Tout cela n'est pas normal. Lou ne laisse jamais sa porte fermée, elle est même prête à l'ouvrir à n'importe qui, Delph a d'ailleurs dû lui répéter un milliard de fois de ne pas laisser les inconnus entrer. Mais Lou ne l'écoute jamais, elle veut toujours aider son prochain.
Delph sait que sa meilleure amie doit être chez elle, car elle est plus routinière qu'une horloge. Elle fait toujours la même chose, toujours à la même heure. Donc aujourd'hui, à ce moment précis, elle est chez elle à répondre à ses messages. Pourquoi ne lui répond-elle donc pas ?
Cela en est trop pour Delph, l'inquiétude ne cesse de monter et bientôt elle sent qu'elle va déborder. Afin d'éviter l'inondation, Delph sort donc le double des clés et pénètre chez son amie.
Et là, c'est le vide. Personne. Une sensation étrange s'empare de Delph qui ressent un énorme trou dans ses entrailles. Tout cela n'est vraiment pas normal. Delph avait encore l'espoir que son amie se soit endormie à cause de messages trop ennuyeux mais non, elle n'est pas là.
Mais Delph ne doit pas s'inquiéter, Lou peut être partie faire une course de dernière minute, cela arrive. Cela n'arrive jamais à Lou, certes, mais l'imprévu peut parvenir à tout moment, il faut bien une première fois. Delph tente donc d'appeler Lou sur son téléphone portable, pour se rassurer, mais elle tombe directement sur la messagerie. Elle tente une nouvelle fois mais connaît le même sort. Une fois encore. Une fois encore. Une fois encore. Mais rien ne change, il est impossible pour Delph de joindre Lou. Non, elle ne doit pas paniquer, peut-être que Lou n'a tout simplement plus de batterie alors qu'elle fait sa course de dernières minutes.
Elle se précipite donc en bas de l'immeuble et fait le tour du parking mais personne. Elle fait donc le tour du quartier mais personne. Elle fait donc le tour de la ville mais personne. Delph ne sait plus quoi faire, ne sait plus où aller, il ne lui reste à présent plus qu'une seule solution. Elle a un peu peur d'y retourner, mais heureusement que la gentille policière est là. Elle demandera à lui parler à elle et de cette façon tout se passera bien.
Delph reste immobile devant l'immense porte du commissariat. Son cœur tambourine dans sa poitrine. La dernière fois qu'elle a passé cette porte elle n'en est ressortie que plus meurtri. Elle a peur, peur de retourner dans ce lieu terrifiant. Cependant elle a déjà connu pire, elle ne doit donc pas se laisser impressionner, elle peut le faire. Et elle doit le faire, pour Lou.
Arthur se tient derrière le comptoir de l'accueil. Il y a beaucoup de monde, il est donc débordé par les multiples demandes. Delph est pressée, elle a envie de hurler pour qu'on l'aide, mais elle reste paralysée. Elle ne doit pas se faire remarquer, sans quoi elle en est sûre, on viendra la chercher pour l'emprisonner. Elle doit avoir l'air normal, et pour cela elle doit attendre sagement, même si son amie est peut-être en danger.
Delph serre les poings, elle le fait si fort qu'elle rentre ses ongles dans sa peau, jusqu'au sang. Pas grave, cette douleur l'aide à occuper son esprit, loin de la peur de perdre sa seule et unique amie.
Une voix rocailleuse de fumeur se fait donc entendre au loin. Delph ne la reconnaît que trop bien, c'est celle qui hante ses nuits à présent. Non, pas lui. Son corps lui crie de s'échapper, de fuir et de courir plus vite que le guépard face à ce danger. Mais elle ne peut pas partir, elle doit déclarer la disparition de son amie, il n'y a plus une seconde à perdre, puis c'est bientôt son tour, elle ne va pas abandonner maintenant.
— Mais qu'est-ce que fait là celle-ci ?
Delph sent tous les regards se tourner vers elle, ce qu'elle déteste. Elle voulait avoir l'air normal et malgré tous ses efforts voilà que tout le monde dans le commissariat la regarde comme un drôle d'insecte dans un cabinet de curiosité.
Mais voilà son tour est venu, elle va pouvoir faire ce pour quoi elle est ici tout en ignorant le sentiment de gêne qui l'oppresse. Delph ouvre la bouche mais avant qu'un mot puisse en sortir, Bertrand la coupe et s'adresse à Arthur, qui fixe la jeune femme les yeux écarquillés.
— Ne t'occupe donc pas d'elle, elle vient avec moi.
Non pas ça, tout mais pas ça. Delph sent les larmes emplir ses yeux, mais elle fait tout son possible pour les contenir et y parvient. Le simple fait de sentir Bertrand à côté d'elle ravive chez Delph les angoisses de son incarcération. Mais elle doit reprendre ses esprits pour aider au mieux Lou et s'adresse à celui qui l'effraie tant.
— Bonjour commandant. Pourrais-je m'entretenir avec Yaël s'il vous plaît ?
— Avec Yaël ? Arrête de faire semblant.
Arthur essaye de s'interposer mais Bertrand saisi le bras de la jeune femme et l'amène jusqu'à la première pièce qu'il trouve. À peine la porte est-elle fermée que Bertrand se met à hurler.
— Que fais-tu ici ? Pourquoi demander Yaël ? C'est une espèce de petit jeu pervers ?
Delph ne comprend pas ce qu'il lui arrive, comment a-t-elle pu se retrouver ici, encore une fois. Elle n'est sortie de prison que depuis seulement quelques heures qu'elle a déjà peur d'y retourner. Soudain, le doute l'assaille. Elle pourrait encore être accusée de la disparition de Lou, elle peut retrouver sa cellule en moins d'une heure. Mais cela n'importe pas, Lou doit être aidée et pour cela Delph est prête à prendre tous les risques.
Bertrand continue à la fixer, toujours en attente de réponse. Delph pourrait y répondre mais elle a déjà oublié ce qu'il lui a demandé. Elle décide donc d'aller à l'essentiel.
— Mon amie, Lou Lucine a disparu. J'ai besoin de votre aide.
— Tiens donc, voilà une nouvelle excuse pour vous faire remarquer.
Delph perçoit son sang bouillir dans ses veines, la colère s'empare de tout son corps. Elle décide donc de se mordre la langue pour l'empêcher de dire des choses qui pourraient lui provoquer des soucis.
— Non, ce n'est pas une excuse. Mon amie, Lou Lucine n'est pas chez elle et est injoignable.
— Lou Lucine, Lou Lucine... Ah mais oui.
Le visage de Bertrand s'illumine quand il met enfin un visage sur le nom que lui donne Delph. Bien évidemment il connaît Lou, il ne s'est jamais donné la peine d'aller l'interroger mais il connaît un peu cette jeune personne qui a une sacrée réputation dans la petite ville où tout se sait et où les rumeurs courent si vite. Bertrand termine donc sa phrase.
— Tu veux parler de Rodolphe Lucine c'est ça ?
Reste calme Delph, reste calme. Au moindre faux pas de ta part, ce vautour en profitera pour se jeter sur toi et te dévorer. Delph utilise donc toutes ses forces pour répondre avec le plus de maîtrise possible.
— Non, elle s'appelle Lou Lucine et vous le savez très bien.
— Ce que je sais c'est que c'est juste un mec qui se déguise en femme et que de nos jours tout le monde trouve ça normal. En mon temps on les mettait à l'hôpital et maintenant dans ce monde de fous on les laisse en liberté. J'aurai dû me douter que vous étiez amis, entre cinglés.
Delph doit se répéter sans cesse, comme un mantra, qu'elle n'est pas folle pour s'empêcher de frapper l'être si indécent qui se tient face à elle. Elle a craqué une fois face à lui, pas deux.
— Allez-vous m'aider à la retrouver ?
— Des malades mentaux qui disparaissent il y en a beaucoup, ils décident souvent de disparaître et je ne suis pas assistante sociale. Donc je ne vais pas perdre mon temps pour eux. J'ai de vraies victimes qui réclament déjà toute mon attention.
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Allumette
Mistério / SuspenseCommencez ce roman policier par la fin. Et voyons si cela vous aidera à démasquer le ou les coupables. « - Si gamin, tout le monde meurt, les enfants meurent, les adultes meurent, les vieillards meurent, tout le monde. - Pas les morts. - Comment ça...