Chapitre 18: La mort

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       C'était une émouvante cérémonie, hein Bertrand ?

— Oui mon petit Arthur. C'est tellement triste de mourir si jeune.

       Le retour jusqu'au commissariat après l'enterrement de Yaël est maussade. Les deux coéquipiers ne se sont pas dit un seul mot depuis cette tragique nuit, tant le choc les a paralysés.

— Et cette femme qui était là, c'était qui à votre avis ?

— Sa sœur. C'est à elle à qui j'ai donné les affaires de Yaël.

— Ah oui, elle est enquêtrice elle aussi non ?

— Exact.

— Donc peut-être que le 36 va nous l'envoyer pour l'enquête sur la Bête ?

— L'enquête de la Bête ? Bien sûr que non, elle est bouclée...

Arthur tourne la tête en direction de Bertrand, la surprise lui a même fait oublier qu'il devait se concentrer sur la route.

— Mais commandant, si la personne qui a tué Yaël est la Bête, cela signifie que Delph est innocente... Car elle était en détention pendant ce temps-là.

       C'est à cet instant que Bertrand comprend qu'il est trop vieux pour toutes ces histoires. Pourquoi n'a-t-il même pas eu cette réflexion avant ? C'est pourtant simple à comprendre, il aurait dû y penser tout de suite. Il est vraiment grand temps qu'il prenne sa retraite. Il était tellement perturbé après tout ce qu'il s'est passé dernièrement qu'il en avait oublié l'enquête, c'est une honte pour une personne comme lui. Il est un grand enquêteur, pas un vieillard qui perd la boule à la moindre contrariété.

       Il pourrait avouer son erreur, dire qu'il n'était pas dans son état normal, mais cela n'est pas dans ses habitudes. Personne ne doit voir ses faiblesses, non jamais, sans quoi il deviendrait alors vulnérable.

Mais bon après tout, le meurtre de Yaël ne signifie rien du tout, il n'est pas si incompétent que cela. Delph est une fille maligne, elle peut très bien manipuler un pauvre imbécile qui ferait le sale boulot pour elle.

— Elle pourrait très bien avoir un complice. Ça ne l'innocente pas.

Cela en est trop. Arthur arrête la voiture sur là-bas côté en appuyant fort sur le frein pour secouer son collègue, que ce soit physiquement ou mentalement.

— Bertrand, vous ne pouvez pas continuer sur cette voie. Cela peut encore passer pour une erreur, mais bientôt cela sera de la bêtise.

— Qui t'a permis de me parler comme ça ? Je suis ton supérieur, tu me dois donc le respect.

— C'est parce que je vous respecte que je dis tout ça. Vous avez passé toute votre vie à vous bâtir une solide réputation mais une seule petite erreur peut faire tomber votre château de cartes. Une mauvaise décision et c'est ce que tout le monde retiendra.

       Cette simple idée terrifie Bertrand. Non pas de se tromper et d'accuser un innocent, il ne s'est jamais préoccupé de cela, mais de perdre l'admiration de ses collègues si l'un d'entre eux apercevait qu'il a pu faire une erreur. Mais il persiste, il ne se fourvoie pas sur Delph, pour lui elle est une criminelle, c'est une évidence. Cependant, les doutes pourraient l'assaillir. Delph ne pouvait rentrer en contact avec quiconque depuis sa cellule, puis Yaël était l'une des seules dans ce commissariat qui aurait pu l'aider et qui était gentille avec elle, aucun intérêt à la faire tuer donc. Si elle ou un complice avait voulu se venger, c'est Bertrand qui serait aujourd'hui dans un cercueil et sous terre, pas la jeune Yaël.

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