21 | Daisy

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꧁ Dimanche en novembre ꧂



« La douche chaude que je prends est censée laver la tristesse qui me colle à la peau, mais l'eau ne fait que glisser sur ma douleur sans jamais emporter aucun de mes maux.»

Novembre,
Londres,
Daisy.

— Je suis rentrée, soufflé -je en émergeant dans le hall.

Épuisée, je déchausse mes escarpins Jimmy Choo, les laissant glisser au sol tandis que les portes de l'ascenseur se referment derrière moi avec un doux chuintement.

Mon moral tombe encore plus bas en découvrant les affaires de mon père, accrochées au portemanteau près de l'entrée. La maison est souvent vide, et je pensais qu'il ne rentrerait que dans trois jours depuis Los Angeles.

Aujourd'hui, je me suis accordé une sortie shopping, et Bloom m'a rejointe dans la matinée pour faire quelques emplettes. Bloom aime tout autant que moi le shopping ; alors après notre brunch, rien de mieux que de faire les boutiques. Je me suis contenté de refaire mon stock de pull, cardigan et gilet pour l'hiver, tandis que mon amie s'est ruée sur le maquillage de chez Chanel.

Je dépose mes sacs dans l'entrée.

Je le vois alors, Will, mon père, assis à la table de la salle à manger. Il est impeccablement habillé dans un costume sur mesure de chez Brioni, une montre Patek Philippe ornant son poignet. Il incarne toujours le succès et l'élégance, comme l' homme d'affaires redouté et respecté qu'il , a mon plus grand désarrois , reflète à la perfection.

— Daisy, tu tombes bien, me lance-t-il d'un ton sec et inquiétant. Je dois te parler.

Il me fait signe de m'asseoir. Mon cœur se serre. Nous n'avons pas l'habitude de nous retrouver à cette table, encore moins pour un repas en commun. J'ai toujours trouvé cette dernière affreusement ridicule, disproportionnée, sans élégance ni utilité. Je remarque que le couvert a été posé. À l'opposé l'un de l'autre, trois mettre nous sépare.

Ridicule... C'est complètement ridicule.

Elle semble marquer la séparation entre nous, un pale miroir qui reflète tristement notre relation.

— Bonjour, papa. Oui, je vais bien depuis notre dernière rencontre, rétorqué-je sarcastiquement, alors que je lisse machinalement les pans de ma jupe sur mes cuisses.

Il me dévisage froidement, accentuant les rides de son visage. Ses sourcils poivre et sel froncé, il n'a plus ce regard tendre que j'ai jadis connu.

— Arrête un peu ton cinéma, Daisy ! C'est important.

Qu'est-ce qui peut être plus important qu'une conversation normale avec ta fille, papa...?

Je hoche la tête, sentant un nœud se former dans mon estomac.

Ne fais pas de vague, Daisy. C'est mieux pour tout le monde...

Depuis des années, il est plus souvent en déplacement qu'à la maison, négociant des contrats ou assistant à des conférences internationales. Notre relation a souffert de son absence constante, et chaque rencontre est devenue une confrontation tacite. La dernière fois qu'il a pris la peine de m'adresser la parole, nous nous sommes quittés en mauvais terme. Si visiblement cette conversation ne va pas tourner autour de ma vie en ce moment ou d'une banalité qui ne serait pas trop demandée, je crains déjà qu'il ne trouve un nouveau prétexte pour me pourrir un peu plus l'existence.

NUMBER 006Où les histoires vivent. Découvrez maintenant