16 | 𝐷𝑎𝑖𝑠𝑦

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꧁ Ce que les rumeurs laissent dans l'ombre꧂



« C'est plus facile de se voiler la face que de voir la vérité telle qu'elle l'est vraiment. »

Novembre,
Londres,
Daisy.

Ma cuillère tourne lentement dans le contenu bouillant de ma tasse, le léger tintement contre la porcelaine résonne dans le silence tranquille du café.

Je laisse mon esprit vagabonder, observant le mouvement circulaire hypnotique du liquide chaud. Une part de moi trouve apaisant ce simple geste.

La lumière dorée de fin d'après-midi se faufile à travers la grande baie vitrée, baignant la salle d'une chaleur douce et apaisante.

Il fait bon.

Un poêle à bois installé au milieu du salon de thé ajoute à l'atmosphère une note encore plus chaleureuse, presque rustique. Je m'y sens bien, malgré la fatigue qui pèse sur mes épaules.

À côté de moi, Bloom se délecte de son chocolat chaud viennois, la chantilly s'étalant en une moustache blanche sur le contour de ses lèvres.

Je ne peux m'empêcher de sourire en la voyant ainsi, avec son air innocent.

Ses cheveux de jais, ondulés et soyeux, retombent gracieusement sur ses épaules, encadrant son visage avec une délicatesse. Leur noir profond s'accorde à la perfection avec la pâleur de son teint.

On dirait une poupée de cire, figée dans une beauté froide et immaculée.

Bloom accorde une attention particulière à son apparence physique et apprécie la beauté des choses, que ce soit sur elle-même ou dans le monde qui l'entoure.

Raven, de son côté, esquisse un sourire malicieux avant de siroter son cocacherry avec sa paille en papier. Elle observe Bloom avec une lueur taquine dans le regard, comme si elle préparait une blague de son cru.

— Quoi, j'ai de la chantilly sur ma bouche, c'est ça ? demande Bloom en sentant nos regards se poser sur elle.

— Ça se peut bien, répond Raven en pouffant de rire.

Le rire de Bloom résonne à son tour, et je me joins à elles, oubliant un instant la frustration qui m'habite.

Nous sommes en pause depuis une heure. Les filles ont eu l'idée de prendre le goûter avant de repartir pour notre toute dernière heure de cours.

Il est déjà 16 heures. La perspective de finir ma journée à 18 heures me pèse lourdement.

Pourquoi le jeudi est-elle toujours la pire journée de la semaine...?

Mais au moins, il fait beau. Même si le soleil commence déjà à se coucher sur Londres, je prends cela comme une petite victoire contre la grisaille habituelle.

Dehors, les passants se hâtent sur les pavés, leurs silhouettes se découpent dans la lumière décroissante. Je soupire et repose ma cuillère.

Mon café crème est encore trop chaud.

— Je n'arrive pas à croire qu'on doive rester jusqu'à 18 heures, surtout pour de la géo, lâché-je finalement, ma voix trahissant mon désarroi.

Bloom me regarde de ses yeux verts, emplis de compassion.

— Ne comptez pas sur moi pour y retourner, je sèche.

La traitresse !

— Toi, au moins, tu peux le faire... Mon père est sur mon dos, rétorqué-je avec amertume.

Le lycée a appelé mon très cher paternel lorsque je me suis échappée de cette prison dernièrement. Quand il s'agit de remontrances, il sait décrocher le téléphone.

Alors me voilà désormais privée de sortie jusqu'à la fin du mois. Et pour couronner le tout, je suis obligée de rentrer avec ce connard de Pedro tous les jours.

Je ne peux en dire davantage.

Je ne leur ai encore rien révélé, pas même de ce qui s'est passé dans les toilettes. Zack n'a donc rien dit à sa sœur, comme il me l'a promis.

Je suis surprise que la vidéo n'ait pas encore été partagée sur tous les réseaux sociaux ou encore sur le compte du lycée en lui même. Une partie de moi éprouve un soulagement indicible, même si une appréhension mêlée d'anxiété continue de me submerger à chaque instant.

Je suis consciente qu'un jour, tôt ou tard, cette vidéo fera le tour des réseaux sociaux.

Cependant, je me suis détaché de ce monde virtuel, effaçant tous mes comptes quand j'ai réalisé qu'il était vain de lutter contre des choses insignifiantes. Pourquoi se faire du mal, quand il suffit de les éviter et de les ignorer ?

C'est plus facile de se voiler la face que de voir la vérité telle qu'elle l'est vraiment.

Je sais que mes amis me soutiendraient si cela arrivait un jour, mais j'ai peur que ça n'engendre plus de problèmes que ça n'en résout. Ces filles ne me laisseront jamais tranquille, et je ne veux pas mêler Bloom et Raven à mes affaires personnelles.

— T'inquiète pas, Daisy, on est ensemble. Le mien me tuerait si je séchais les cours, tente de me rassurer Raven.

— Tu as brûlé sa voiture et tu es toujours vivante, lui fait remarquer Bloom entre deux gorgées de sa boisson.

Je la regarde amusée, incapable de retenir un sourire.

— C'est une longue histoire. Disons plutôt que mon briquet est accidentellement tombé sur la banquette arrière.

— "Accidentellement" ? questionne Bloom avec une moue sceptique.

— Arrête de me décrédibiliser ! proteste Raven en riant.

Je souris.

— Ça n'a pas d'importance, dis-je finalement.

Nous continuons de discuter pendant une demi-heure encore.

Raven, s'amuse à prendre des selfies avec Bloom. C'est déjà la troisième fois qu'elle répète ce manège, et je sais d'avance que je devrai trier un bon nombre de photos à la fin de la journée. Raven prend toujours mon téléphone sans hésitation, un geste familier depuis qu'elle m'a prêté le sien quand le mien est tombé en panne.

Je l'observe agacée, quand le téléphone se met à vibrer. Entre les doigts vernis de ses longs ongles rouges bordeaux agiles de mon amie, j'essaie de le saisir, mais elle esquive mon geste avec la grâce d'un félin, un sourire espiègle aux lèvres.

Je me lève, sentant une pointe de frustration monter.

— Donne-le-moi, c'est personnel, dis-je en tendant la main.

Raven, avec son éternel sourire, me toise.

— Tu n'as pas perdu de temps avec McMiller, on dirait.

Je m'arrête net, la surprise me clouant sur place et essaye de reprendre contenance. Je me rassis comme si de rien n'était.

Ce n'est pas Clay , ni le numéro inconnu...

— McMiller ?

— C'est qui, lui ? s'enquiert Bloom, ses yeux pétillant de curiosité.

— Rien-

— Son prochain date ! s'exclame la brune.

— Arrête de raconter n'importe quoi, il doit sûrement me demander quelque chose à propos des cours. On est ensemble en philo, tu sais, tenté-je de justifier.

Raven lève les yeux au ciel avec un sourire sarcastique.

— Oui, bien sûr, c'est pour ça qu'il veut boire un verre avec toi...

— Quoi !

— C'est ce qui est écrit dans son message, répond-elle en agitant le téléphone sous mon nez.

— Laisse-moi voir ! insisté-je, tendant la main.

Elle hésite un instant, puis, avec un soupir, me tend le téléphone. Mon cœur bat la chamade tandis que je lis le message. En effet, McMiller veut passer plus de temps avec moi, et cette idée me laisse un sentiment étrange.

— Attends, mais qui lui a donné mon numéro ?

Dans le feu de l'action, je ne m'étais pas rendu compte de ce détail. Raven détourne le regard, feignant l'innocence.

C'est elle, bien sûr.

— Je te déteste !

— Ça va, il me l'a demandé, je n'ai pas pu refuser. Et puis tu m'as dit que tu y réfléchirais, alors je me suis permise de saisir ta chance avant qu'il ne soit trop tard.

— Alors là, tu m'épates, dit Bloom en tapant dans ses mains, bien joué, ma chérie.

— Je sais, je sais...

— Il est hors de question que j'y aille, protesté-je.

— Ça va, tu as une semaine pour prendre ta décision, elle hausse les épaules.

— Tu veux dire qu'on a une semaine pour la convaincre, ajoute Bloom avec un clin d'œil.



Qu'est-ce que je suis censé lui répondre ?

Être honnête avec lui et risquer de le décevoir, ou faire semblant, porter ce masque oppressant, et m'imposer un fardeau qui finirait par m'étouffer ?

Mon cœur bat à tout rompre, partagé entre la raison et la peur. Je n'ai aucune envie de faire le mauvais choix, mais quel est le bon ?

Et si ce type était lui-même une erreur ambulante, une bombe à retardement prête à exploser à la moindre de mes décisions ?

Et s'il est comme Clay.

Peu importe ce que je choisis, tout me retombera inévitablement dessus.

Si j'accepte sa proposition, je sais que les murmures ne tarderont pas à fuser, les regards critiques à se poser sur moi. Harper, avec sa langue de vipère et son désir insatiable de me voir chuter, saisira cette opportunité pour me détruire.

Et si, au contraire, je refuse, on me traitera de coincée, ou pire, on trouvera une nouvelle étiquette désobligeante à me coller.

Mes yeux fixés sur l'écran de mon téléphone , je tente de taper quelques mots, puis l'instant d'après les efface.

— Tu t'enfuis pas aujourd'hui ? M'interpelle une voix à côté de moi.

Je lève les yeux vers mon interlocuteur. Lorsqu'il apparaît dans mon champ de vision, vêtu de son uniforme bleu marine impeccable, une vague de fatigue m'envahit.

Je pousse un long soupir.

— Qu'est-ce que tu me veux ?

— Les rumeurs circulent, tu sais.

— Comme elles l'ont toujours fait, dis-je calmement, les yeux fixés sur l'horizon, indifférente.

Layne plisse les yeux, comme s'il essayait de saisir ce qu'il en est vraiment.

— On dirait que ça ne te fait rien. D'être considérée comme la plus grande salope du lycée.

Je hausse les épaules, d'un geste nonchalant.

— J'en sais rien, je devrais ?

— Peut-être ou pas. Tu te sens concernée, Daisy ?

Un rictus apparaît sur mes lèvres, teinté d'une amertume à peine dissimulée.

— Si tu te poses la question, c'est que tu es tout aussi aveugle que les autres.

Layne croise les bras sur son torse.

— Je ne me pose pas de question, j'attends simplement ta confirmation.

Il me provoque.

Je doute qu'il comprenne l'étendue de ma colère, ni qu'il sache le bien que ça me fait, pour une fois, de laisser mes regrets de côté.

Ses mots sont des aiguilles qui percent mon armure, mais aussi des catalyseurs de ma libération.

— Si c'est ce que tu veux...

D'un mouvement fluide, je me lève du banc où j'étais assise.

Layne me fixe, ses yeux azur me scrutent d'une intensité presque troublante . Il attend ma réponse, ses sourcils se fronçant légèrement lorsqu'il me voit me lever.

Un instant de doute passe sur son visage.

Peut-être pense-t-il que je vais m'enfuir.

Il n'a pas tout à fait tort. L'idée de fuir traverse mon esprit comme une ombre fugace.

Fuir, c'est éviter l'inévitable.

C'est une solution facile, mais éphémère, une bombe à retardement prête à exploser au moment le plus inattendu.

Devenir la paria du lycée est une perspective terrifiante, une réalité qui semble inévitable si je ne fais pas face à la situation.

Alors, il vaut mieux affronter le problème de front, comme un boxeur se préparant à encaisser un coup puissant.

La douleur sera intense, mais brève.

Un souvenir douloureux à ajouter à la collection, mais au moins, ce ne sera plus une source constante d'appréhension. Mieux vaut supporter l'impact maintenant, que de vivre dans l'angoisse de l'inévitable.

Je prends une profonde inspiration, sentant l'air emplir mes poumons, et fixe Layne dans les yeux, déterminée à affronter ce qui doit l'être.

Avec une audace inattendue, je m'installe à califourchon sur ses cuisses, mes yeux plongés dans les siens. Les battements de mon cœur s'accélèrent, résonnant comme un tambour dans ma poitrine, mais je ne cille pas, déterminée à ne pas rompre ce contact intense.

Ses yeux, d'un bleu profond, scrutent chaque détail de mon visage avec une intensité presque palpable, comme s'il essayait de percer à jour mes pensées les plus secrètes.

Il reste immobile, figé dans une attente silencieuse, sans le moindre signe de protestation.

Mon souffle se fait plus court tandis que mes mains glissent doucement le long de ses épaules pour venir enlacer sa nuque, mes doigts s'entrelacent dans un geste presque instinctif.

De là, je peux percevoir la naissance de ses tatouages dans son cou.

Ma jupe se froisse et remonte lentement le long de mes cuisses, découvrant ma peau frissonnante sous le poids de son regard.

Je suis saisie par une vague de chaleur mêlée de nervosité.

Qu'est-ce qui me prend bordel ?!

Je ne me reconnais pas.

Je me penche vers lui, mon visage à quelques centimètres du sien, et murmure d'une voix tremblante mais assurée :

— Alors, tu en penses quoi maintenant ? Je souffle ces mots dans le creux de son oreille, sentant son souffle chaud se mêler au mien.

L'adrénaline bat dans mes tempes, chaque seconde intensifie le désir et la haine qui bouillonnent en moi.

C'est alors que mon regard s'attarde sur une boucle d'oreille scintillante à son lobe, un détail minuscule mais éblouissant, étrangement inconnu jusqu'à ce moment précis. Cette découverte m'enveloppe d'un sentiment troublant.

— Putain, O'Brien.., soupire-t-il, sa voix se faisant plus rauque, presque inaudible. Ses mots s'évaporent dans l'air entre nous alors que son souffle se fait plus saccadé, plus pressant.

Il n'a pas le temps de finir que ses mains se glissent sur mes cuisses, m'attirant vers lui avec une détermination frénétique. Nos bassins se rejoignent dans un élan désespéré et brûlant.

Puis, tout s'arrête. Ses doigts quittent le creux de mes hanches, glissant lentement, presque avec tendresse, jusqu'à mon menton. Ils tracent une ligne de feu jusqu'à mes lèvres, qu'il caresse délicatement avec son pouce. Ce toucher est brûlant, une douceur exquise qui enflamme tous mes sens. Mais je vois bien que son attention se tourne vers mon entaille.

Je dois le stopper.

La raison vacille, mais l'instinct de survie domine.

Mes bras quittent son cou pour saisir fermement sa cravate, négligemment nouée autour de son col de chemise blanche. Un rictus furtif tord ses lèvres, un mélange de défi et de désir mal contenu.

Je resserre l'emprise, sentant la tension monter d'un cran. Son regard change instantanément, l'expression de surprise se mêle à une lueur de défi alors que la pression autour de son cou s'accentue.

Je ne veux pas lui faire de mal, juste lui rappeler qu'il a tort d'écouter ce que les gens pensent de moi.

Depuis quand je porte de l'importance à ce que lui pense de moi ?

Quand son souffle devient plus court, je m'approche encore, mon sourire se faisant mauvais.

— Tu serais surpris de toutes les rumeurs qui circulent sur moi dans ce lycée. Mais entre nous, ne me dis pas que tu es aussi naïf pour boire les paroles de ces vipères ?


Hey !

Je suis en retard pour ce chapitre , mais il m'a donné du fil à retordre...

En tout cas j'espère que vous l'avez aimé ?!

On se retrouve très bientôt ☕️🍂

Ps : merciii pour les 16 000 lectures 💕

Et n'hésitez pas à laisser une étoile si le chapitre vous a plu !

NUMBER 006Où les histoires vivent. Découvrez maintenant