Chapitre 9: Le lion

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— Monsieur Mica, excusez-moi de vous déranger. Capitaine Calli, j'ai besoin de vous pour une enquête concernant Madame Delphine Faune.

       Les mots magiques d'avant ne le sont plus à présent, car je reste face à cette grande porte close. Pourtant je peux entendre le bruit de la télé, il est donc peu probable qu'il soit absent, à moins qu'il n'ait aucune conscience écologique. Je me permets donc d'insister, mais je ne reçois toujours aucune réponse. Je ne suis pas sûre d'avoir la possibilité de revenir un autre jour car si Delph est arrêtée tout risque d'aller très vite ensuite, on me dira que la coupable est sous les barreaux et l'on me ramènera chez moi. Cette affaire sera bouclée, je n'aurai plus aucune raison de rester.

       C'est donc maintenant ou jamais. Je tambourine sur la porte et suis surprise lorsqu'elle s'ouvre enfin et que je découvre alors un homme grand et musclé, les cheveux tenus en chignon, en tenue de sport avec un casque autour du cou et une manette de jeux vidéo entre les mains. Je comprends maintenant la raison de son silence.

— Vous êtes... ?

— Capitaine Calli. J'ai besoin de vous pour une enquête concernant Madame Delphine Faune.

— Delph va bien ?

       Personne différente, mais réponse similaire. Cependant, la comparaison avec Lou s'arrête là. Je comprends mieux quand elle me disait que Léandre était étrange. Il n'a aucune expression sur le visage, il a parlé comme si les mots n'étaient pas porteurs d'expression, de sens et de sentiments. Il m'est totalement impossible de le comprendre, cela pourrait être de l'inquiétude mais je ne peux en être persuadée, de la simple curiosité ou un semblant d'intérêt.

— Oui, elle est en sécurité au commissariat. Mais j'aurai besoin de vous parler, puis-je entrer ?

Je n'ai qu'un grognement comme réponse. Léandre s'écarte de la porte et je rentre dans un petit appartement décoré avec soin, si on parvient à oublier le bureau qui déborde, avec son ordinateur qui trône au milieu d'un tas de déchet.

— C'est pour le corbeau ? Me questionne Léandre d'une voix monotone.

— En quelque sorte.

Il est exactement comme Lou me l'a décrit. Et comme elle me l'a demandé, je ne le jugerais pas pour cela. Je dois aller au-delà des apparences.

— Comment ça ?

— Le corbeau n'était pas qu'un troll. Ce qu'il a dit dans ses messages et son mot sont véridiques.

— Pardon ?

       La question pourrait faire penser à un étonnement mais son visage ne reflète toujours pas ce sentiment. Il est juste... Neutre. Voilà le mot. J'ai déjà rencontré des morts plus expressifs que lui. J'entends des personnes lui parler dans son casque, ce qui me donne le sentiment qu'il n'est pas complètement avec moi dans cette conversation.

— Vous étiez donc au courant de cette lettre.

— Oui, je l'ai trouvée.

— Comment saviez-vous que cela ne vous était pas adressé ?

— À cause des messages.

       En plus d'avoir un visage indéchiffrable, il n'est pas loquace. Cela devient vraiment difficile d'en apprendre plus sur lui. Je suis ici pour mieux connaître Delph mais j'ai le sentiment que je devrais bientôt questionner la jeune femme pour en apprendre plus sur son petit ami. Pourquoi ne sont-ils, tous les deux, que mystère pour moi ?

       Cela peut signifier plusieurs choses. Soit ils sont tout simplement timides soit ils cherchent à cacher ce qu'ils sont vraiment. Et dans ce cas, il est possible qu'ils souhaitent dissimuler des crimes. Mais il existe aussi des tonnes d'autres secrets qui justifieraient un tel comportement. Je ne dois donc pas tirer de conclusions hâtives.

— Monsieur Mica, connaîtriez-vous une personne qui voudrait du mal à Delph ?

— Elle ne connaît personne. À part Lou et moi.

Je ne pense pas avoir déjà rencontré une personne qui était si peu entourée. Elle semble ne vraiment connaître que deux personnes. Je comprends mieux pourquoi elle cherche à se faire tant d'amis sur les réseaux sociaux.

— Et comment décririez-vous Lou ?

— Gentille.

C'est bien ce que je pensais aussi. C'est tout ce qu'elle m'inspire et Léandre est d'accord avec cela. Encore une fois je devrais me contenter de peu de mots.

— Et comment est Delph ?

Je crois apercevoir un léger sourire se former sur son visage. Mais il est aussi possible que cela soit le fruit de mon imagination car il a déjà disparu. Tant bien même qu'il ait déjà existé.

— Je n'ai pas les mots.

Déjà qu'il n'en avait pas beaucoup avant, voilà que les choses s'aggravent à présent. Je sens que cette conversation sera complexe, vraiment très complexe.

— S'il vous plaît, juste trois mots.

— Douce. Juste et... Unique.

       Je ne suis pas certaine que ce dernier adjectif me soit utile car ça, je le savais déjà. Mais que cela signifie-t-il ? Est-ce un défaut ou bien une qualité ? Impossible à comprendre avec le peu d'expression que dégage Léandre. De plus, il ne semble pas vraiment impliqué dans notre conversation, car il s'occupe d'éteindre son ordinateur tout en me répondant. Mais cela a au moins le mérite de nous permettre d'être enfin seuls, coupé de toutes ces personnes qui se trouvaient dans son casque.

       Il a déjà été difficile de sous-tirer trois mots à Léandre, je vais donc directement aller à ma dernière question tant qu'il est prédisposé à me parler, enfin si quelques mots peuvent être considérés comme une discussion.

— Que faisiez-vous il y a deux jours ?

— J'étais chez moi.

— Quelqu'un peut appuyer vos propos ?

— Non.

— Vous en êtes sûr ?

— Oui.

       Cela risque d'être un problème et je n'ai pas le sentiment qu'il en ait conscience. Non seulement car personne ne peut confirmer son alibi, mais aussi et surtout parce que cela signifie que Delph n'était pas avec lui. Pas comme ce qu'elle m'a affirmé plus tôt, elle m'a donc menti.

Mais dans ce cas, que faisait-elle ?


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