10 | 𝐿𝑎𝑦𝑛𝑒

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ᴄᴇ sᴏɪʀ, ᴊ'ᴀɪ sᴀᴄʀᴇ́ᴍᴇɴᴛ ꜰᴀɪᴍ, ꜰᴏx.


"Dans la solitude, on sent très bien le danger de se laisser emporter par ses pensées."
Gustave Flaubert



Octobre ,
Londres, Hackney,
00h06
Layne


Je sors lorsque le soleil se couche et que la lune s'élève dans la pénombre, peignant le ciel de nuances pourpres et indigo.

Ce soir, la lune est pleine.

Un vent glacial mord l'extrémité de mes doigts, me rappelant que j'aurais dû prendre une paire de gants.

Je porte à mes lèvres au joint et l'inhale profondément, sentant la fumée âcre envahir mes poumons. Je répète l'action, cherchant un semblant de réconfort dans cette habitude inhabituelle.

D'ordinaire, je ne fume ni herbe ni aucune autre drogue, mais ce soir, la solitude est ma seule compagne. J'ai besoin de flouter mon ennui, de trouver une échappatoire, même si elle n'existe que dans mon esprit embrumé.

Accoudé à la rambarde en fer rouillé du toit de mon immeuble délabré, je contemple les rues de Hackney depuis le onzième étage. Les lampadaires diffusent une lumière verdâtre et vacillante, ajoutant une teinte presque surnaturelle au paysage en contrebas. À cette hauteur, je ne distingue que quelques âmes errantes, des points mouvants dont il m'est impossible de discerner l'identité.

Au loin, à l'est, les lumières des buildings de la capitale brillent, séparées de nous par un fossé béant. C'est affligeant.

Ce soir, Zack n'est pas là. Il est en famille. Chaque premier samedi du mois, il est obligé de dîner avec eux. C'est le compromis qu'il a trouvé pour obtenir un semblant d'indépendance. Mon meilleur ami redoute ces soirées comme un mal nécessaire, un rendez-vous inéluctable qu'il ne peut éviter.

Je lève les yeux vers le ciel. Les étoiles scintillent, assez pour illuminer les graffitis des murets voisins. L'un d'eux me fait sourire :

"Fuck the system."

Tagué grossièrement en noir, des gouttes de peinture ont glissé le long des lettres.

On pense tous la même chose, mais seuls les plus courageux osent le crier sur tous les toits.

Le vent nocturne souffle légèrement, apportant avec lui les bruits lointains de la ville. Un klaxon impatient, une sirène qui hurle, un sifflement émanant d'une des ruelles en contrebas. Je ferme les yeux un instant, me laissant envahir par ces sons familiers.

C'est dans ces moments de calme, au sommet de ce monde chaotique, que je me sens étrangement en paix. Ici, cette nuit, sur ce toit, je suis libre, loin de tout ce que je redoute, comme si le temps restait figé.

La beuh commence à faire effet. Les sons deviennent plus profonds. Les étoiles brillent avec une intensité nouvelle, presque envoûtante. Mon esprit vagabonde. Les soucis s'effacent, remplacés par une sensation de paix et de connexion à tout ce qui m'entoure. Chaque souffle de vent, chaque lumière, semble se synchroniser avec les battements de mon cœur.

Soudain, la porte s'ouvre. Je détourne mon regard et ouvre les paupières. Cette silhouette, que je reconnaîtrais entre mille. Que j'ai tant de fois explorée de ma chair.

Elle est ici, ce soir.

Ses cheveux sombres tombent en cascade sur ses épaules, et ses yeux brillent d'une lueur de malice. Elle avance vers moi, ses pas résonnant légèrement sur le sol du toit.

NUMBER 006Où les histoires vivent. Découvrez maintenant