tour, de m'éclipser avant qu'elle ne me voie. Je voudrais me terrer quelque part où personne, pas même elle, ne pourrait m'atteindre.

NUMBER 006Où les histoires vivent. Découvrez maintenant