— Mesdemoiselles, les salue Noitan en arrivant à leur hauteur.
— Monsieur Itsbo, lui répondent en choeur les deux jeunes filles.
Sans attendre, Noitan s'adresse à Ema :
— Mademoiselle Date, puis-je vous enlever mademoiselle Vas quelques minutes ?Ema observe son amie, vraisemblablement enchantée de cette rencontre. Elle hoche la tête en signe d'assentiment :
— Bien sûr, je vous donne quelques instants.
Noitan et Etna s'isolent de quelques pas et quittent les sentiers.— Je suis heureux que vous ayez pu venir, s'exclame le jeune homme.
— M'avez-vous réellement attendue dans ce parc tous les jours entre quinze et seize heures depuis que vous avez donné cette lettre à Ema ?
— Bien entendu. Comme je vous l'ai écrit, je me languissais de vous revoir. Je savais que c'était l'unique moyen de vous croiser, n'étant pas le bienvenu chez vous. J'imagine que les sentiments de votre mère à mon égard ne se sont pas adoucis ?
— Hélas, non...
Les deux jeunes gens s'éloignent un peu plus d'Ema sous l'impulsion de Noitan. Il entraîne la jeune femme dans un coin plus reculé.
— Mademoiselle Vas, quand votre père devrait-il rentrer ?
— Mon père ? Oh, à vrai dire, il n'avait pas donné de date précise à son retour mais il pensait être là, je crois, pour l'anniversaire de ma mère.
— Quand aura-t-il lieu ?
— Le 30.
— Dans quinze jours, donc. Juste après les fêtes du solstice d'été ?
— Oui, monsieur. Mais pourquoi cette question ?
— Mademoiselle Vas, ne vous en doutez-vous pas ?
Tout en disant cela, il attrape sa main et se rapproche fortement d'elle. Troublée, Etna se contente de lui répondre par un regard étonné. Il ajoute :
— Non ? Votre emprise sur moi n'est-elle pas évidente ? Je ne peux imaginer mes jours sans vous.
Reprenant ses esprits, la jeune femme tente de s'éloigner et chuchote :
— Monsieur, on pourrait nous voir !
— Cela m'importe, je ne peux plus résister !
Noitan la tire par le bras pour la serrer contre lui. Elle parvient difficilement à soutenir le regard du jeune homme, troublée à l'idée qu'il puisse deviner le flot d'émotions qui la traverse à son contact. Leurs visages sont à quelques centimètres l'un de l'autre. Elle sent son coeur battre contre sa poitrine, elle apprécie la caresse de son souffle sur sa joue, elle s'enivre de son odeur. Elle commence à désirer ardemment embrasser ses lèvres.
Le jeune homme prend alors la parole :
— Savez-vous à quel point je vous trouve magnifique ?
Etna parvient à répondre d'une voix tremblotante :
— Monsieur, nous ne pouvons...
Il pose son index sur ses lèvres pour la faire taire. Puis son pouce commence à les effleurer. Il pose alors délicatement les mains de chaque côté de sa nuque en penchant sa tête pour l'embrasser. Au moment où leurs bouches se frôlent, un cri désapprobateur retentit :
— Etna !
Les deux jeunes gens sursautent. La jeune femme se recule vivement puis tourne la tête pour découvrir l'auteur de cette exclamation.
— Ema ! s'étonne t-elle.
— Etna, qu'est-ce que... commence son amie sans parvenir à finir sa phrase tant elle est abasourdie.
Un court silence s'ensuit puis la jeune fille parvient à reprendre :
— Etna, nous devons y aller. Il se fait tard et ma mère m'a envoyée notre domestique pour me demander de rentrer.
Ema se tourne vers Noitan et le salue de façon brève et froide.
Etna, gênée, dit à son tour au revoir au jeune homme sans oser croiser son regard et rejoint à la hâte Ema qui s'est déjà éloignée.
Quand elle arrive à sa hauteur, son amie l'apostrophe :
— Enfin, Etna ! Que t'est-il passé par la tête ? Te rends-tu compte ? L'embrasser en plein milieu de ce parc !
— Nous ne nous sommes pas réellement embrassés...
— C'est moi qui vous ai interrompus, la coupe Ema en colère, or qui sait si personne d'autre n'a pu vous voir ? Imagine le scandale pour ta famille ! Je t'ai pourtant déjà mise en garde.
— Mais, quand je suis avec lui, j'ai chaud, j'ai le coeur qui palpite, je me sens faible. Je crois que je l'aime...
— Tu l'aimes ? Est-ce là ton excuse ? Mais si lui t'aime, qu'il te fasse une demande ! Cela fait déjà deux fois qu'il entreprend de t'embrasser ! Et cette fois-ci, dans un lieu fréquenté. Je n'apprécie guère ce comportement, je ne sais comment tu peux tolérer cela !
— Tu sais bien qu'il ne sert à rien qu'il me fasse une proposition, ma mère y est opposée.
— Dans ce cas, fuis-le !
— Pardon ?
— Si tu ne peux l'épouser et que vous ne pouvez vous conduire correctement, évite-le ! Cela ne va t'attirer que des ennuis...
— Je te croyais mon amie ! Tu devrais me soutenir au lieu de me faire la leçon !
— Mais justement, Etna, j'essaie d'être ton amie en te faisant réaliser ton erreur. Que peux-tu espérer de tout cela à part des problèmes ?
Etna se terre dans le silence. Ema, après réflexion, s'exclame :
— Cette rencontre était-elle due au hasard ?
Devant l'absence de réponse de son amie, Ema l'attrape par le bras pour l'obliger à lui faire face et reprend :
— Réponds-moi ! Savais-tu que monsieur Itsbo se trouverait au parc ? Est-ce pour cela que tu m'as demandé l'heure et que tu as souhaité subitement aller te promener ?
— Il m'avait écrit au bas de sa lettre qu'il m'attendrait dans ce parc, bredouille Etna, confuse.
— Et tu ne m'as rien dit ? Es-tu bien sûre que celle qui ne se comporte pas en amie, c'est moi ? Tu m'as emmenée dans ce traquenard et m'as rendue complice de ta désobéissance aux ordres de ta mère sans même me consulter !
— J'avais besoin de le voir et je ne voulais pas que ma mère se doute de quelque chose en nous voyant partir, bredouille Etna.
— Et maintenant si elle apprend qu'on t'a vue en compagnie de cet homme, elle pensera que je t'ai aidée dans ta folie ! Laisse-moi te dire, Etna, que je ne cautionne pas du tout ce que tu as fait. Et pour être tout à fait honnête avec toi, le comportement de ton monsieur Itsbo ne me plaît pas ! Un gentilhomme ne se comporterait pas ainsi ! continue Ema, furieuse.
Etna, fâchée par la remontrance que vient de lui infliger son amie, accélère sa marche, la laissant à la traîne.
Une fois arrivée à demeure, elle file tout droit dans sa chambre, laissant Ema expliquer à leurs mères son comportement :— Etna s'est sentie fébrile à la fin de notre promenade. Je crains que cette sortie ne lui ait finalement fait aucun bien.
— Son état m'inquiète. Elle semblait pourtant rayonnante lorsque vous avez pris congé de nous tout à l'heure. Et son père qui n'a toujours pas donné la date de son retour... soupire madame Vas. J'aurais bien besoin de ses conseils et de son aide !
Elle désigne un papier sur la console près d'elle et reprend :
— Enfin... Pendant votre absence, un messager est venu déposer une invitation en provenance de monsieur Amac pour son salon scientifique. Le Prince sera sans nul doute présent. Espérons que cette missive lui rendra le sourire.
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Envers et contre tous
RomanceEtna Vas, dix-huit ans, peut enfin faire son entrée dans le grand monde. Le bal des débutantes, donné en l'honneur du jeune Prince Tidure, est l'occasion parfaite pour espérer obtenir des propositions de mariage. Un concours de circonstances va la m...