Au bord de l'inconnu (flashback 2/2)

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Tokyo, année 2018 (deux mois avant le mariage de Pachin)

Avertissement : ce chapitre contient des mentions de violence, notamment de violence faite aux femmes. Contient également des mentions de suicide. Si vous n'êtes pas à l'aise, (que ce soit avant ou pendant la lecture) passez ce chapitre et/ou quittez cette histoire.

Hagumi

-Ne l'ouvre pas.

Elle retira vivement sa main de la poignée de la porte, comme si le métal l'avait brûlée, puis tourna la tête dans ma direction.

Même depuis l'autre bout du couloir je pouvais voir combien elle avait maigri et à quel point elle était fatiguée.

Je la rejoignit en quelques enjambées.

-C'est là où Sanzu torture tous ceux qui ont trahit le Bonten, expliquai-je en m'assurant que le battant était bien fermé, je le soupçonne même d'y planquer sa came.

Jia plissa les yeux, sourcils froncés.

-Sanzu... c'est celui qui a trempé ses cheveux dans de la barbapapa et qui y a laissé son humanité ?

Je réprimais un rire et hochais la tête.

-Tu viens ? J'ai fait du thé.

Je la trainais dans le dédale de couloirs qu'était le repère du Bonten, jusqu'à la partie la plus isolée de celui-ci.

Là, j'ouvris une petite porte qui donnais sur un salon. Normalement, il aurait dû servir de salle de réunion, mais tout bien réfléchit, Mikey avait finalement décidé de déplacer celle-ci au dernier étage du bâtiment. J'étais donc la seule à me servir de cette pièce, ce qui n'était pas pour me déplaire, surtout lorsqu'il s'agissait de m'isoler de... tout ça.

C'est-à-dire, souvent.
Sans dire un mot, je m'activais à servir le thé.
Ce genre de blanc n'était pas inhabituel entre moi et Jia. Au contraire, c'était même la base de nos conversations : quelques paroles lâchées en l'air, comme des politesses entre inconnues, puis un blanc et à nouveau des bribes de phrases.

En même temps, quel genre de personne voudrait converser joyeusement avec l'un des membres du gang qui l'avait kidnappée ? Même en sachant que le membre en question était une vieille connaissance, personne ne le souhaiterait.

Dans le brouillard de mes pensées, je poussais une tasse vers Jia.

-C'est chaud, fais gaffe.

Elle garda sagement ses mains sur ses genoux.
De mon côté, je fis tourner ma cuillère dans la boisson, gardant les yeux obstinément rivés dans le fond de ma tasse.
Au bout de quelques minutes pendant lesquelles aucune de nous deux n'avait rien dit, je parvins à articuler difficilement :

-Tu sais... si j'arrive à convaincre Mikey, je suis sûre que... que je pourrais te faire sortir de là...

-Il refusera.

La tête baissée, et les mains serrées autour de sa tasse à l'en briser, Jia avait prononcé ces mots d'un ton catégorique.

-Tu ne sais pas, Jia, dis-je doucement sans trop y croire, si...

-Avec des "si" on aurait refait l'histoire, Hagumi, coupa la blonde vénitienne, tu penses vraiment que Mikey va me laisser gambader joyeusement dehors après tout ce que j'ai vu ici ?

Je me mordis la lèvre inférieure : c'est vrai que, dit comme ça, ça sonnait comme une idée profondément débile.
N'empêche que je ne comptait pas rester les bras croisés, si bien que je décidais en mon fort intérieur d'aller parler à Mikey le soir-même.

Will u be my bad boy ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant