Chapitre 11: Il est la bête

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Pourquoi Arthur me dit-il cela ? Aurait-il des informations que j'ignore ? Si tel est le cas, il doit m'en informer. Maintenant. Je lui saute donc dessus, comme un chat sur une souris, pour lui faire sortir ce qu'il a dans les entrailles.

— Dites-moi tout ce que vous savez.

Mon interlocuteur baisse la tête. Je ne comprends pas ce que signifie son comportement. Est-ce de la gêne ? Ou bien cherche-t-il à cacher un mensonge ? Il est toujours difficile d'interpréter le langage non verbal d'une personne, car les possibilités sont toujours multiples. Je ne peux donc pas me fier à ces indices seuls.

— Je ne peux rien dire. Mais j'aimerais.

— Pourquoi donc ?

Arthur relève la tête en moins d'un millième de secondes et écarquille les yeux, comme si mes paroles étaient insensées.

— Car je ne veux pas qu'elle aille en prison, elle ne peut pas y aller. C'est impossible.

Je trouve cela étrange que le fait d'arrêter une personne qui lui est pourtant inconnue le dérange tant.

— Je pensais que vous ne connaissiez pas Delph ?

— Ce n'est pas ça... C'est juste que je pense qu'elle est innocente.

Arthur se perd dans ses pensées et j'ai alors le sentiment de ne plus pouvoir le comprendre, comme s'il me manquait des informations pour le déchiffrer.

— Mais pourtant, vous étiez là lors de l'interrogatoire ? Vous avez entendu ses aveux ?

— Oui mais... Je sais qu'elle n'est pas la Bête qui dévore toutes ces personnes. C'est... Je ne sais pas comment dire... Ridicule.

Plus cette conversation avance, plus j'ai le sentiment qu'Arthur me cache ce qu'il sait en réalité. Je creuse donc dans ce sens, je ne peux pas partir avant d'avoir essayé.

— Comment le savez-vous ? Vous devez tout me dire Arthur, c'est maintenant ou jamais. Demain je partirai et je ne pourrais plus vous aider, ni vous ni elle. Donc parlez-moi.

Arthur fixe maintenant le volant, ses mains le serre si fort qu'elles en deviennent blanches. Là, le message non verbal est clair, il est agacé. Maintenant reste à savoir ce qui l'énerve.

— Je vous l'ai déjà dit, je n'ai rien à vous dire. Mais je ferai tout pour l'aider.

— Pourquoi ? Pourquoi êtes-vous persuadé de son innocence ? Comment pouvez-vous être si sûr ?

Le regard d'Arthur lâche le volant et vient s'attacher sur le plafonnier. Il prend une grande inspiration avant de me répondre.

— Mon instinct. Je sais que ça peut paraître fou, mais je lui fais confiance. J'ai le sentiment que nous faisons une erreur et je ne peux pas l'admettre. Je ne me suis pas engagé dans la police pour mettre des innocents en prison.

— Non ce n'est pas fou Arthur. Je vous comprends. Mais parfois notre instinct peut nous tromper, nous devons donc nous baser sur les faits et seulement sur les faits.

Je ne pensais pas cela possible, mais ses mains serrent encore plus fort le volant. Au point que j'ai peur qu'il ne le casse.

— C'est... C'est de votre faute si elle a avoué.

Ses paroles sont si tranchantes qu'elles me blessent. Et heureusement il vient immédiatement les adoucir.

— Pardon capitaine, je ne devrais pas vous parler comme ça.

— Vous pouvez me parler comme à n'importe qui. Mais pourquoi dites-vous cela ?

Il lâche enfin ce pauvre volant. Avoir dit ce qu'il pensait le soulage donc, voilà où était la source de son agacement. Il va se sentir mieux à présent et nous allons pouvoir discuter sereinement.

— Pour avoir la paix et faire votre enquête l'esprit tranquille vous avez promis à Bertrand que vous suivriez ses méthodes. Vous avez même dit qu'il était une légende.

— Et alors ?

— Il n'en est plus une et vous le savez autant que moi. Ses méthodes sont dépassées, il extirpe des informations en usant de la ruse mais surtout grâce à des techniques plus que... Douteuses. Ces aveux ne lui servent qu'à boucler une enquête le plus vite possible et à se valoriser. Pas à connaître la vérité. Alors oui, des aveux ne suffisent pas normalement, mais nous savons tous les deux que la justice aime, elle aussi, aller vite. Et aujourd'hui, après seulement trois jours d'enquête, nous pouvons laisser une jeune femme passer le reste de sa vie en prison. Donc ne partez pas s'il vous plaît.

Je sais qu'il a raison. Je sais très bien que les méthodes utilisées dans cette enquête sont, certes, vieilles comme le monde, mais mauvaises et accusent de nombreux innocents. Mais je sais également que je ne peux rien faire contre le système.

— Je n'ai pas le choix. La justice veut aller vite, car une enquête coûte cher. Très chère. Et cet argent c'est celui du contribuable, nous ne pouvons donc pas agir comme nous souhaitons, nous devons respecter notre hiérarchie. Même si cela nous déplaît.

— Une vie de gâchée pour des économies ?

Je sais que dit comme cela, ça peut sembler horrible. Et tout simplement car ça l'est. Il est vrai que la vie, la sécurité de tous est parfois sacrifiée sur l'autel de l'économie. Et si je ne fais rien, je serai complice. Mais tenir tête n'est pas toujours facile, je veux donc être sûre de moi avant de me mettre à dos tous mes supérieurs.

— Mais elle n'a pas d'alibi.

— Oui elle était chez elle, mais cela ne la rend pas coupable pour autant. Me répond Arthur à peine ma phrase terminée.

— Non, mais le mensonge oui.

— Le mensonge ?

— Elle vous a dit avoir passé toute la journée chez elle ? Son petit ami, avec qui elle vit, l'affirme lui aussi.

Je viens d'apporter la révélation du siècle à Arthur. Je suis sûre qu'il ne savait même pas que Delph avait un petit ami, tant l'enquête a été bâclée. Bertrand a décidé de mettre une jeune femme en prison sans même la connaître.

Arthur me regarde interloqué et je ne sais pas ce qu'il le surprend le plus. Que je lui apprenne l'existence de Léandre ou bien qu'il l'ait ignorée jusqu'à présent.

— Son petit ami ? Je ne savais pas qu'elle en avait un. Mais pourquoi avoir menti ? Ça pourrait confirmer son alibi et la sauver pourtant.

— Car il m'a expliqué avoir été seul. Toute la journée.

J'ai perdu mon interlocuteur, maintenant voguant dans ses pensées. Je comprends que cela le perturbe, car cette nouvelle va à l'encontre de ses convictions.

— Dans ce cas, c'est le menteur. C'est lui la Bête.

— Ou bien elle est cette Bête, comme vous aimez l'appeler. Elle est peut-être la menteuse et la tueuse. Nous avons une absence d'alibi, un mensonge et des aveux. Ouvrez les yeux, tout va dans sa direction.

Tous les muscles d'Arthur se tendent à nouveau. Il ne semble pas apprécier que Delph soit accusée. Ou bien quand mes paroles sont contraires à son intuition, je ne sais pas.

— Mais nous ne pouvons pas nous contenter de « peut-être » nous devons être sûrs et certain.

Le regard d'Arthur est conquérant, il se tient à présent droit face à moi et est plus que déterminé. Je comprends donc ce qu'il souhaite.

— Vous voulez que nous allions rendre une petite visite à son petit ami pour démasquer lequel des deux est un menteur ?

— Vous avez tout compris Capitaine. Êtes-vous prête ?

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