NUMBER 006

19 | 𝐿𝑎𝑦𝑛𝑒

( Tw : drogue )

꧁ Soir de courses ꧂

"On ne connaît pas la valeur d'un instant jusqu'à ce qu'il devienne un souvenir."

Antoine de Saint-Exupéry

☙

Novembre,
Londres, Hackney,
Layne.

Je ne sais pas exactement quand, dans sa vie, tout a commencé à déraper, et à vrai dire, je m'en moque éperdument.

Mais il est certain que ça a vraiment mal tourné.

Je suis resté bouche bée devant ce message qui lui était adressé :

« Finalement, je crois que je serai apaisé seulement quand tu seras six pieds sous terre, Pétasse. J'ai tellement hâte que tu disparaisses, mais avant, laisse-moi te faire souffrir. »

Encore une fois, elle s'est échappée, après avoir saisi le téléphone de mes mains. Ses joues joufflues sont devenues cramoisies, sûrement par la honte qui l'accablait.

J'aurais voulu l'arrêter, lui demander ce qu'il en était réellement. Trouver des réponses aux questions qui déferlaient, mais rien... Je n'ai rien fait, à part la fixer, écœuré. Vu sa réaction, ça ne devait pas être la première fois. Il suffisait que je déroule la discussion pour en découvrir d'autres.

Pour je ne sais quelle raison, je n'arrive pas à m'empêcher d'y penser.

Elle est partie depuis des heures déjà et c'est la seule putain de chose que j'ai pu penser.

Si quelqu'un lui veut du mal, c'est qu'il y a sûrement une raison. Peut-être qu'O'Brien est bien la garce que j'imaginais au début de l'année.

Pourtant, je ne peux renier ce pincement qui enserre mon cœur quand je repense à ce petit bout de femme, si loin de l'image que les gens se font d'elle. Comme si elle était prise au piège du destin tragique qui lui est fatalement réservé.

Pourquoi est-ce que je réagis de la sorte, putain ?!

Elle n'en vaut pas la peine, ou du moins elle ne vaut pas la peine que je loupe mon entretien avec Oxford en décembre pour me torturer l'esprit avec ses problèmes.

Il y a deux semaines, j'ai eu l'honneur de recevoir une lettre qui m'affirmait être présélectionné pour passer des entretiens. Depuis deux ans, je m'y prépare sans même savoir si ce jour arriverait vraiment.

Le processus de sélection a été impitoyable. Il a fallu constituer un dossier impeccable : mes notes, bien sûr, mais aussi mes publications, mes participations à des conférences, et mes recommandations des professeurs. Chose qui n'a pas été compliquée à dénicher.

Je fais partie des quelques boursiers de l'établissement parmi une foule de cinq cent élèves, chacun plus brillant que l'autre. Mon comportement est exemplaire : aussi discret qu'un fantôme, bien que je peine parfois à maîtriser mon insolence. Mes résultats sont excellents dans toutes les matières. Même si j'ai eu un léger accrochage avec un professeur durant la semaine thématique, personne ne le saura, car j'ai évité de peu l'avertissement.

Et puis, il y a eu le test d'aptitude, une épreuve redoutée que tout candidat doit passer. Des heures à plancher sur des problèmes , à démontrer non seulement mes connaissances, mais aussi ma capacité à innover, à penser autrement.

Un beau panel de connerie , ouais.

Enfin, il y a eu cette lettre. Ce morceau de papier qui, en quelques lignes, a changé ma vie. J'étais présélectionné. J'allais pouvoir passer les entretiens pour intégrer le prestigieux programme de psychologie expérimentale d'Oxford.