Chapitre 47: La fin

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— Commandant, commandant !

Le jeune gendarme, à bout de souffle, arrive enfin à destination et doit s'appuyer contre le mur pour se remettre de ses émotions.

— Quoi encore ? Lui répond son supérieur, ne daignant même pas quitter son téléphone des yeux.

— Nous avons un problème, un corps vient d'être retrouvé sans vie.

Cette nouvelle n'interrompt pas le jeu intense de solitaire à lequelle se livre le commandant Bertrand Tokela. Un cadavre n'est rien par rapport à une victoire virtuelle.

— Va falloir t'y faire mon petit, ce sont des choses qui arrive dans la vie.

— Non mon commandant, cela n'arrive pas normalement.

Quelle insolence, a cause de ce petit morveux et ses états d'âme, une magnifique partie vient d'être gâchée.

— Si gamin, tout le monde meurt, les bébés meurent, les enfants meurent, les adultes meurent, les vieillards meurent, les hommes meurent, les femmes meurent, tout le monde meure.

— Mais pas les morts.

Cette histoire devient intéressante et mérite que l'écran du téléphone s'éteigne enfin et que les yeux du commandant se tournent vers ceux de son subordonné.

— Comment ça « pas les morts » ?

Cette personne, celle que nous venons de découvrir, elle vient de mourir. Pour la seconde fois.

Non c'est impossible. Jamais durant sa longue carrière un tel événement s'est produit. Contrairement aux idées reçues la vie d'agent de la paix n'est pas si palpitante que ça. Au bout de tant de décennies d'exercice, toutes les morts finissent par se ressembler. Le commandant Tokela n'irait pas jusqu'à dire qu'on s'habitue à la vue de cadavres, mais on finit par ne plus s'étonner de leur mort. Les causes sont toujours les mêmes, les histoires derrière ces tragédies toujours identiques.

La plupart du temps ce sont des accidents. Parfois la victime s'est elle même ôtée la vie. Rarement ce sont des meurtres avec ou sans préméditation, qui viendrait pimenter un peu l'affaire. Exceptionnellement les gendarmes ont affaire à un tueur en série psychopathe. Mais ils sont toujours loin d'être aussi intelligent et fascinants que le laisse croire les séries télévisées ou les films. Ils ne sont rien d'autre que des êtres humains pathétiques. Les causes de ces massacres ? L'argent, le sexe, l'avidité et le désespoir. Voilà, ça tient sur les doigts d'une seule main. Donc, au bout d'un certain temps, la surprise disparaît. Mais alors là. Comment cela est-il même possible ? Les morts ne reviennent pas à la vie donc ils peuvent encore moins mourir à nouveau. C'est forcément une erreur.

— Gamin, que veux-tu dire par « mort » ? Cette personne a été déclarée morte suite à une disparition ? C'est ça ?

Le commandant Tokela ne peut pas s'empêcher de dire ces mots en haussant le ton progressivement jusqu'à finir par hurler. S'il ne peut pas comprendre cela l'énerve. Et un mort qui meurt c'est incompréhensible. Mais ce qui le mettrait encore plus en rogne c'est qu'un simple petit bleu lui ait fait perdre son précieux temps en jouant avec les mots. Être déclaré mort n'a rien à voir avec la mort elle même. C'est juste un doute raisonnable. Alors que lorsque la grande faucheuse est venue vous chercher, il n'y a plus aucun doute, c'est une certitude.

— Non commandant, cette personne a été déclaré morte suite à son meurtre. Il y a eu une autopsie, une identification par un proche, un enterrement. Et le cercueil était loin d'être vide, j'en suis sûr.

Et voilà le sang lui monte jusqu'aux joues, le commandant ne comprend pas. Un proche ne peut pas se tromper, un médecin légiste ne peut pas se tromper, les dizaines de personnes qui ont assisté à l'enterrement ne peuvent pas se tromper. La réponse sera alors visible que s'il examine le problème à l'envers.

— C'est donc ce second cadavre qui est le mauvais. Comment est-il mort ?

— On lui aurait tranché la gorge.

— « Aurait » ? Pourquoi utilises-tu le conditionnel ?

Ce petit a intérêt à être sûr de lui car on ne dérange pas son supérieur pour de simples suppositions. Son chef ne perd plus son temps avec de simples morts, donc si cette dernière s'avère être comme toutes les autres, sans surprises, il le regrettera en faisant la circulation pour quelques mois. Voire année, tant le sang du commandant est en train de bouillir dans ses veines.

— La cause de la mort est difficile à identifier car le corps a été retrouvé entièrement brûlé, complètement carbonisé.

— Si vous n'êtes pas capable de savoir comment il a été tué, qu'est-ce qui te permet d'être aussi catégorique sur son identité ? Surtout quand la conclusion est aussi absurde.

Ce marmot joue vraiment avec les nerfs de son commandant. Sont-ils donc tous devenu idiots dans cette gendarmerie ?

— Son ADN Monsieur. Il était dans nos fichiers. Le cadavre a aussi été identifié grâce à des implants dentaires. Vous savez, le nouveau médecin légiste est l'un des meilleurs de France, il a beaucoup d'expérience et il est catégorique : cette personne est déjà morte une fois avant de mourir à nouveau.

Ah oui ce nouveau médecin si exceptionnel. Même s'il est jaloux de toute l'attention qu'il attire, le commandant Tokela doit bien admettre qu'il excelle dans sa discipline et qu'il est difficile de remettre son expertise en doute.

— Dans ce cas, qui est donc ce fameux mort-vivant ? Enfin ce mort-vivant-mort.

S'il connaissait l'identité de cette personne il ne se serait jamais permis une telle blague. Mais bon, pour le moment ce n'est pas un être humain, juste une intrigue.

— Chef, restez bien assis. Le cadavre que nous avons retrouvé est...

Bien évidemment vous n'aurez pas la suite. Déjà que vous commencez cette histoire par le dernier chapitre, il ne faudra pas que je vous dévoile tout non plus. Je tiens à garder le suspens de cette histoire tout de même. Vous vous demandez qui je suis pour oser vous parler comme cela ? Pour oser vous dire que les informations que je désire ?

Allez donc au prochain chapitre pour apprendre à me connaître un peu mieux.

AllumetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant